Chapitre 7 - 14 mars, De la vallée de Chevreuse à Chartres

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Le temps était encore frais, mais les prévisions météo annonçaient une journée ensoleillée. Comme convenu, Ange et Philippe s’étaient retrouvés pour une sortie à moto, permettant au policier de se familiariser avec le style Harley et de retrouver ses réflexes. Philippe lui avait assuré que les routes américaines seraient de toute façon plus faciles que celles de la vallée de Chevreuse. Il n’avait pas l’intention d’entraîner Ange sur les itinéraires sinueux tels que la côte des dix-sept tournants, pourtant réputée auprès de tous les motards de l’ouest parisien. Ange était arrivé à Gif-sur-Yvette le samedi en fin de matinée, équipé d’un lourd blouson de cuir élimé, fourré de laine de mouton. Ce vêtement avait été son compagnon lors de nuits de planque avant d’être remplacé par des vêtements plus techniques. Philippe lui avait prêté un casque intégral et une paire de gants d’hiver, en précisant qu’en Californie ils se contenteraient de casques ouverts plus légers et adaptés au climat.

Après un rapide briefing sur les commandes spécifiques aux Harley et les recommandations de conduite, les deux hommes étaient partis à vitesse modérée en direction de Rambouillet. La 883 étant une petite moto, du moins selon les standards HD, Ange n’eut pas de mal à maîtriser la machine. La Low Rider de Philippe, malgré sa ligne « basse », n’en était pas moins une machine beaucoup plus imposante. Le médecin la contrôlait cependant avec aisance. Les deux engins partageaient la même sonorité caractéristique des bicylindres de Milwaukee et la traversée des petites agglomérations ne passait pas inaperçue.

Après Dampierre, les deux hommes continuèrent jusqu’aux Vaux de Cernay, point de ralliement des motards franciliens. Même si l’un des deux établissements avait disparu dans un incendie, le lieu restait très fréquenté le week-end et des dizaines de motos étaient parquées devant le bar restant. Philippe passa sans s’arrêter pour rejoindre le plateau et les routes plus rectilignes menant vers la Beauce. Pour donner une autre impression de la conduite, plus proche des standards américains, les deux hommes engagèrent les motos sur l’autoroute A10, avant de bifurquer vers Chartres où Philippe avait prévu de déjeuner. Ange fut surpris de constater que les motos américaines, contrairement aux allemandes ou aux japonaises qu’il avait pu conduire lors de son apprentissage chez les CRS, n’appelaient pas à la vitesse. La position de conduite comme les vibrations du moteur plaidaient pour la modération et c’est à moins de 130 km/h qu’ils virent apparaitre les flèches de la cathédrale.

À douze heures trente, les motos parquées face au portail ouest, les deux compères n’eurent que l’embarras du choix parmi les nombreux restaurants du quartier. Comme ils commençaient à s’engager dans les ruelles au-dessus de la rivière, en s’attardant devant les menus affichés, une porte s’ouvrit et une charmante hôtesse les invita à entrer, avec la promesses d'un apéritif pour de si charmants Messieurs. La proposition semblait honnête, la carte prometteuse et de nombreuses affichettes issues de différents guides touristiques recommandaient le lieu. Le sourire de la serveuse, ainsi que son allure agréable, eurent vite raison de toute hésitation. En ce samedi de fin d’hiver, les touristes étaient encore rares et la plupart des tables inoccupées. Ils furent néanmoins invités à suivre l’avenante personne jusqu’à une petite salle voutée sur l’arrière du restaurant, ce qui leur permit d’admirer la silhouette gracieuse qui se balançait sous leurs yeux. Cette salle était vide et ils soupçonnèrent la belle d’avoir quelques arrière-pensées.

La jolie serveuse revint avec deux kirs pétillants, et se présenta comme Sandra, à leur service. Elle accompagna cette dernière remarque d’un sourire aguicheur. Elle était vêtue simplement d’une jupe noire assez courte pour dévoiler dans certaines situations des bas sans jarretelles, noirs également. Ses chaussures aux talons sans doute un peu trop hauts pour le service en salle faisaient agréablement saillir un derrière aux rondeurs savoureuses. Sa poitrine généreuse était habillée d’un chemisier à col bateau, dégageant le haut de ses épaules et sa gorge, lacé sur le devant, laissant deviner le sillon de ses seins.

Le repas se déroula sans événement notable mais au dessert, Ange remarqua que le laçage de la chemise paraissait un peu plus lâche qu’à leur arrivée. Philippe quitta la table pour se rendre aux toilettes et la serveuse se précipita dans la même direction. Ange remarqua le manège avec un œil amusé. Lorsque Philippe ressortit de l’étroit local, Sandra l’attendait dans l’ombre et se précipita sur lui, l’embrassant goulument. Il sentit les seins lourds se plaquer contre son torse et la main de la jeune femme tenter de se frayer un chemin sous sa ceinture. En d’autres circonstances, l’aventure aurait pu être plaisante mais Philippe n’était pas d’humeur aux amours ancillaires et repoussa avec tact les avances qui lui étaient ainsi faites.

— Beau chevalier, m’enlèveras-tu sur ta moto ? Tu sentiras mes seins dans ton dos et je me serrerai contre toi.

— Tu es bien mignonne mais je ne peux pas laisser mon ami seul à table.

— Si vous voulez tous les deux, moi je suis d’accord.

— Désolé, ce ne sera pas possible, nous avons de la route à faire et nos femmes nous attendent.

— Dommage ! Elles ont de la chance.

Sur le chemin du retour, Philippe entraîna Ange jusqu’au siège du Dream Vallée Chapter, le club d’adeptes de la marque américaine hébergé par le concessionnaire régional. En cette fin d’après-midi le showroom était assez fréquenté par des amateurs préparaient déjà les randonnées de la belle saison. Le médecin identifia quelques connaissances avec lesquelles il discuta brièvement avant d’interpeller Jack, patron du garage. Après avoir raconté l’anecdote du restaurant, il lui présenta le projet qu’il avait élaboré pour leur randonnée californienne et lui demanda quel modèle il recommanderait et à qui s’adresser pour la location. Philippe savait que Jack et le Chapter avaient déjà organisé de telles sorties dans le passé et il se doutait qu'il serait de bon conseil.

— Si vous ne prévoyez pas d’aller dans la Sierra Nevada, vous allez rester sur des grands axes, et si vous quittez l’Interstate 40 pour faire un bout de la Route 66, mieux vaut une machine confortable. Il vous faut aussi pouvoir porter un peu de bagages. Je vous suggère de partir sur une Touring, Road King ou Road Glide par exemple. Sur la Glide, vous aurez la radio ! C’est plus lourd que la 883 mais ton ami est costaud, il s’y fera vite. Il n’a qu’à l’essayer, il y en une juste devant sur le parking. Il verra s'il est à l’aise.

— Merci mais on n’a pas vraiment le temps de repartir pour une balade, on va juste voir le gabarit. Et pour la location, tu nous recommandes qui ?

— EagleRider, c’est tout près de l’aéroport de Los Angeles, sur La Cienega Boulevard. Tu trouveras tous les détails sur le site web du Chapter si tu veux. Si tu montres ta carte de membre, ils te feront un bon prix.

Une heure plus tard, les deux motos soigneusement remisées et bâchées, les deux amis retrouvaient leurs compagnes autour de la cheminée, un verre à la main.

— Et vous les filles, qu’avez-vous fait de votre journée ?

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