Alors là

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Il était presque neuf heures du soir et je me reposais depuis plus d’heure après une rude journée à errer sans buts à Port-au-Prince. Depuis plusieurs mois, les troubles sociales et politiques paralysent le fonctionnement du pays et de la faculté. Chaque matin, je me donne pourtant une raison aussi banale qu’inutile pour ne pas rester à me morfondre dans la petite pièce qui me sert de chambre.

Ce matin-là, je me suis levé, j’ai pris mon bain, j’ai empoigné mon sac-dos et je suis parti à la conquête de je ne sais quoi. Sur ma route, j’avais un peu d’argent en poche alors j’ai choppé à Tina, une marchande à la rue Edmond Paul, un paté que j’ai payé 50gourdes. Je me suis rendu sur la cour de la fac comme quelques étudiants qui refusent comme moi l’idée de rester chez eux à broyer du noir. Quelques temps plus tard vers onze heures, j’ai bravé le terrible soleil de Port-au-Prince pour rendre visite à un de mes amis à Avenue Pouplard. L’objectif était de passer le plus de temps possible loin de chez moi, de mes problèmes et de mes incertitudes.

Mais à la fin de la journée, après avoir effectué tous ces parcours à pieds, fatigué, je n’avais pas vraiment d’autres choix que de me laisser tomber sur mon lit surtout quand la pluie se faisait sentir.

Vers neuf du soir, il n’y avait pas d’électricité et il faisait nuit noire. Donc après mon bain ou du moins après m’avoir aspergé le corps avec les quelques litres d'eau de pluie que j'ai pu receuillir, je m’étais allongé dans ma couette et je m’efforçais à lire un texte que j’avais téléchargé sur mon téléphone au cours de la journée tout en écoutant le bruit du ravin qui débordait sur les averses d’une de ces pluies qui prennent les gens de la capitale au dépourvu. Je n’avais pas l’habitude de mettre le nez dehors quand il pleut à Port-au-Prince. Je redoute toujours l’idée qu’une de ces pluies me surprend en pleine rue. C'est peut-être dans mon imagination, on ne sait jamais mais au moindre faux pas, tu risques de te retrouver au fond de ces égouts à ciel ouvert et le lendemain ton cadavre git dans le Bois de Chêne parmi les fatras.

Mais quand Natacha m’a fait savoir par un message sur whatsapp qu’elle se trouve toute seule chez elle et qu’elle aimerait passer la nuit avec moi, je ne pouvais tout simplement décliner l’invitation. La perspective de la nuit était trop dense pour prendre le temps de décider et mesurer toutes les risques. J’ai tout de suite dit oui. On dit qu’un homme n’a pas assez de sang pour alimenter son pénis et son cerveau. Au moment où je mettais ma chambre à l’envers dans le noir à la recherche d’une paire de jeans moins sale, je confirme cet hypothèse. D’autant plus, depuis que la jolie Natacha m’avait finalement répondu affirmativement à la déclaration de ma flamme pour elle par un message whatsapp, on n’avait pas eu ni la chance ni l’occasion de consommer notre amour. Ceci pour plusieurs raisons. On n’avait pas les mêmes horaires. Natacha vivait avec sa grande sœur qui était un peu stricte et sa mère débarquait toujours à l’improvise pour leur rendre visite.

Il était presque dix heures et tout ce que je voyais c’était le corps de la jolie Natacha qui tressaillit sous mes caresses. Et en parlant de caresses, quand Natacha me contait ses compétences en la matière on peut dire qu’elle me chauffait à blanc. Elle faisait travailler mon imagination. Elle me masturbait l’esprit. On peut dire qu’elle n’était pas très catholique. Et ça tombait bien, je ne comptais non plus confesser tous ses péchés. Au contraire, je pensais que j’allais les augmenter. Ah !!! Oui, et ce soir comparé à tout ce que je vais faire à cette fille les habitants de Sodome et de Gomorrhe étaient juste des enfants de cœur. Mac-D devrait en prendre note et réécrire sa chanson « Ilegal ». Son illégale à lui était amateur comparé à ce que j’avais en tête pour la jolie Natacha. Je vais partir à la conquête de l’inconnu et soumettre érotiquement cette amazone. Tout en échafaudant mes plans, j’entendais encore la voix de mon ami Liahdor qui me disait, il n’y a pas si longtemps, que cette fille peut me détruire. C’est une Katrina. Au diable Liahdor! C’est mon genre de fille et ce soir c’est ma soirée. Tu ne pourras pas comprendre mon ami.

J’ai enfilé donc mon jeans comme s’il y avait le feu dans la petite chambre qui me sert de maison tout en me demandant si j’allais pouvoir trouver un taximan au Carrefour Saint-Us pour me déposer tout près du Sylvio Cartor où je pourrais prendre une camionnette pour Delmas 33. L’avantage avec cette zone c’était qu’on pouvait trouver un transport en commun très tard dans la soirée. Cela m’arrangeait. J’ai charpenté tout ce plan en enfourchant mes baskets. En sortant de l’impasse menant chez moi, je n’ai pas rencontré une âme. Une petite voix dans ma tête me disait qu’il était encore temps de renoncer à cette expédition mais non le corps de Natacha m’appelait. Et quand le corps d’une jolie gazelle comme Natacha t’appelle, on ne peut pas ne pas répondre. C’était le salut ! C’était irrésistible comme l’attraction d’un aimant. Après quelques minutes à guetter la rue à gauche et à droite, je vois apparaitre la lumière d’une moto. « Oh ! Mon Dieu faites que ce soit un taximan » me suis-je dit tout bas. « Moto » me ai-je lancé au type quand il approchait de moi. Le taximan s’est arrêté et je lui dis tout bonnement : « Lage m bo stad ». Le mec m’a regardé et m’a dit sans ménagement :

- 150 goud

- Kisa ?
50 goud sèlman mw genyen la!

- Ou pa prese vre ou nan fe pri a le sa ak lapli sa. me jette le taximan avec un air hautain en faisant semblant de se déplacer.

- ok ! Ann ale

Je n’avais pas vraiment le choix. Ne voulant pas rater cette occasion inattendue en attendant un autre taxi-moto ou arriver trop tard chez ma dulcinée je me suis installé derrière le taximan à peine conscient que mes vêtements étaient à moitié mouillés. Le chauffeur se faufilait vers la station de Delmas qui était tout près du Stade Sylvio Cator en passant par la rue Monseigneur Guilloux. En arrivant, je me suis pressé de payer le chauffeur et dirige vers la dernière camionnette, semble-t-il, qui s’apprêtait à déplacer. J’étais trempé jusqu’aux os mais je me fichais complètement de cela. J’étais beaucoup trop concentre sur le bon dénouement de cette nuit.

Sur tout le trajet, c’était le noir total. Le Champs de Mars, habituellement éclairé, était plongé dans le noir. Lalue, Avenue Pouplard, Nazon toutes ces zones était baignées dans l’obscurité la plus totale mais cela ne m’inquiétais nullement. Arrivé sur l’autoroute de Delmas la situation n’était pas trop différente. Les autres passagers dans la camionnette se plaignaient de ce manque d’électricité qui perdurait depuis quelques temps dans la capitale. Moi, dans ma tête, je me demandais pourquoi ce trajet durait aussi longtemps. Quand je descendais la camionnette tout près de la TNH, c’était une bénédiction parce que j’étais au bout de ma patience.

La distance que je devais parcourir pour me rendre chez Natacha n’était pas trop longue et la pluie tombait moins. J’ai pris le temps de me mettre à l’abri pour passer un appel à ma dulcinée. Je l’ai appelée mais son téléphone a sonné sans réponse. J’ai essayé deux fois encore mais en vain. Natacha ne répondait pas encore. Je ne me suis pas inquiété. J’ai mis mon téléphone dans ma poche pour faufiler presqu’en courant chez Natacha.

Arrivé tout près de la barrière de la maison de Natacha, je me suis abrité dans un coin pour tenter de lui téléphoner. Encore une fois, son téléphone a sonné sans réponse. En apprêtant à lui envoyer un message sur WhatsApp pour lui informer que j’étais juste devant chez elle. Elle m’a envoyé un message qui disait :

« BB, notre nuit ne sera plus possible. Ma mère vient tout juste de débarquer. Tu es où?»

J’ai failli m’évanouir. Mes pieds ont tremblé. J’étais loin de chez moi et trempé jusqu’aux os. Il pleuvait des cordes et faisait noir comme dans le cul du diable. Il était onze heures du soir et il n’y avait personne dans les rues.

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