Chapitre 42 - 2 mai, Palm Springs
Philippe avait proposé à ses amis d’aller faire une excursion jusqu’à Palm Springs, au pied du Pic San Jacinto. Selon la météo locale, ils envisageraient une fois sur place de prendre le téléphérique jusqu’au sommet ou de continuer jusqu’au Parc National de Joshua Tree. Ils étaient partis très tôt afin d’être de retour pour le dîner chez Ana Polina. Après plus de deux heures de route, la météo était clémente, le ciel dégagé et sans vent. La vue du sommet s’annonçait spectaculaire. La montée dans la cabine rotative leur offrit une vue étonnante sur un relief particulièrement tourmenté, découvrant au fil de l’ascension le désert de Sonora s’étendant plus à l’est, jusqu’au Mexique, et le lac Salton, né d’un débordement titanesque du fleuve Colorado, au début du 20e siècle.
— À quelques jours près, nous aurions pu assister au festival de Coachella, dit Philippe. C’était il y a deux semaines.
Après une courte promenade au sommet, où, malgré le soleil, le froid était vif, les Français redescendirent pour aller déjeuner dans la petite ville de Palm Springs. Julie conduisait et sur les instructions de Brigitte, leur fit visiter le quartier de villégiature des hommes d’affaires et acteurs, amateurs de golf. La journaliste était horrifiée en pensant aux quantités d’eau nécessaires pour entretenir ces hectares de verdure au milieu du désert. Ils trouvèrent un restaurant agréable et Julie profita de la pause pour appeler Walter Prescott. Ce dernier lui avait envoyé un message plut tôt dans la matinée.
— Salut Julie, merci de me rappeler. J’ai du nouveau pour toi. Je me suis renseigné auprès de sources que je ne peux pas nommer mais que je sais fiables. Je peux te confirmer que la société PPI est bien dans le collimateur du FBI et de la DEA. Ils soupçonnent des activités de blanchiment d’argent provenant du trafic de stupéfiants. Par ailleurs, Blankart essayait de prendre le contrôle total de la société, mais la mort de Samantha Page perturbe ses plans. Elle a laissé un testament dans lequel elle cède ses participations à une fondation caritative et le contrôle effectif à un cabinet d’avocats mandataires. Je ne pense pas que ces gens voient d’un bon œil une possible association avec des narcos Mexicains.
— Je comprends mieux la mise en garde que Sam Page a adressée à Shaina Freeman avant sa mort, mais si je te suis bien, Blankart n’avait aucune raison de tuer Samantha .
— Non, au contraire, je pense qu’il aurait préféré acquérir d’abord la majorité, ou faire racheter ses parts par ses amis mexicains. Maintenant, tout est bloqué.
—Et du côté du Dr McLay ?
— Je suis désolé, je n’ai rien. Il n’a visiblement pas de lien avec PPI ou Blankart, du moins rien de visible et contrairement à ce dernier, il n’est pas connu dans les milieux sur lesquels je travaille.
— Tant pis, on va continuer à chercher dans d’autres directions. Je te remercie pour tout ce que tu as fait pour nous.
— De rien, ma belle, à charge de revanche.
Julie rapporta sa conversation à ses compagnons.
— Blankart utilise la société PPI pour des petites magouilles avec ses amis mexicains, mais ça ne leur suffit pas. Ils voient plus grand et voudraient évincer Sam, en diluant ses parts ou en les lui rachetant, synthétisa Ange, dont le côté policier essayait de reprendre le dessus. Sam a cru bien faire en introduisant Blankart auprès de Sunny Vale, mais elle prend conscience qu’il est peut-être dangereux et elle prévient Shaina. Blankart ou ses amis pourraient avoir eu envie de se débarrasser de Sam par dépit, mais ils ont trop à perdre.
— Il ne reste que ce McLay, compléta Brigitte.
— Oui, il est très probable qu’il est à un certain degré impliqué, mais quel est son intérêt à lui ?
— La jalousie ? Sam avait une vie très libre, les garçons peuvent en témoigner, répondit l’avocate.
— C’est possible en effet, mais de la à tuer de sang-froid, je ne pense pas. Une femme le ferait peut-être, mais pas un play-boy comme McLay. Lui aussi avait beaucoup à perdre. Sam lui offrait un passeport pour Hollywood. J’aimerais bien savoir ce que Cheyenne va trouver sur lui.
Sur le chemin du retour, Brigitte reçut l’appel de l’enquêtrice.
— J’ai découvert beaucoup de choses sur le Dr McLay, vous allez être surpris.
— Laisse-moi le temps de basculer sur l’audio de la voiture, nous sommes tous les quatre en balade. Voilà, c’est bon, tout le monde t’écoute.
— Le « big scoop », le Docteur McLay qui opère à la clinique Sunny Vale est en réalité un médecin hollandais qui a usurpé l’identité du véritable McLay, qui, lui, a disparu depuis plus de deux ans quelque part au Texas. Notre homme, de son vrai nom Jan Van Oït, est bien chirurgien mais il a eu quelques soucis dans son pays d’origine il y a trois ans et a préféré se faire oublier. Problèmes de drogue d’une part et accident opératoire d’autre part, il a quitté les Pays-Bas pour le Mexique. Il réapparait en Californie et se fait recruter à Sunny Vale. En parallèle, il fréquente des cercles de jeux et on peut supposer qu’il y blanchit de l’argent.
— En effet, intervint Ange, c’est du lourd.
— Et ce n’est pas fini, je n’ai pas de preuves formelles car tout est sous pseudonyme, mais je suis à peu près certaine que l’argent perdu par le pseudo McLay lui était fourni par Blankart, lui-même alimenté par un cartel mexicain basé à Chihuahua.
— Donc, si je comprends bien, reprit Ange, Van Oït a des problèmes liés à la drogue et commet une faute professionnelle. Il se fait exfiltrer par les Mexicains qui lui redonnent une identité et l’introduisent comme cheval de Troie à Sunny Vale. Qu’est devenu le vrai McLay ?
— Il a disparu soudainement il y a deux ans. Il travaillait dans une clinique d’El Paso, au Texas. Il a notifié sa démission par email et n’est jamais reparu. El Paso est à la frontière mexicaine, il était facile pour le cartel de le faire enlever. Officiellement, il a passé une année à faire de l’humanitaire en Thaïlande. Je présume que c’est Van Oït qui a traîné là-bas avant de revenir pour se faire embaucher.
— McLay voulait investir dans le capital de Sunny Vale, ajouta Philippe, c’est ce que m’a dit Ana Polina. C’est sans doute de l’argent fourni par Blankart qu’il aurait apporté, un miraculeux gain au poker ?
— C’est tout à fait possible en effet.
— Tout ça explique les manœuvres pour la prise de contrôle de Sunny Vale, dit Julie, mais ça ne nous dit toujours pas par qui et pourquoi Sam Page a été tuée. Le faux McLay avait tout intérêt à continuer à fricoter avec Sam et à la convaincre de vendre ses parts tout en continuant à gentiment prendre de l’influence dans Sunny Vale.
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