Chapitre 24 - 29 avril, West Hollywood
La matinée était bien avancée lorsque Charlie Mortansen et son équipier Joe Cardoni se retrouvèrent au poste de police d’Hollywood. Ils furent surpris d’y trouver leur patron, le capitaine Steve Lamb.
— Bonjour Capitaine, dit Charlie, qu’est-ce qui vous amène au bureau un dimanche matin ?
— Mais c’est vous Mortansen, ou plutôt votre affaire.
— Déjà, reprit Joe, nous avons à peine fait les premières constatations.
— Les nouvelles vont vite, la victime était connue dans le milieu du cinéma et des affaires. Le Chef veut éviter les fuites et demande une résolution rapide. Il m’a demandé de superviser personnellement les investigations.
— Merci pour la confiance, grogna Joe.
— Cardoni, je vous prie d’éviter ce genre de remarques, et par ailleurs, j’aimerais que vous soigniez un peu votre tenue, vous avez l’air de sortir d’une poubelle.
— Excusez-moi Capitaine, j’ai quelques soucis personnels en ce moment.
— Encore des problèmes avec votre femme ou avec une bouteille ? Les deux peut-être. Je ne veux pas connaître les détails, mais comprenez bien que je ne peux pas accepter de voir mes hommes dans cet état pendant le service. Prenez cela comme le dernier avertissement. Et maintenant Mortansen, parlez-moi de cette femme, Samantha Page.
Charlie rapporta au capitaine les premiers éléments relevés à Pacific Palisades. Elle insista sur les points troublants qui avaient justifié leur intervention. La victime avait été retrouvée nue dans sa piscine, sans vêtements ni chaussures à proximité. Son portable qu’elle ne quittait jamais était resté dans la maison. Elle conclut avec le dernier appel et la visite immédiate de Shaina Freeman.
— Vous avez raison à propos de la victime, une rapide recherche nous montre qu’elle a eu un petit succès à Hollywood dans les années 80-90. Puis elle a quitté les plateaux pour épouser un riche homme d’affaires, qui a réussi dans l’immobilier avant de la laisser veuve et fortunée. Depuis, elle ne semble plus avoir eu d’activités professionnelles, mais elle a continué à faire parler d’elle dans les gazettes. Après le décès de son mari, on ne lui a plus connu de liaison régulière, mais sa villa était le lieu de fêtes assez courues, alcool, femmes, play-boys…
— On a un dossier côté mœurs ou stups, demanda le capitaine ?
— Je n’ai pas encore vérifié mais il n’y a rien sur le net qui fasse état de débordements notables.
— OK, creusez un peu par là et du côté des affaires aussi. Elle a toujours le contrôle des sociétés de son mari ?
— Je ne sais pas encore, dit Charlie.
— Que sait-on du décès ?
— Comme je vous l’ai expliqué, l’employée a retrouvé Samantha Page flottant totalement nue dans sa piscine ce matin. Le légiste pense que le décès remonte à hier après-midi, mais il n’a pas pu être plus précis. Il n’y avait pas de traces visibles sur le corps.
— C’était un sacré canon cette femme, glissa Joe.
— Fermez-la Cardoni ! rugit le capitaine, ou je vous suspends sur le champ. Vous savez quand aura lieu l’autopsie ?
— Non, pas encore, je prévois d’appeler le bureau du Coroner dès que possible.
— Très bien, je veux que vous y assistiez. Trouvez-moi quelque chose, drogue, alcool, médicaments, qui pourrait justifier une forme de suicide. J’aimerais boucler ça au plus vite, sans vagues. Bien entendu, vous allez aussi voir ce que vous pouvez tirer de cette femme, Shaina Freeman. On n’a rien pour le moment qui puisse justifier que l’on demande un mandat, alors allez-y doucement, surtout avec l’épave qui vous accompagne. Et vous Cardoni, allez immédiatement prendre une douche et vous changer !
— Tu as entendu le patron, file où tu veux et reviens dans une tenue plus présentable. Je vais appeler le légiste et cette Shaina Freeman, je n’ai pas besoin de toi pour le moment.
Après le départ de son partenaire, Charlie s’installa à son bureau pour commencer ses investigations. Elle commença par appeler le bureau du Coroner qui lui annonça que l’autopsie était prévue pour le lendemain matin. Elle confirma qu’elle serait présente. Avant de contacter Shaina Freeman, l’enquêtrice lança quelques recherches sur le web. Facebook ne lui apprit rien d’intéressant mais LinkedIn lui donna un aperçu du parcours professionnel brillant de la jeune femme. Elle étendit ses recherches autour de Sunny Vale, ce qui lui permit de découvrir une première connexion. Samantha Page était citée sur l’article d’accueil du site de la clinique, une photo en maillot de bain accompagnait la publication et Charlie reconnut la femme qu’elle avait vue sur une civière le matin même. Elle se dit que Joe avait raison, à près de soixante ans, cette femme avait un corps remarquable, mais cela était surtout dû au talent du Docteur John Freeman.
Elle obtint assez rapidement des informations sur Pacific Page Inc., la société de feu Lionel Page. L’entreprise était dédiée aux investissements dans l’immobilier de haut de gamme, immeubles de bureaux de prestige ou appartements de luxe, opérant principalement dans la Californie du sud. Au décès de son mari, Samantha Page était devenue l’actionnaire majoritaire, aux côtés de fonds d’investissements inconnus. La direction effective était assurée par un certain Phil Blankart, CEO. Les autres dirigeants et membres du board n’avaient aucune présence sur le web, ce qui intrigua un peu Charlie. Pacific Page Inc. pesait plus de 300 millions de dollars et sa rentabilité était bonne. Phil Blankart, pour sa part, offrait un peu plus d’intérêt. Son nom était associé à quelques affaires un peu troubles mais aucune charge n’avait pu être retenue contre lui, aucune condamnation. Charlie prit quelques notes pour le capitaine, suggérant de demander un approfondissement auprès des services spécialisés dans la délinquance financière.
Il était près de 14h00 lorsqu’elle appela de nouveau Shaina Freeman. Elle ne fut pas surprise quand cette dernière refusa de discuter avec elle au téléphone. Au lieu de cela, elle lui proposa de passer en fin de journée à Malibu. Charlie suggéra 17h00, espérant qu'à ce moment, Joe aurait retrouvé une figure plus civilisée.
Elle utilisa le temps disponible pour rédiger les premiers éléments de la procédure ainsi qu'un mail pour Steve Lamb avant de revenir à ses recherches. L'opacité de Pacific Page Inc. ne lui permettant pas de progresser avec les outils à sa disposition, elle décida de chercher plus de données sur la clinique Sunny Vale. La première requète lancée sur Google lui ramena une longue liste d'articles à caractère plus publicitaires qu'informatifs. Elle ne trouva aucune mention d'affaire judiciaire rapportée par les médias, mais plutôt des commentaires flatteurs sur les blogs de différentes célébrités remerciant le Docteur John Freeman ou l'un de ses associés pour le travail effectué. La réputation de Sunny Vale sur le web semblait excellente. À l'aide d'un portail d'informations financières, elle eut rapidement accès aux comptes de Sunny Vale et à la liste des associés. Elle ne fût pas étonnée de constater que John Freeman en était le principal actionnaire, aux côtés de trois autres praticiens minoritaires. Dans la rubrique destinée aux investisseurs, la stratégie de développement de Sunny Vale était développée, annonçant un prochain appel de fonds pour financer la construction d'un nouveau bâtiment. La détective Mortansen en était à ce stade de ses investigations lorsque Joe fit son retour, douché, rasé et vêtu d'un costume propre.
— Tu arrives juste à temps et tu as meilleure allure. Nous filons à Malibu, nous avons rendez-vous chez les Freeman. Je te dirai ce que j'ai trouvé dans la voiture.
— Judy était sortie avec les enfants, je n'ai pas eu à subir ses reproches.
— C'est dommage, tu les mérites. Avec un partenaire comme toi, pas besoin de demander pourquoi je suis célibataire.
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