La con.traception
On l’avait pris pour un fou. Un féministe intégriste. De fait, au début de ses recherches, ce n’est pas aux femmes qu’il pensait mais bien à lui, c’était une volonté égoïste, même – pense-t-il aujourd’hui avec honte – un acte de protection contre la gente féminine, perfide par définition. Oui, il avait eu dans sa jeunesse les échos de ses amis, l'histoire de ces enfants nés du mensonge d’une femme, piégeant par la procréation le mâle ; d'une main mise sur le portefeuille par le mariage qui n’était plus une option quand il y avait un marmot. Il fallait se dépêcher à épouser cette erreur d’un soir pour cacher au monde une grossesse bâtarde. C’était ainsi.
Guillaume, attaché au plaisir de la chair mais refusant d’être attaché pour autant en dehors des petits jeux coquins, ne faisait pas confiance à ses conquêtes, bien jolies mais, par nature de leur sexe, enclines à vouloir le coincer avec une « pilule oubliée ». Car, comme on le savait tous, une pilule bien prise empêche toute fécondation ! Ah ! Qu’il était bien loin des considérations et des pseudos combats féministes, de la lutte pour la libération de ces suceuses de frics prêtes à tout. A l’époque, déjà, il avait pensé à la vasectomie, mais, en sus d’être illégal, le procédé était un peu trop définitif et – soyons honnêtes – émasculateur… Or, Guillaume tenait à garder son barillet chargé, prêt à dégainer le jour où – peut-être – les femmes ne seraient plus succubes.
Il devait bien y avoir un moyen de se protéger en plus de la capote ? Il parcouru les ouvrages sur la question et s’aperçut que de nombreuses études avaient été lancées, mais rapidement avortées car trop contraignantes. « Trop contraignante ? Plus qu’un enfant vraiment ? » C’était sûrement encore un coup des femmes, une volonté de protéger leur pouvoir et leur monopole… !
Alors pour conserver sa bourse, il décida de mettre les siennes au chaud ! Il avait lu – ou entendu il ne sait plus bien aujourd'hui – qu’une température élevée à celle du corps – ce n’était donc pas pour rien que ses poches se trouvaient à l’extérieur ! – se montrait redoutable pour rendre ses spermatozoïdes incapables de féconder le moindre ovule. Une aubaine ! Mais comment mettre au point un outil qui préserverait toute sa puissance masculine tout en équeutant ses têtards ? Un éclair de génie traversa son esprit libidineux : sur un vieux caleçon il découpa un trou, ni trop gros, ni trop étroit, avec un élastique pour faire passer son phallus et son scrotum tout en plaquant ses berlingots contre sa peau. Quinze heures par jour et trois mois avant que le processus ne soit efficace ! Mais le verdict fut sans appel : son éjaculat était impropre à la fécondation ! Victoire ! Enfin il pourrait baiser sans crainte.
Son « cale-couille », comme il aimait l’appelait, attisait la curiosité de ses congénères. Mais qu’est-ce que c’est que ce machin ? S’il essuya quelques remarques désobligeantes quant à son accessoire, il sut convertir certains de ses amis à ses bienfaits – plus d’enfants dans le dos ? T’es sûr ? –, mais enfin pas au point de les convertir ! L’esthétisme de l’engin (et par engin, comprenez culotte, je vous vois d’ici bande vicelards), ne convainquirent guère ses camarades, et puis surtout « c’est un truc de nana de gérer ça, c’est pas notre problème ». Uppercut dans le plexus. Comment ça ? Un truc de nana ? Allons donc ! La queue entre les jambes (et les testicules bien au chaud), Guillaume se décida à faire appel au pire représentant du sexe faible : sa sœur ! Ce démon en robe à fleurs et à la chevelure de Gorgone.
Sautant sur l'occasion – celle d’enfin pouvoir aborder le sujet avec lui – Cécile lui parla hormones, pilules, stérilet… Elle lui évoqua les effets secondaires, prise de poids, acné, dépression, perte de libido, sécheresse vaginale, risque cardio-vasculaire... Cécile, confiante lui raconta comment elle-même avait eu recours à l’IVG malgré une pilule prise « comme il faut ». Sans s’arrêter sur les détails, elle continuait son discours, comme si tous les non-dits sortaient enfin dans un dégueulis verbal. Elle était ravie ! D’un ton grave elle poursuivit : « Tu te rends compte Guillaume, ce que tu as là, c’est la libération de la femme ». Il n’en croyait pas ses oreilles. La libération de la femme ?! Et puis quoi encore ? « Ce n’est pas seulement une manière de te protéger en tant qu’homme, c’est une solution au partage de la responsabilité, au partage du poids de la contraception, au partage du contrôle des naissances qui depuis tant d’années incombe à mes sœurs ! ». Une hippie, la Cécile. Guillaume n’en avait cure de porter la moindre responsabilité, c’était justement le moyen pour lui d’y échapper ! Mais les mots de Cécile firent écho. Les femmes se réjouiraient-elles donc d’une telle invention ? Voilà qui constituait la plus grande surprise pour le jeune homme. Armés de leurs caleçons et de leurs élastiques, Guillaume et Cécile investirent l’atelier de couture maternelle pour concevoir quelques prototypes. Elle avait son cercle d’amies prêtes à en découdre avec leurs partenaires ! Le « cale-couille » se propagea comme une bonne syphilis.
Son accessoire fit le tour du monde, et Guillaume avec. Il avait révolutionné la contraception et se voyait invité sur tous les plateaux de télévision, diffusé sur toutes les chaînes de radio et ses mots étaient retranscris dans les journaux les plus prestigieux et ce, dans une infinité de langues ! C’est au cours de ces fatigantes tournées qu’il rencontra Zoé, gynécologue féministe au spéculum-vitae bien fourni. Ils tombèrent rapidement amoureux et vivent, depuis, une sexualité épanouie et sans enfant (poure l'instant...) !
------ notes ------
La pilule contraceptive féminine est accessible depuis 1960 aux E.U, depuis 1967 en France. A ce jour, aucune pilule masculine n’existe sur le marché. Fin des années 70, des groupes privés financent la recherche et lancent leurs premiers essais cliniques qui seront rapidement abandonnés (pour diverses raisons dont sociales et financières).
Les recherches reprennent en force depuis quelques années, notamment pour une pilule non hormonale. D’après les protocoles en vigueur, on estime à une dizaine d’années une pilule contraceptive masculine sur le marché pharmaceutique.
Aujourd’hui, il existe des modes de contraception masculine (hors préservatifs), mais celles-ci sont particulièrement contraignantes (injection, passage de gel sur l’intégralité du corps…) et souvent coûteuses, en plus d'être très peu connues et accessibles.
Le slip contraceptif en est un exemple. Mis au point il y a une trentaine d’années par le Dr Mieusset, oncologue toulousain, il s'agit d'une contraception mécanique et naturelle qui a fait ses preuves mais qui souffre -1) d’un manque de (re?)connaissance -2) du doute sur les risques à long terme n’ayant pas fait l’objet de tests approfondis validés -3) de la contrainte du port non négligeable (15h par jour, tous les jours sont necéssaires pour être éfficace et pas avant trois mois) -4) de son style BDSM qui a du mal à passer (mais y'a son petit frère, l'anneau pénien - le contraceptif, pas le vibrant ;-)
Cette histoire est une fiction, Guillaume n’existe pas et d'après les élèments à ma connaissance le Dr. Mieusset n'est pas un macho de la première heure ;-) Toutes les femmes ne sont pas près de voir leurs mecs en « remonte-couilles » (ça pour le coup c’est son vrai surnom), mais de plus en plus d’hommes considèrent aujourd’hui la problématique et s’investissent pour un partage de la responsabilité sur le contrôle des naissances, ainsi que pour la gestion de leur propre fertilité (61% en 2012 se déclaraient favorables à une pilule masculine) qui incombe majoritairement aux femmes dans nos sociétés.
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