Introduction

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Les Sciences de la Vie et de la Terre forment un domaine complexe. Comme toute science, elles ont évolué au fil des siècles grâce aux travaux d'un grand nombre de personnes et, ça et là, de quelques génies à l’intuition stupéfiante et à la pensée fulgurante.

Mais les idées et les théories ne sont jamais ni neutres ni objectives et les plus grands scientifiques sont aussi parfois des philosophes des sciences. Dès lors, l’affect de chacun entre en jeu et biaise les données.

Les Mathématiques n’ont jamais eu trop à en souffrir, de par leur abstraction naturelle. La Physique s’est révélée beaucoup plus sensible à ce phénomène, dérivant souvent vers une métaphysique, au mieux très inspirée, au pire gravement sclérosée.

Les Sciences de la Vie et de la Terre, forcées de s’intéresser à l’Homme, s’en sont retrouvées tellement manipulées qu’elles ont conduit aux pires atrocités de l’histoire de l’Humanité.

La Religion y est pour beaucoup.

Car si son association avec la Science n'est pas forcément un non-sens, son emprise s’est globalement avérée d’une grande nocivité. La Religion a en effet plongé les Sciences de la Vie dans une léthargie terriblement dommageable pour l’Humanité. Les deux parties ne sont pourtant pas inconciliables et gagneraient beaucoup à se retrouver. Pour bien comprendre l’état des lieux actuel, un bref exposé de l’histoire des sciences en général et de la Biologie en particulier s’avère indispensable, puisqu’une science n’est jamais aussi bien comprise que lorsque l’on connaît son histoire, ses gloires, ses tâtonnements et ses errements passés.

Confronté à son environnement grouillant de vie, source de richesses et de dangers insoupçonnés, l’Homme a rapidement cherché à en acquérir la compréhension. Longtemps cantonné à une simple nécessité de survie, le savoir de l’Homme sur la Nature s’est finalement mué en une véritable démarche de l’esprit avec l’apparition de celui que l’on appelle aujourd’hui Homo sapiens.

Nous.

Pour assurer sa subsistance, mais aussi par souci de confort, sapiens apprend à domestiquer les bêtes et à cultiver les plantes. Souvent malade ou blessé, l’Homme moderne s’engage dans l’incroyable voie de la Médecine. Très vite, les rituels magiques et autres sacrifices commencent à damer le pion à la réflexion scientifique lorsqu’il s’agit de guérir un guerrier ou d’ordonner la pluie.

Les premiers biologistes n’en sont en fait pas, l’appellation « Biologie » n’apparaissant qu’en 1802 avec Lamarck. A l’aube de la Civilisation, ce sont donc des médecins, des cultivateurs, des éleveurs, des chamans, des naturalistes ou des philosophes qui ouvrent la voie. Les premières connaissances anatomiques connues sont les peintures animales du Paléolithique supérieur datant de plus de trente-cinq mille ans. La Médecine tente ses premières trépanations dès 12000 av. J.-C. ainsi que les premières réductions de fracture. Les cultivateurs améliorent le rendement de leur blé et les éleveurs asservissent le chien et le cheval.

La civilisation grecque fait faire un bond de géant à nos connaissances de la Nature.  Les Grecs restent cependant persuadés que l’Homme est un cas à part, qu’il est l’aboutissement de la Nature. Dès 450 av. J.-C., les Grecs imaginent pourtant déjà la notion de transformation progressive des êtres vivants, depuis les poissons marins jusqu’aux grandes créatures terrestres. On perçoit même la notion du combat que la Vie doit mener à son environnement si elle veut lui survivre. Transformation et pression environnementale, ce ne sont là rien d’autre que les prémices d’une compréhension du monde vivant qui conduiront, plus de deux mille ans plus tard, à la magistrale théorie de l’Evolution. Aristote tente d’exprimer les lois du Vivant et, malgré d'importantes erreurs, son travail reste exceptionnel. Dès l’Antiquité, les fossiles sont compris comme des créatures anéanties dans les temps anciens, induisant la notion de disparition, d’apparition et d’évolution des espèces. Une avancée formidable que le Moyen-Âge va s’évertuer à saper avec toute l’énergie de sa mauvaise foi. Car à l’âge d’or grec succède l’obscurantisme étouffant du Moyen-Âge.

Une période de stagnation et de régression épouvantable s’installe. Les religions monothéistes s’emparent du pouvoir, de la Science, de la recherche et de l’enseignement. Elles enferment la connaissance. La remise en question devient impossible, le progrès est banni, la recherche brimée. Les vestiges fossiles ne sont plus vus comme des créatures disparues, mais comme des « formations minérales » ayant « accidentellement » pris l’aspect de créatures organisées ou comme des « ratés » de la Création divine. Malgré l'évidente mauvaise foi de telles assertions, on ne comprend le monde que comme l’œuvre de Dieu. La Vie, avec l’Homme comme pièce maîtresse, n’est que l’œuvre du Tout-Puissant, créée telle quelle au premier jour, et depuis tous ses composants sont immuables, parfaitement fixes. Des flots d’inepties seront ainsi enseignés pendant des siècles, et ce, dans un aveuglement aussi malhonnête que coupable.

En Occident, la Biologie est soi-disant élucidée dans son écrasante majorité, passée au révélateur d’une Bible incroyablement déformante des faits. Le monde arabe, après avoir bien résisté, finit par sombrer à son tour dans l’obscurantisme, dévoré par l’Islam. Quelques îlots de lucidité subsistent heureusement et finiront par triompher. Des savants géniaux comme Léonard de Vinci osent transgresser les interdits religieux, permettant de formidables avancées anatomiques.

Au XVIIe siècle, René Descartes et son Discours de la méthode proposent une interprétation mécaniste de la Vie, la théorie de l’animal-machine. Féconde, en son temps, cette idée aura tout de même ses limites en tombant dans un dangereux réductionnisme, plus tard fustigé par Ernst Walter Mayr, faisant de la Biologie une sous-science dénuée de toute noblesse, réduite à ses plus simples composants en négligeant les interactions entre ses sous-systèmes, écrasée par la toute puissance explicative de la Physique.

Puis arrive le microscope qui révèle l’infiniment petit de la cellule, permettant un progrès fulgurant dans la compréhension des mécanismes du Vivant. A cette époque, beaucoup croient encore à la théorie dite de la « génération spontanée », stipulant par exemple qu’un serpent peut apparaître soudainement, jaillissant de la vase, créé par elle via un vitalisme aussi obscur que douteux.

Les biologistes les plus modernes combattent ardemment ce genre de théories et tentent d’affranchir la Biologie de tout recours aux forces occultes, à la magie et autres divinations pour en faire enfin une Science à part entière, au moins aussi puissante et noble que la Physique.

Pour expliquer la formation originelle de la Vie, puis sa reconduction via la reproduction, des théories toutes plus invraisemblables les unes que les autres seront édictées. Le microscope et la découverte des gamètes éclairciront enfin le problème de la reproduction. On (re) découvre les espèces fossiles disparues, remettant en cause l’immuabilité de la Création divine du monde. De son côté, la Géologie s'affirme et révèle que l'âge de la Terre est bien supérieur aux six mille ans accordés par l’Eglise et la théorie du Déluge.

La controverse fait rage. La pression monte.

La chape de plomb millénaire s'apprête à voler en éclats.

En 1859, après un fabuleux voyage de cinq ans autour du monde, et après avoir passé vingt ans à compiler les données puis à mûrir sa réflexion, Charles Darwin publie L’Origine des espèces. Il y affirme que chaque créature découle d’une unique forme de vie originelle qui, avec le temps, s’est lentement modifiée puis s’est spécialisée sous la pression de l’environnement. L’Homme n’est donc plus une créature à part.

Il n’est plus la finalité de Dieu.

L’Homme devient un animal comme les autres. C’est autant un formidable coup de tonnerre qu’une confirmation des courants d’idées qui existaient depuis déjà plusieurs dizaines d’années. Cinquante ans avant, Lamarck parlait déjà de transformisme et certains naturalistes comme Buffon, strictement fixistes au début, finirent par intégrer la notion de variation des espèces, que ce soit inconsciemment ou presque contre leur gré. Mais le dessein de Dieu derrière chaque créature, et surtout l’Homme, était encore le dogme appliqué. Avec Darwin, enfin, les choses changent. On ne parle pourtant pas tout de suite d’évolution. Darwin lui-même n’emploie ce mot qu’à la sixième édition de son œuvre fondatrice. De plus, quelques découvertes fragilisent sa théorie et un courant de pensée anti-évolutionniste ne tarde pas à voir le jour, préférant maintenir l’idée du Dieu créateur.

La controverse fera rage jusqu’à la formulation de la théorie synthétique de l’Evolution dans les années 1940, adoptant le schéma darwinien à l'écrasante majorité.

Mais l’obscurantisme ne disparaît jamais totalement ; les théories raciales se forgent et se durcissent.

L’eugénisme prend son envol.

Les nazis brandissent des éléments scientifiques évolutifs et entendent améliorer la race humaine pour imposer le type aryen lors de la Seconde Guerre mondiale.

Dans les années 1950, la découverte par Crick et Watson de la molécule d’ADN est un événement majeur de l’histoire des sciences. On découvre très vite les mécanismes de réplication des cellules, de l’expression des gènes, de leur multiplication et des mutations. Sur cette base, la théorie de l’Evolution se trouve confirmée avec le plus brillant des éclats.

La découverte des gènes architectes qui dictent à eux seuls le développement morphologique démontre que la moindre mutation peut altérer toute la forme de l’organisme, battant en brèche les anti-évolutionnistes qui ne croient pas au pouvoir évolutif des mutations.

Le génie génétique, la génomique, la thérapie génique et le clonage sont les prodigieux enfants terribles de la découverte de l’ADN.

L’universalité du code génétique dans toutes les formes du Vivant impose l’idée de la descendance depuis une unique forme de vie originelle.

Aujourd'hui, le pouvoir de la Science resplendit et semble enfin avoir triomphé des errances de l'obscurantisme.

On repousse les limites de notre existence qui atteint une longévité jamais égalée. Avec Internet, l'information est disponible partout et à chaque instant. Nous avons foulé la surface de la Lune et envoyé des robots explorer jusqu'aux confins de notre espace.

Les vieilles croyances tombent sous le feu nourri des expériences et sont pulvérisées par le marteau-pilon de la Science.

La Biologie a dévoilé le simple primate qui est en nous, nous retirant notre statut d'exception aux lois de la nature créée à l'image de Dieu. L'Astronomie nous a montré que nous n'occupons qu'une minuscule planète, à la frontière d'une galaxie de taille tout juste moyenne et à la dérive dans un espace incommensurable qui en contient des millions d'autres. La Géologie nous a révélé l'immensité du temps. L'Univers est âgé de quinze milliards d'années et l'Homme vient à peine d'entrer en scène. Il menace pourtant déjà de disparaître, s'autodétruisant en établissant le record aussi incroyable que pathétique de la plus courte hégémonie de l'histoire de la Vie.

Au XXe siècle, la Science a méticuleusement détruit l'idée suivant laquelle l'Homme aurait une importance cosmique.

Pourtant, la Science trébuche.

Ce qui ne semblait être qu'un simple petit nuage avant la compréhension ultime du monde s'est finalement transformé en un typhon pourfendeur de nos acquis et de nos connaissances.

Le comportement quantique de la matière a en effet anéanti les espoirs des physiciens de comprendre le monde. Celui-ci nous apparaît désormais comme atteint d'une dérangeante schizophrénie, dictée par une dualité onde-corpuscule mille fois observée, mais encore à ce jour jamais expliquée.

La physique des particules et la cosmologie prennent conscience que leur problème d'unification, déjà presque insoluble, n'est lié qu'à moins de cinq pour cent de la masse totale de l'Univers. Il existe en effet une masse « manquante » qui s'agite autour de nous, qui nous enveloppe, mais qui demeure inobservable, totalement insaisissable. C'est donc plus de quatre-vingt-quinze pour cent de notre Univers qui demeure hors de notre entendement.

En 1998, on découvre que l'expansion de l'Univers s'accélère, comme poussée par une force mystique d'antigravitation au-delà de notre compréhension.

De son côté, la Médecine piétine dans sa lutte contre le cancer. Elle ne parvient pas à se défaire du SIDA et la thérapie génique tue ses patients en lieu et place de la guérison miracle promise, tandis que le formidable pouvoir de la psyché sur le corps est démontré sans être expliqué.

Perdue au milieu de cette débandade historique, la Biologie ne s'explique toujours pas l'improbable émergence de la Vie. L’apparition de la cellule originelle reste un mystère insondable et, avec le Big Bang, elle forme tout simplement le plus grand mystère de tous les temps.

Alors, la controverse rejaillit.

Les expériences de Stanley Miller en 1953 sur l’apparition d’acides aminés dans la « soupe primitive » font sensation en leur temps, mais finalement ne convainquent guère.

Personne ne comprend comment a jailli la Vie.

 Incapable de résoudre le problème crucial des origines, la Biologie est également fragilisée dans sa pièce maîtresse : l'omnipotence de l’ADN est battue en brèche dans les années 1990. De nombreuses découvertes font vaciller la génétique : les lois de l’hérédité sont violées, les clones ne sont pas aussi parfaits qu’ils devraient l’être et les phénomènes épigénétiques sèment le trouble. A partir de 2000, de plus en plus d'observations finissent de déliter la théorie du tout-ADN déjà fissurée.

La Vie semble utiliser d’autres vecteurs que la chaîne d'ADN, inconnus, mais peut-être bien tout aussi puissants.

 En parallèle, les recherches sur les origines de l’Homme font apparaître une lignée pré-humaine hautement complexe, terriblement buissonnante et, parfois, incohérente.

La découverte capitale d'Abel et Toumaï, nouveaux types de pré-humains, fait littéralement imploser les théories. On découvre Homo floresiensis, une nouvelle espèce contemporaine d’Homo sapiens et de Néandertal, qui semble surgir de nulle part. C’est tout à coup toute l’Histoire de l’Homme qui est à réécrire. La théorie de l’Evolution est de nouveau remise en cause.

L’Homme et son histoire retombent dans le brouillard.

Il n'en faut pas plus pour que les théories créationnistes s'emparent des difficultés de la Science. La Religion revient en force dans un monde ultra technologique où finalement, entre les questions éthiques posées par le clonage humain, les manipulations génétiques hasardeuses sur les OGM et les fraudes avérées de certains laboratoires asiatiques – le scandale Hwang-woo-suk –, la Science semble se tromper et dérange. Les courants religieux en profitent, reviennent en surface et se repaissent d’une culture de masse bancale et d’un appétit pour les théories en marges, faisant souffler un vent d’ésotérisme mal placé et pour le moins douteux, sans que l’on puisse trop en mesurer les impacts.

Au plus haut sommet de l'Eglise, malgré la quasi-acceptation historique de la théorie de l'Evolution par le pape Jean-Paul II en 1996, il ne faut que quelques jours à son successeur Benoît XVI pour botter en touche et raviver les théories créationnistes.

C’est donc dans ce maelström peu évident que la Science devra imposer toute sa rigueur et sa croyance en l’expérience pour tirer le fin mot de l’histoire. Le triomphe de l’Homme sur la Nature est autant un non-sens qu'une utopie, mais améliorer notre savoir pour vaincre les fléaux comme le SIDA ou les maladies génétiques est une œuvre certes titanesque, mais probablement à notre portée.

Le clonage soulève peut-être beaucoup de questions éthiques, mais avec les cellules-souches il nous promet monts et merveilles. Du remplacement d'un organe défaillant à la vie éternelle en passant par des récoltes miraculeuses, des sources d'énergie propre ou des armes biologiques, les biotechnologies terrifient tout autant qu'elles font rêver.

Car, aujourd'hui plus que jamais, elles ne semblent pas avoir de limites.

Dans cet étrange climat de triomphe et de suspicion, gageons que la Science saura se sauvegarder d’elle-même, sans se laisser dévorer par les affres de la passion humaine.

Les récents événements survenus en Russie et impliquant le laboratoire américain Futura Genetics sont le résultat direct de ce besoin de renouveau, hélas effectué avec un mélange détonant d'ambition et de précipitation. Les découvertes de ce laboratoire pourraient pourtant bien être de la plus haute importance concernant l'avenir de notre espèce. Les nouvelles techniques d'ingénierie génétique mises au point par Futura Genetics pourraient en effet redéfinir les axes de recherche dans le domaine de la biotechnologie pour les cent ans à venir. C'est pourquoi en dépit des incidents majeurs qui ont tristement émaillé ces événements, les travaux menés par Futura Genetics doivent être analysés avec tout le recul et la rigueur scientifique nécessaires.

La tentation est grande aujourd'hui d'expédier le dossier sous prétexte des graves manquements à l'éthique dont pourraient avoir fait preuve le directeur des recherches Nathan Craig et son équipe.

Mais il serait tout aussi grave de taire une possible découverte d'une telle ampleur sous prétexte de ne pas pouvoir ou vouloir faire la part des choses.

Il n'est pourtant pas évident d'y voir clair dans la mesure où le gouvernement russe nie toute implication dans les travaux de ce laboratoire d'origine américaine, tout en maintenant les scellés et ne tolérant aucune présence d'experts internationaux sur les lieux du drame.

Officiellement, Washington se refuse à tout commentaire bien que les Etats-Unis aient perdu vingt-neuf de leurs ressortissants dans ces événements et la Maison Blanche semble faire tout son possible pour lever les scellés sur les laboratoires accidentés.

Le présent texte se propose donc de relater les tragiques événements survenus à Moscou et Daryznetzov au cours des derniers jours du mois de février 2007, où quarante-trois personnes ont perdu la vie.

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