Matin de novembre
Matin de novembre. Un soleil blanc s’est levé sur Paris. Je quitte le ‘Quai aux fleurs’ dans un poudroiement de brume. C’est tout juste si je distingue l’extrémité de l’Île Saint-Louis. Avec moi, j’ai seulement emporté quelques livres, des feuilles de papier, un stylo, un bagage de cuir fauve qui remplacera celui qui contient mon manuscrit, dont je me demande toujours en raison de quels motifs il a pu disparaître. Je marche sur les traces de mon chemin de retour. La Belgique, ce pays de petites dimensions, je le traverse sans presque m’en apercevoir. Une vague lumière d’étain règne sur Cologne.
Je m’arrête à Poznań, demande la même chambre. Il me faut exorciser certaines images, déconstruire certains rêves qui étaient plutôt des cauchemars. En face, toujours l’identique façade de crépi rose. Le jour qui décline y imprime la chaleur d’une soie. L’image d’Aušra vient s’y poser comme le papillon sur la corolle de la fleur. Dans la rue, des groupes de jeunes déambulent, escortés d’une musique joyeuse. On dirait les préparatifs d’une fête ou bien d’un carnaval. La nuit est douce, baignée du chant des étoiles. Par la croisée j’aperçois le sourire de la Lune, il me tient éveillé jusqu’au petit jour. Et toujours cette image, vision persistante d’Aušra, faveur d’une étrange beauté qui se dit en brume, en songe, dans les mots de la belle poésie rilkéenne. Je viens tout juste de sortir des faubourgs de Varsovie. Maintenant le jour est haut dans le ciel, pareil à une éclatante bannière se déployant aux confins de l’horizon.
Klaipeda, juste avant l’heure crépusculaire. Je gare ma voiture à l’extrémité de la route qui se termine contre le talus des dunes. L’air est doux, un genre de brise qui enveloppe et dispose aux confidences. Je suis tout en haut des collines de sable, dans ce pli du relief qui est mien tellement il me ressemble, lui le discret qui ne vit que du souffle de la Baltique. Une silhouette sur le rivage. Son effigie se grave dans l’étoile de mes yeux, y fait ses mille phosphorescences. Bonheur que d’être là, sur le bord d’une existence qui va connaître son dépliement. Une lumière partage les nuages, vient se poser sur les oyats avec l’infinie délicatesse des choses rares. La toile beige de la cape avance lentement vers le lieu de son destin. Un éclair de cheveux blonds. Peut-être l’ébauche d’un sourire sur des lèvres romantiques ? Oui, certainement. Je descends la dune dans le pur sillage tracé par Aušra. C’est pareil à la course d’une comète dans l’illisible et vaste ciel. Elle, Aušra, la vraie, la vivante, la réservée vient d’entrer dans l’auberge. J’y serai bientôt. Qu’y trouverais-je ? Un poème de Rilke ? Une nouvelle écriture dont je ne connaîtrais le nom ? Amour de l’écriture, écriture de l’Amour ?
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