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Ils décident de passer les premières minutes à vitesse normale pour se rendre compte de l’univers de ces malades. Ils ne sont pas déçus, dix minutes plus loin, Lisa est au bord de la nausée et Louis dit « il faut que j’aille fumer une cigarette ».
- Je vous l’avais dit, les jeunes. Bon, allez, faites une pause clope dans mon bureau et on s’y remet.
Un quart d’heure plus tard, ils sont à nouveau à leur poste devant l’écran avec Berthou.
- Je vous explique car j’ai visionné un CD entier. Les scènes sont à peu près toutes identiques. Deux, trois enfants, masculins, nus et visages floutés, une vingtaine d’adultes, les visages masqués par des cagoules et les corps sous d’amples capes. On ne sait pas si hommes seulement ou femmes parmi eux. Les enfants violentés sexuellement par la majorité des participants puis tailladés, découpés, à vifs. Dieu merci, les tournages sont muets, on ne voit que les cris, on ne les entend pas !
- Peut-on voir si les femmes, en admettant qu’il y en ait parmi cette sinistre assemblée de monstres, participent aux violences sexuelles et aux mutilations ? Demande Louis.
- Pas vraiment, beaucoup cache leur « accouplement », si j’ose dire, avec les enfants derrière leur cape, donc il peut y avoir violences par objet contendant, si vous voyez de quoi je parle.
- Mon Dieu ! Soupire Lisa, atterrée.
- Mais on peut déduire en comparant la taille des participants que certains sont franchement plus petits et fluets donc potentiellement des femmes.
- Mon Dieu ! Répète la capitaine.
- Et après ? Demande Louis en déglutissant difficilement.
- Après, c’est comme l’agneau sous le couteau du boucher à l’abattoir. Les enfants sont égorgés, le sang recueilli dans une coupe que les participants se passent. Les corps sont installés sur la grande table et ils sont dépecés par des mains expertes.
- Que voulez vous exactement dire par « mains expertes » ?
- Je veux dire, ma chère capitaine, que les deux paires de mains qui officient à ce carnage sont celles de bouchers, ou de médecins ou de vétérinaires. En bref, de personnes qui connaissent parfaitement la physiologie du corps humain.
- Et ensuite ?
- Les morceaux de ces pauvres gosses sont mis dans des sacs de congélation et là, j’ai arrêté car je vais devoir déjà supporter tout ça pendant les séquençages avec mes gars ; alors je vous laisse. Bon courage les deux LP !
Les images défilent, accélération modérée, pour y voir quelque chose, ils s’usent les yeux et l’âme devant les protagonistes qui semblent comme des personnages de dessin animé hystériques. Une heure plus loin, rien de plus que ce que leur a décrit le chef du labo. Ils voulaient saisir un détail, un bijou, une main qui ne serait pas gantée. La migraine et l’écœurement ont gagné Lisa, une larme perle à ses paupières, elle dit « j’arrête, je n’en peux plus ». Louis s’entête encore un peu devant le défilement « là ! J’ai quelque chose ! ». Retour arrière, lentement, repasse lentement, zoom gros plan main droite du personnage qui tient le couteau du sacrifice, stop ! La cape a glissé vers le coude, la garde du gant a plissé vers la main, une gourmette qui semble épaisse, un bijou d’homme.
- Bloque la séquence, j’appelle Alain ! dans l’excitation, elle le tutoie naturellement ; premier sourire de cette funeste séance.
Le chef du labo prend en main la trouvaille.
- C’est bon, capitaine, on prend ça en charge, prioritaire.
Louis sort sur le parking fumer une cigarette, elle le suit, satisfaite d’avoir un peu avancé, à petits pas certes, mais ça avance, ils allaient river le clou au proc’. Ils se détendent un peu avant de remonter au bureau.
- Que dirais-tu de venir t’installer chez moi pour un moment ? Je pourrai cuisiner pour toi tous les soirs !
- Je dirai que tu es un homme étonnant, Louis Persaud ! Où et comment arrives-tu à faire des courses, préparer etc...pour des dîners aussi délicieux ? Non ! Finalement, ne me dis rien, je préfère jouir du miracle de ton ubiquité et me régaler.
- Donc, tu ne viendrais chez moi que pour manger ?
- En partie oui ! Et pour répondre à ta question, c’est d’accord pour tous les jours où on travaille, on est chez toi et les jours de repos, les tiens comme les miens, on est chez moi. Ok ?!
- Archi Ok ! Je me retiens fort de t’embrasser, là, maintenant ! Ce soir, je te donne le double de mes clés, tu me donneras les tiennes aussi, tu veux bien ?
Elle est sur son portable, elle pianote, il reçoit illico le message « oui, et moi aussi je me retiens ». Il éclate de son rire franc.
- Bon, allez au boulot ! Elle reçoit au même instant un appel de Thomas « Chef ! Montez, on a du nouveau ! »
Les deux jeunes sont excités comme des puces.
- On a retrouvé les motos et les plaques cramées dans les derniers sous sol des parkings, ceux où il n’y a quasiment pas de caméras car réservé au stationnement du personnel de l’immeuble. Du vrai travail de pro pour effacer les traces ADN résiduelles : Stationnement loin des sprinklers anti feu, aspersion légère d’un liquide inflammable, extinction par couverture avant que les alarmes ne puissent se déclencher ou la fumée attirer l’œil du vigil.
- On a repéré deux hommes, coupe Mia avec des tenues fluo de chantier veste et pantalon mais impossible de voir les visages planqués au fond de capuches. On les a ciblés à cause des bottes de motos et du sac qu’ils avaient à la main, le même, assez gros et rond, de quoi mettre un casque.
- Vous avez dit deux hommes, intervient Louis, où est passé le troisième ? Et après la sortie du parking, où sont passés les deux premiers ?
Thomas se précipite dans la question.
- Les deux premiers sont partis séparément, on les a perdus dans la foule quand ils sont entrés dans des petits magasins, sans caméras et avec porte arrière. Ca sent bon le repérage de longue date ! Des pros !
- Le troisième, s’engouffre Mia, on a mis tous les services de caméras sur le coup et le bol, dans le treizième, une caméra filme un type très grand et très baraqué, athlétique même, habillé d’une tenue de chantier, bottes de motos et gantés avec un sac à la main, gros et rond. Idem, visage planqué au fond d’une capuche et des lunettes noires. Même scénario, les caméras le perde quand il profite de la foule pour entrer dans un petit magasin ou un restaurant avec porte arrière. En revanche, aucune trace de sa moto, brûlée ou pas !
Ils avaient noté au tableau tous les nouveaux éléments au fur et à mesure de leur exposé et les deux capitaines en firent autant avec les informations déjà livrées par le macabre visionnage des premiers CD.
- On avance, on avance, j’appelle papi Panda et je mets sur hauts parleurs, exulte Lisa. Commissaire ! On a quelques nouveaux éléments intéressants à vous livrer, de quoi faire patienter le proc’ avant le débriefing de ce soir.
Elle lui déballe leurs avancées, excitée et papi Panda semble aussi heureux qu’elle de damer le pion à Altus.
- Au fait, je dois vous dire que vous avez fini par avoir gain de cause, vous aurez du renfort, d’ici un jour ou deux. Un collègue devrait rejoindre l’équipe, un as, un ancien du renseignement, un capitaine comme vous.
Lisa se renfrogne.
- Ca commence à faire beaucoup de capitaine dans ce groupe, non, commissaire ?!
- Papi se marre.
- Il s’appelle Bernard Balitran et interdit de rigoler et de l’appeler bébé, hein ?! Il est taillé comme une armoire à glace !
Il rajoute « Il devait être là hier mais apparemment il a pris du retard, donc dans deux ou trois jours, vous serez cinq et c’est toujours vous la cheffe de groupe, Lisa »
- Merci de votre confiance commissaire ! Bon allez tout le monde, on commande les sandwiches du déjeuner et on s’y remet !
Ils continuent d’éplucher les documents, les photographies, patiemment. Lisa scrute à la loupe une photo de « groupe » où l’on voit un enfant, sagement habillé d’un polo et d’un short, visage flouté, recevoir un objet de la main d’un des adultes, l’enfant est, selon sa silhouette, plus jeune que les autres déjà répertoriés par le labo, on voit la main de l’adulte, elle n’est pas gantée et on a oublié de bruler cette partie de photo. La main tend un jouet semble t-il.
- Thomas, Mia, vite ! Passez cette photo au scanner et agrandissez au plus possible sur la main de ce personnage ! Elle fait une croix sur l’imposante silhouette face à l’enfant. Je veux savoir ce qu’il lui donne ; et vérifiez aussi s’il n’a pas un bijou aux doigts ou au poignet. Faites moi ça proprement et lentement, pas de soupe de pixels, hein !?
Les deux se précipitent sur la photo et se mette au boulot avec application.
Louis, on a encore de la chance, je crois, on voit le jouet, ou ce qui semble en être un, et la main de ce monstre. Vous appelez Farouk, qu’on sache s’ils avancent et on lui donne ce qu’on a. Idem pour Mathilde, je m’en charge !
Téléphone de l’accueil sur leur pote fixe, un livreur Uber Eat avec les sandwiches, merci Thomas qui n’oublie jamais qu’il faut manger. Elle descend payer et récupérer le paquet, regarde machinalement le parking pendant que le jeune livreur passe sa CB. Une grosse cylindrée se gare sur l’emplacement réservé POLICE.
Le type qui en descend est grand, autant que Persaud mais il est deux fois plus baraqué, un athlète, une montagne. Casque noir, gants noirs, bottes de motard, c’est le portrait robot de leur troisième homme, l’introuvable. Elle n’en revient pas, reprend sa carte à toute vitesse, monte les escaliers comme une dératée, déboule dans le bureau en jetant le sac du déjeuner sur une table « Notre troisième homme, le motard hyper baraqué, il est en bas, dans le parking des flics ».
Elle tombe nez à nez avec papi Panda.
- Moi, j’ai une bonne nouvelle capitaine, votre cinquième homme, hé bien ! Il est arrivé ! Et plus vite que prévu, finalement ! Je vais le recevoir d’abord et après il viendra se présenter à vous et au groupe ; d’accord ?!
- Ok, patron, mais…Elle ne finit pas sa phrase, le type, l’armoire à glace est là, à la porte de leur bureau, son casque à la main et papi Panda se précipite main tendue et tout sourire dehors.
- Capitaine Balitran, bienvenue, allons dans mon bureau et après vous présenterez au groupe sous la houlette de votre chef, la capitaine Péron.
Ils disparaissent dans le bureau du commissaire en fermant la porte derrière eux.
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