Chapitre 4 "Soirée de fête"
Cette nuit, c’est jour de fête. Ce jour de fête, c’est gros repas. Ce gros repas, c’est viande humaine.
La préparation de cette grosse soirée demande beaucoup de monde. Tout le village en réalité.
Les hommes les plus forts installent ce qui semble être la table prévue pour le repas collectif de ce soir.
Les autres hommes partent chasser. Certaines femmes partent aussi dans la forêt. Saliana est tirée par cette fameuse troupe de femmes qui part dans la forêt profonde. Je regarde ma petite amie. Elle me sourit. Je ne m’inquiète pas pour elle. Je m’inquiète pour moi. Qu’est-ce que je vais faire sans elle.
Heureusement que Kirinio est là pour m’empêcher de faire des erreurs qui me couterais la vie.
Etant un homme, je me suis proposé d’aider pour installer les grosses tables massives en bois. Ainsi que les bancs. Je dois m’intégrer dans cette tribu, alors je vais essayer de mettre ma force à disposition. En plus je suis assez grand.
Innocent, j’arrive vers le groupe d’homme du village. Ceux qui sont dans la fleur de l’âge. Ceux qui savent comment faire tourner cette petite communauté. Il m’avise. Je suis toujours plus grand qu’eux, mais je me sens un peu lamentable à leurs côtés. Et c’est encore un échec !
La table est lourde mais j’arrive à la porter. L’homme me parle mais je ne comprends pas un traitre mot. Il s’énerve devant mon inefficacité et commence à élever la voix. C’est à nouveau Kirinio qui vient arranger les bidons entre le petit colosse et le géant new-yorkais. Mais cette fois, je vois de la colère dans l’armoire à glace.
Je ne peux m’empêcher de penser à certaines de mes connaissances à Manhattan qui aurait adoré ce frotté contre cet homme qui respire le travail. Cet homme, comme certains de ceux de la tribu, sont la version humaine de la virilité. Ils sont musclés et forts. Les épaules sont larges et robustes. Comme le reste de la tribu, ils sont bronzés. Certain portent des barbes et des moustaches, d’autre sont rasé. Les cheveux sont mi- longs, d’un noir de jais impressionnant. Ces hommes sont clairement les casseurs de nuque de la tribu. Et je viens de mettre celui qui ressemble à un gladiateur en colère.
Kirinio se prend un savon de la part de l’adulte. Le pauvre petit baisse la tête devant son aîné. Je me sens tellement bête qu’ils prennent les foudres du village à ma place. Mon ami m’attrape par la main et il me tire vers les enfants et quelques femmes. Les vielles femmes. Celle qui ne vont plus dans la forêt. Elles sont assises dans la terre. Devant elle, de très grosses assiettes en terre cuite sont remplie de terre de couleur. Il y a du rouge, du brun, un peu de jaune.
Ma mission, faire de la peinture. Kirinio montre aux autres enfants, ainsi qu’à moi, comment faire de la peinture. La recette est simple. De la terre colorée qui a été ramassée dans la forêt. On rajoute un peu d’eau et pour que ce ne soit pas une soupe colorée, on rajoute une espèce de poudre blanche.
Je fais un petit bol de peinture rouge, mais soudain, il n’y a plus de poudre blanche. Kirinio rigole. Il me prend la peinture et pose mon petit bol de côté. Il se lève. Je comprends grâce à ses signes de mains que je dois rester assis sur le sol. L’adolescent pose devant moi un gros caillou. Comme pour la fabrication de la lance, il me donne le nom dans la langue de la grosse pierre plate. Il amène ensuite une petite pierre. Et pour finir, il pose devant moi, une peau animale brune remplies d’os blancs. Il m’explique d’où vient cette poudre blanche. C’est donc ma nouvelle missions, broyer des os. Mais ce n’est pas de tout repos. Ils sont solides les os. Je transpire beaucoup devant mon broyage de poudre blanche.
Les pots de peintures sont prêts. J’ai mal aux mains, c’est très physique d’écraser des os.
Les femmes qui étaient partie dans la forêt reviennent avec des nombreux fruits et des racines. Saliana me regarde de loin. Je lui souris. Elle me sourit en retour.
Les vielles femmes prennent les pots de peintures. Elles commencent à peindre les hommes et les femmes de la tribu. Les peintures ne représentent rien de spécial. C’est en générale des formes et des lignes de couleurs. Il y a en revanche un ordre de couleurs. Elles commencent avec le rouge, ensuite avec le brun. Et sur certaines femmes et certain homme, elle rajoute du jaune. Saliana est déjà passé sous les coups de doigts colorés des vielles. Elle est belle avec ces couleurs. Elle a du jaune mais cette couleur semble la déranger. Elle frotte le jaune de la main. C’est mon tour. Je rigole un peu au contact des doigts coloré qui me touche la peau. Elle me dessine des traits rouges. Des formes brunes. Soudain, elle plonge son doigt dans la peinture jaune. Elle va m’en mettre mais une main se pose sur la sienne. Saliana retient l’ancienne en lui souriant. La vielle termine avec du brun. Je n’aurais pas de peinture jaune.
- Le jaune, signifie que tu cherches un ou une partenaire pour la vie. Elles savent que tu es avec moi, mais elle espère que mon amour se portera pour un indigène. Mais c’est toi, le seul.
- Je t’aime aussi, joli cannibale, mais si un autre t’intéresse, ils me boufferont.
- Oui. C’est leur but. Kirinio m’a raconté ce que l’autre brute lui a dit. Ils savent que tu ne comprends rien à ce qu’ils disent. Il a dit au gamin de te perdre dans la forêt et que tu ne reviennes jamais. Tu n’es pas le bienvenu.
- Je l’avais senti. Je fais quoi ?
- Adapte-toi, le plus vite possible.
Voilà qui est plus clair. Tout le monde veut ma mort, sauf les jeunes qui semblent accepter qu’un homme du monde civilisé vienne faire des lances et de la peinture avec eux.
Je me sens tellement idiot, soudain. Pour ma survie, je ne dois jamais lâcher Kirinio et Saliana, ou je ne reverrais jamais ma copine. Celle que j’aime le plus au monde.
La nuit tombe enfin. Ma peur se renforce. Je ne sais pas ce qu’il vit dans la nuit dans cette forêt. Je me colle à Saliana qui sourit.
Un énorme feu éclaire une bonne partie du village. Les grosses tables sont atours. Je vois de la viande et des fruits qui cuisent sur le feu.
Je regarde les braises, comme fasciné. C’est mon ami qui me tire de mon esprit. Il pose une main peinte de jaune sur mon épaule. Il me tire vers les grosses tables.
Après les aveux que Saliana m’a faits sur l’idée de la tribu de me tuer à la première occasion. Je vais me mettre machinalement vers les enfants de la tribu. Ils m’acceptent avec de grands sourires. Ici, je ne risque pas grand-chose. Mais Saliana me tire de ce petit groupe de paix.
- Tu dois venir vers moi. Le chef veut t’avoir à ses côtés.
- C’est mauvais signe ?
- Non, c’est une excellente chose. être assis à côté du chef de la tribu est un honneur. En général, il y a la famille est c’est tout. Mais tu vas venir avec nous. Et prend un homme en qui tu as confiance.
Je regarde Kirinio, je lui souris à l’autre bout de la table. Je lui fais signe de venir. Il hésite. Il regarde autour de lui si je m’adresse bien à lui. C’est bien le petit adolescent bronzé aux cheveux mi- long, noir et au tatouage incomplet. Il s’approche de moi, un peu hésitant. Il me regarde. Je lui souris. Je me tourne vers Saliana.
Ma copine me murmure à l’oreille ce que je dois lui dire. Je me sens ridicule de parler une langue que je ne connais pas. Les sons que je dois effectuer avec ma bouche sont très complexes. Jamais dans la langue anglaise je ne dois essayer de faire claquer ma langue avec mes lèvres. Et certain son, je les écorche. Le pire dans tout ça, c’est que je ne sais pas ce que je viens de bêtement lui répeter.
Kirinio, malgré mon accent horrible et mon gros problème d’élocution comprend ce que je m’évertue à lui dire. Son regard s’illumine. Il serre la main de Saliana, la pose sur son cœur et crache par terre. Je regarde la nouvelle coutume que je ne connais pas. Je demanderai la signification plus tard.
Tout le village est assis à l’énorme table. Le chef est au centre de tout son peuple. Saliana à sa droite. Je suis à la droite de Saliana et à ma droite, il y a Kirinio. Il se pavane un peu, sans tomber dans la vantardise. Il se sent important.
Ma belle Saliana me tend une sorte de petite feuille d’arbre. Elle est aussi petite que mon pouce. Saliana la pose devant elle, gardant sa main droite dessus. Je l’imite pour ne pas paraître trop perdu aux milieux d’eux, même si je suis totalement largué.
Le chef fait un discours rapide. Il remercie encore les esprits de la forêt pour sa petite-fille. Il me souhaite étrangement la bienvenue dans la tribu. Ma belle me fait la traduction.
Soudain, j’ai le droit à une nouvelle coutume locale. Tout le monde est debout. Ils sont la petite feuille dans la main. Dans le plus grand des silences, il mange la feuille. Je suis surpris. Je regarde Saliana qui broute sa feuille. Je l’imite rapidement. Je ne veux offenser personne.
C’est filandreux ! Ma langue me pique un peu. C’est amer. C’est vraiment infâme cette petite feuilles.
Le repas commence. Saliana me donne un gros bol avec de la viande et des fruits à l’intérieur. Je la remercie.
Ils mangent avec les doigts. Je les imite. Comme la première fois, la viande est bonne. Les fruits sucrés font passer le gout infâme de la feuille.
Une ambiance de fête s’installe. Des sons de tambours s’élèves dans l’air sombre de forêt. Certains hommes se lèvent et ils commencent à danser aux rythmes des percussions. J’écoute avec plaisir leur musique rythmée et saccadée. Soudain, se rajoute des percussions faites avec des bouts de bois. C’est rapide et entrainent.
Certaines femmes dansent elles aussi tout en chantant à pleine voix. Leurs danses est rapides. Aucun pas n’est fait au hasard. N’importe quelle foulée est imitée en même temps par le reste des danseurs. C’est donc une danse locale.
Je fini mon bol de nourriture. Oubliant complétement de quoi il est composé. L’important est ma survie et mon intégrité dans cette tribu.
Je regarde les danseurs avec beaucoup d’admiration. Une adolescente amazonienne s’approche de Kirinio. Elle le regarde avec des yeux un peu timides. Je m’attends qu’elle l’entraine sur la piste de danse faite de terre et de feuilles mortes. Mais la jeune fille, simplement vêtue sur le bas de son corps, s’approche de moi. Je me concentre pour la regarder dans les yeux. Elle a les yeux foncés, comme une grande partie de la tribu. Elle a aussi un début de tatouage. Ce n’est pas un insecte comme celui que porte mon ami, mais c’est plus un oiseau. Il n’est pourtant pas achevé.
La jeune me parle, elle me parle très vite. Je la regarde, perdu. Je dois avouer que mon cerveau n’arrive pas à faire des liens avec ce qu’elle dit. C’est un charabia impossible pour moi de le comprendre.
Et je suis seul face à la belle jeune. Ma petite amie est occupée vers d’autres de ces congénères. Me rappelant, le son que fait un « oui », j’imite le mot que j’ai entendu de la bouche de mon amoureuse. Je donne mon accord alors que je n’ai aucune idée de ce dont elle parle. C’est très naïf de ma part. Sachant que nombreux sont ceux qui veulent me perdre dans la forêt. Son visage s’illumine soudain. Elle attrape ma main et la pose sur son cœur. Elle crache sur le sol. Je la regarde faire. Il faut vraiment que j’apprenne la signification de cette coutume.
La jeune fille prend la main de Kirinio. Mon ami sourit de toutes ses dents. Il me regarde une dernière fois avant de se plonger dans le regard de la belle fille qui doit avoisiner les quinze ans. Je remarque, qu’elle porte du jaune sur l’épaule. Elle est donc aussi un cœur prendre.
Saliana, ma douce, me murmure doucement à l’oreille.
- Tu as compris ce qu’elle te demandait ?
- Absolument pas. C’était la neige dans ma tête. Je me suis rappeler comment on disait oui. C’est tout.
- Elle t’a demandé si elle pouvait prendre Kirinio pour danser.
- Pourquoi elle le demande à moi ?
- Parce que tu l’as invité à la table du chef. Pour elle tu es important et Kirinio aussi. Tu lui demanderas si c’était elle qu’il voulait ou si tu l’as collé avec une autre.
- Je lui demande ça comment ?
- Fait preuve d’imagination.
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