Julien fait hurler les pneus de la voiture et sort en trombe du parking du labo.

— Tu vas enfin m'expliquer à quel jeu tu joues, Julien ? Hé calme-toi sinon nous allons avoir un accident à la vitesse où tu conduis.

— Hé bien ça en fera deux !

— Deux, mais de quoi parles-tu ? Julien si je ne te faisais pas confiance, j'appellerai de suite un hôpital psychiatrique, avec ton regard halluciné et ton comportement.

— Nos cochons ont fait une sortie de route, leur chauffeur est mort, et Stéphanie n'a aucune idée où ils peuvent être, les gendarmes ne lui ont rien dit à ce sujet.

— C'est un vrai scénario catastrophe, ce n'est pas possible !

— SI je prends la route pour le défilé de Lourmarin, c'est pourquoi à ton avis ?

— Oui mais attend, tu vas annoncer aux flics que tu recherches des cochons transgéniques écrabouillés dans une voiture, soit un peu sérieux.

— Qui est sérieux, ici ? Cela va faire bientôt 3 ans que nous bossons tous les deux et toute notre équipe sur la lignée porcine Duroc pour en faire des animaux à croissance deux fois plus rapide, avec une masse musculaire 3 fois supérieure au standard de cette lignée. Tu oublies ceux qui nous financent, ils ne vont pas nous oublier eux !

— Et alors qu'est ce que tu crois que l'on va trouver la-bas ? D'abord c'est où qu'il s'est tué ce chauffeur ?

— A 9 km de Lourmarin sur la route d'Api, la D943, dans la partie sinueuse qui surplombe l'Aiguebrun. Les cochons ont deux jours, si ils sont vivants, ils n'ont pu courir très loin et même morts ils sont encore intéressants pour nous, tu le sais mieux que moi.

— Tu comptes faire comment avec les autorités sur place ?

— D'abord avec un peu de chance il n' y aura plus personne sur place. Je pense qu'ils ont extrait le chauffeur, puisqu'ils l'ont mentionné à Stéphanie.

— Tu appelles ça de la chance, tu parles d'une "guigne" qui nous saute dessus !

— J'ai repéré le lieu grâce au GPS, on trouve un recoin pour garer la voiture et on se fait passer pour des randonneurs, j'ai deux appareils photos et des blousons dans le coffre, ça fera l'affaire, et de plus nous aurons fichetrement besoin de faire des images.

— Bon OK, de toute façon on est dans la merde, autant essayer de faire quelque chose.

L' Aiguebrun

A 1 km du lieu supposé de l'accident, Julien se gare dans un petit renforcement sur le bas côté de la route.

— Rémy, attrape les appareils, on va suivre ce chemin qui borde l'Aiguebrun, indique Julien en montrant le panneau jaune au départ du chemin qui prend sur la route.

La végétation d'hiver n'est pas très tendre avec leurs pantalons de jeunes cadres urbains, plus taillés pour les trottoirs d'AIx que pour la randonnée dans des gorges touffues.

Après 20 minutes d'un parcours en petites foulées dans ce taillis méditerranéen, ils arrivent en vue de la voiture.

— Punaise, s'exclame Rémy, regarde elle est complètement retournée et aplatie.

— Oui, mais elle est au moins 20 mères au-dessus de nous il va falloir y grimper.

— J'espère surtout qu'on ne va pas la prendre sur la gueule, un mort ça suffit peut-être, tu ne trouves pas !

— Ne t'inquiète pas, ils ont déjà sorti le mort, la voiture a dû être arrimé pour le faire. Allez, tu viens ?

L'analyse de Julien s'avéra exacte et ils purent fouiller la voiture sans trop de crainte.

— C'est impossible tous les casiers sont ouverts et pas un porcelet dans les parages ! Pas étonnant que les gendarmes n'aient rien dit, ils n'étaient pas censés savoir ce que transportait le véhicule, et nous n'avions rien déclaré.

— Ouais et pour couronner le tout Julien, on ne peut pas les mettre sur le coup, cette voiture n'était pas prévue livrer au labo et son contenu ne figurait sur aucun document !

— Ils n'ont pas pu s'évanouir. Rémy, fouillons les environs, peut-être ont-ils pris la direction de la rivière pour chercher de l'eau, ils devraient être complètement sonnés après ce choc.

Mais après deux heures passées à fouiller désespérément les rives de l'Aiguebrun, ils durent se rendre à l'évidence, aucune trace de cochons morts ou vivants. Citadins, il faut bien avouer que ce terrain là s'apparentait pour eux à une "terra incognito".