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C’est le début d’après midi et Lisa trépigne d’impatience, ça n’avance pas. Le labo est à la bourre, débordé comme d’habitude et le légiste c’est tout pareil. Toujours la même rengaine, c’est usant.
- Thomas ! Qu’est ce que ça donne du côté de la Belgique ?! Ca se traîne là aussi !
- On aura le chef ou plutôt la cheffe de corps de la police locale en fin d’après midi. Elle attendait toutes les autorisations pour entrer. Elle dit que ça devrait se faire sur le coup de dix sept heures, dix-sept heures trente. Elle nous tient au courant et envoie des photos s’il y a matière.
- Vous lui avez bien dit de rechercher un sous sol et de bien fouiller dans les meubles, etc…
- Oui, oui, chef ! J’ai tout dit comme vous m’avez dit ! Et il rigole.
- Bon, il n’y a plus qu’à attendre, c’est long tout ça, trop long, soupire t-elle.
Elle met ses coudes sur le bureau, croise ses doigts et pose son menton dans ses mains. Elle coule un regard panoramique, paupières demi fermées sur tout l’espace, s’arrête un instant sur le tableau des constats qui attend d’être complété avec les nouveaux éléments de la scientifique et du légiste. Soupire encore, un peu plus fort. Ses yeux reprennent leur course lente, s’arrêtent sur Louis. Il la regarde franc dans les yeux, un petit sourire vite ravalé, elle ne lui sourit pas en retour. Leurs bureaux respectifs sont à peine à deux mètres l’un de l’autre. Il regarde mieux ses yeux. Ils ne sont pas tout à fait noirs. Ses iris sont très singuliers : une bordure noir, une bande grise et enfin du noir fondu avec celui de la pupille. C’est ce contraste qui donne cet effet de noir profond. « Merde ! Elle a vraiment des yeux d’enfer, c’est le cas de le dire, yeux de louve, lèvres de louve ! ». Se dit-il sous le charme.
Il est sorti de sa rêverie par la sonnerie orientale de son téléphone. Pas d’appel, juste un transfert de fichier par SMS.
- Capitaine ! Lisa ! C’est le commandant Farouk ! Il vient de me transférer des fichiers photos ! C’est la boucherie dans les maisons des gardiens de la résidence, quatre morts. Je vous transmets le message avec les photos et après je les envoie au labo. Il dit que ça y est, ils vont enfin entrer dans la maison.
- Merci Louis, je sais lire ! rétorque t-elle, visage fermé, ton sec.
Il est un peu vexé et il le montre, chagriné aussi mais il ne le montre pas.
- Ah, oui ! Il m’a dit aussi, dans son avant dernier message, de vous présenter ses excuses pour avoir raccroché sèchement.
- Je m’en fous, et du fait qu’il a raccroché sec et de ses excuses, renvoie t-elle du tac au tac. Il est quelle heure là, Louis ?
- Seize heures à peine passées !
- On est sur le pont depuis ce matin, vous venez, on va prendre l’air ?!
- Et moi ? Dis Thomas.
- Vous, vous attendez les belges, vous ne bougez pas d’ici, compris, vous m’appelez dès qu’il y a du nouveau ?!
Mia ne demande rien, elle déteste être sur le terrain et adore farfouiller des heures durant dans son PC pour le service ou pour collecter des infos à partir des journaux ou autres publications plus confidentielles. Elle doit avoir une base de données phénoménale.
Louis ne dit rien, il suit.
- On prend ma voiture ! Tu habites où ?
- A trois rues d’ici…Je t’ai envoyé l’adresse.. Je peux savoir ??
- Guides moi !
Il s’exécute. Elle s’arrête au feu rouge. Se tourne vers lui et l’embrasse sur la joue.
- Pardon pour tout à l’heure, je suis sur les nerfs, comme vous tous aussi, je pense, à attendre et attendre encore. Vraiment pardon, Louis, je ne voulais pas être si sèche. Tu ne m’en veux pas trop ?
- Non, juste un peu chagriné d’être maltraité ! Et il rit gentiment. Moi, je ne m’en fous pas de tes excuses, j’y suis sensible et je te remercie de l’avoir fait. Là ! Tourne à droite et ensuite, cherche à te garer, c’est ma rue.
Elle rit aussi.
- On grimpe ? On n’a pas beaucoup de temps !
- Lisa, Lisa ! Chez moi, il y a un ascenseur, pas besoin de grimper et d’une! Et de deux, du temps, ça dépend pourquoi !
- Mais pour un café, pardi ! Tu as intérêt à ce qu’il soit aussi bon que le mien.
Une fois dans le hall de l’immeuble, devant l’ascenseur, il l’enlace aux épaules, elle lui prend la taille et ils s’embrassent comme des fous. L’ascenseur est là, ils continuent. Louis bloque la porte coulissante et ils continuent.
- Ce n’est pas bientôt fini de bloquer l’ascenseur ??! Entendent-ils, venant des étages supérieurs. Ils s’engouffrent en riant et Louis appuie sur six.
- - Ah, oui ! Quand même ! souris Lisa. Merci monsieur Otis !
Louis est un homme ordonné, une fois n’est pas coutume et son appartement respire le calme et la propreté. A peu près de même dimensions que le sien.
- Installes toi, mets toi à ton aise, je lance le café et il disparaît dans la cuisine qui n’est pas ouverte sur le séjour comme la sienne.
Louis revient cinq minutes plus tard avec un plateau chargé d’un café aux effluves envoutants et quatre tranches de cake.
- Humm ! Ton café a un parfum extraordinaire, jamais senti aussi bon ! Humm, on goûte ?!
Louis pose son plateau, il est interdit devant le tableau offert par Lisa. Elle a enlevé ses bottines, chaussettes et pantalon et elle est semi allongée, en culotte, sur son canapé, avec un naturel déconcertant, ce qui le trouble encore davantage.
- Viens ! Je te fais une place ! Et si ça ne t’ennuie pas, je mets mes jambes sur les tiennes, j’adore être allongée.
Il s’installe et elle remet ses jolies jambes en travers des siennes. Il admire et caresse doucement ses jambes fuselées et musclées et s’attarde sur ses genoux qu’il remarque particulièrement beaux et fins. La rondeur de la rotule bien dessinée sans être protubérante, aucun autre relief qui viendrait alourdir le contour quasi parfait et surtout, ce petit creux, juste au dessus, à la naissance des deux muscles de la cuisse. C’est la première fois que les genoux d’une femme participent avec autant d’émotion au désir qu’il a d’elle.
- J’adore tes genoux ! Dit-il avec douceur
Elle, pendant ce temps, soupire de plaisir, mais on ne saurait dire si c’est le café qu’elle déguste à petites gorgées, les yeux fermés ou les caresses de Louis sur ses genoux ou les deux.
- Bois ton café, Louis, il va être froid ! Dommage, c’est un pur délice !
Il déguste son café, avale en trois bouchées une tranche de gâteau.
- Tu sais Lisa que c’est l’heure maudite ?? Dit-il en souriant. Il est dix sept heures et je crois qu’on va devoir y aller même si Thomas n’a pas appelé. Bon, maintenant, tu sais où j’habite. Pour ce soir.
Elle engouffre une tranche de cake, remets son pantalon, se chausse.
- C’est quoi, la marque de ton café ? Je veux le même !
- Je te ferai à dîner ! Et nous aurons une belle et longue soirée.
Il l’embrasse avec entrain et deux minutes plus tard, ils sont dans la voiture, au moment où le téléphone de Lisa sonne. C’est Thomas ! Enfin du nouveau !
Ils arrivent au bureau sur les chapeaux de roues.
- Thomas! Allez! Vite! Au rapport!
- Oui, capitaine ! Alors, voilà ! La Cheffe de corps, Mathilde Peeters, a eu les autorisations et a procédé à la visite de la résidence des Bachellerie. Une grande maison bourgeoise dans la banlieue chic de Bruges ; un peu à l’écart du quartier. Elle a trouvé une maison bien rangée, propre, sans rien de significatif hormis le fait que personne n’y a mis les pieds depuis plusieurs mois selon les dires des rares voisins.
- Pas de personnel de maison, de jardinier ? Intervient Louis.
- Non ! Apparemment, même schéma que pour les autres demeures, des prestataires extérieurs une à deux fois par semaine.
- Vous lui avez dit de fouiller tous les meubles, de tout retourner ? Et surtout de rechercher un sous sol ? S’impatiente Lisa.
- oui, oui! Rien de rien, selon elle. Son équipe est toujours sur place et ils continuent pour trouver le sous sol, s’il y en a un.
- Très bien, rappelle la et dis lui de nous envoyer des photos de toute leur visite. Dis lui que de notre côté, on lui envoie nos photos ainsi que celles de nos collègues marocains. Dis lui aussi qu’elle reste en ligne ce soir pour la réunion de synthèse, si ça l’intéresse. On la « bippe » dès qu’on est prêts.
- OK, chef ! C’est comme si c’était fait.
Il est quasiment dix huit heures, le labo et le légiste ont prévu de rejoindre la réunion avec leurs éléments vers dix neuf heures. Encore une heure à tuer !
Cinq minutes plus tard, le téléphone de Louis, la chanson « Aïcha » - il prend le temps de faire ce genre de trucs, changer sa sonnerie, vraiment ?! Pense Lisa en souriant in petto-
C’est Farouk ! Très excité et haletant au téléphone.
- Louis ! Capitaine ! On vient de trouver le sous sol ! On est toujours seuls ici avec les gendarmes de la rurale. L’équipe technique et le légiste ne vont pas tarder. C’est …incroyable et…insupportable ce qu’on a trouvé… C’est une horreur absolue, l’antre du diable en personne !
- OK commandant ! Visage impassible et ton neutre de Lisa. Dites à votre adjoint de bien faire des photos de toute la scène et de nous les envoyer au plus vite, s’il vous plaît ! Respirez et décrivez nous ce que vous avez sous les yeux.
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