Échec au roi
J'ai trouvé sur le sol un roi abandonné
Un roi sombre taillé dans l'eben et l'acier
Dans un monde dammé, splendide et solitaire
Par ses vulgaires pions à l'ennui condamné.
Je gisais sur le sol quand un roi m'a trouvée
Brisée au même jeu ; nous sommes regardés
Tentant de rescaper nos âmes prisonnières
Du sinistre plateau aux cases bigarrées.
Mais cette Majesté possédait un secret
Toujours dissimulé aux regards indiscrets
Scellé ferme, trop lourd pour ses épaules fières
Et qui lui coûtait tant qu’il n'osait en parler.
De ses armes tranchantes, les mots comme l’épée
Son cœur fait de cristal il voulait protéger
Appelant ce faisant une ire familière
Arrachant malgré lui nos lambeaux d'amitié.
Depuis sa forteresse cent fois je tombai
Jetée d'avoir touchée sans savoir mon méfait
Par un mot ou un autre à son plus grand mystère
Perdue dans son ivresse et privée de respect.
Sa colère terrible autant que son secret
Se déversait, glacée, jusqu'à nous étouffer
Lui d'horreur, l'abattant, moi d’infinis hivers
Laissant dans son sillage un havre inachevé.
Cent fois depuis le fond à nouveau je grimpai
Ecorchant ma confiance, mon âme et mes poignets,
Refusant pour vainqueur sa solitude amère,
Le rejoindre à nouveau sur le plateau dallé
Mais d’insulte en estoc il m'a fallu céder
Au désir évident de ce roi fatigué
De faire disparaître une reine de pierre
De peur que son cristal ne s'en trouve brisé.
Peut être qu'à nouveau nos mots ou nos épées
Un jour se croiseront, ires ou voluptés ?
Qu'à nouveau le respect, et le havre d'hier
Nous subtiliseront à ce plateau damné.
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