Un individu dégingandé à la carrure imposante, mesurant plus de deux mètres fit son apparition. Engoncé dans son costume magenta, il dut se baisser pour éviter de se cogner contre l’huisserie déjà bien abîmée.

Son visage était entièrement défiguré, la moitié droite brûlée et le côté gauche lardé de croûtes verdâtres. Une cavité béante remplaçait son nez, un trou duquel s’écoulait des glaires visqueuses. En guise d’yeux, des iris lactescent laissaient deviner une cécité totale. Cependant, il se mouvait parfaitement et s’arrêta au beau milieu des prisonniers.

L’homme tatoué tenta de l’attraper mais la chaîne le retint et rentra un peu plus dans sa cheville, lui arrachant un râle sourd. Le nouvel arrivant ne bougea pas d’un millimètre, un rictus ridant ses joues.

Ses lèvres craquelées et cramoisies se tordirent en un sourire vorace. Un filet de bave s’échappa et s’écoula lentement pour atterrir sur ses chaussures rapiécées.

Il mit sa main vérolée dans la poche arrière de son jean troué et en sortit un micro main. Il tapota dessus à l’aide de ses doigts dénués d’ongles et un bruit sourd retentit. Le son était porté par les haut-parleurs situés aux quatre coins de la salle.

— Bonsoir à toutes et à tous ! Je suis L’Inquisiteur, et vous êtes ici pour jouer.

Sa voix cristalline dénotait avec son horrible physique, comme s’il avait encore ses cordes vocales d’enfant. Des nappes de musiques flottaient dans l’air. Des râles d’agonie et des hurlements résonnaient dans la pièce. Ses victimes passées étaient les parolières de son art diabolique. Enivré, il fredonnait et profitait pleinement de la mélodie morbide qu’il avait confectionnée. De sa main gauche, il caressa quelques-unes de ses cicatrices et éclata une pustule affreuse. Un liquide épais jaillit et atterrit sur le visage apeuré de la femme. Celle-ci gémit et s‘empressa de se nettoyer d’une main tremblante.

— Nous sommes le 31 décembre, continua-t-il, et je vous présente une émission spéciale. Qui dit événement mémorable dit show non moins inoubliable. Tout sera enregistré et mis à votre disposition sur mon site : L’Inquisiteur vous parle. Petit aparté, sachez que vous êtes déjà plus de 5 000 abonnés et je ne vous en remercierai jamais assez. Dans l’ombre du net, les diffusions deviennent virales. Bref, excusez mon euphorie, mais je tenais à le dire.

Il laissa quelques secondes de silence et reprit en se raclant la gorge.

— Voici trois candidats, trois courageux prêts à jouer à La Roue des Mutilations.

Sa déclaration accentuée par un gong sonore forma un trou béant dans le cœur des prisonniers. Un jingle musical suivit ces mots mortifères.

« Un tour du carrousel

Une torture abominable

Un tour du carrousel

Une souffrance innommable »

— C’est quoi ce bordel, qu’est-ce que tu nous veux, fils de pute ? T’as intérêt de me détacher sinon je vais te péter la gueule, menaça l’homme musculeux en faisant craquer ses phalanges.

Le présentateur morbide rit aux éclats, s’avança et le gifla violemment. Il repartit face caméra, le sourire aux lèvres.

— Comme je le disais, nous avons avec nous trois braves candidats. Si vous nous rejoignez, le but du jeu est simple : chacun leur tour ils vont faire tourner la roue et, lorsqu’elle s’arrêtera sur l’une des cases, le jeu pourra débuter. Avant de commencer, je vais vous dévoiler les douze tortures proposées.