- « On s’est donné du mal tu sais ! » lança Léon d’une voix un peu plus forte que d’habitude.
- « A cette époque il n’y avait pas toutes ces règles stupides pour t’empêcher de faire ceci ou cela. »
- - Avec les collègues on en a chopé plus d’un crois-moi ! Après les missions les chefs passaient nous féliciter et parfois nous engueulaient mais nous on savait que c’était pour la façade… » il respira un peu puis reprit :
- « On savait bien que le système les obligeait à nous dire des conneries mais au fond ils étaient fiers de nous. »
Marc se tortilla un peu sur son siège. Il était ému.
- « Le jour où j’y suis aller franco était un jeudi. J’étais en forme, et les copains aussi. On avait nassé les fumiers dans une grande rue et on envoyait la sauce. Tu aurais vu ces enviandés courir dans tous les sens ! Certains ont essayé de repousser notre charge mais tu parles, on était chauds ! »
Les yeux de Léon brillaient légèrement. Marc connaissait cette histoire. Elle avait bouleversé sa vie et celle de sa mère.
- « Et ensuite le corps à corps. A la dure mon gars, fini les conneries et les discours. On en a bousculé un bon paquet et puis on a reculé car le chef hurlait de nous retirer depuis un moment. Bilan : trois emmanchés sur le carreau et une douzaine de blessés chez eux. Rien chez nous. ». Le vieil homme sourit.
- « Et puis ce fut le début du cauchemar. Un homme mort le crâne défoncé, les politiques s’en sont mêlé et ces fumiers se sont dégonflés comme des lopettes. Les sanctions, la dégradation, le chômage… ».
- « Les collègues du syndicat étaient là mais c’est tout. La hiérarchie m’a laissé tomber. La descente aux enfers, tu vois. Mais au diable tous ces imbéciles. Je ne regrette rien… ». L’attention de Léon venait de baisser d’un cran. Il avait épuisé ses dernières parcelles d’énergie en se lançant dans son récit.
Marc se leva, embrassa doucement son père puis quitta l’EHPAD. Comme Léon, il faisait carrière dans les forces de l’ordre. Mais lui ne se laisserait pas avoir par le système. Il était irréprochable en service. Il était plus malin. L’histoire de Léon lui avait servi.
- « Non ! », se dit-il.
- « Avec ma milice et nos sorties de nuit, on fait vraiment du bon boulot… »