Je n'attendais personne, comme chaque jour. Quand j'ai ouvert la porte, je n'étais même pas à me demander qui venait à une heure pareille : cela n'avait pas d'importance, rien n'en avait.

Plus rien dans ma vie n'avait la moindre importance depuis vingt ans, depuis ce jour d'enfer où l'amour de ma vie m'avait été arrachée.

J'ai jamais eu l'ambition d'être un grand homme ou même quelqu'un de bien, mais pour elle j'aurais défié les dieux. Quand je l'ai perdu j'ai perdu tout ce qui méritait mon attention et ma vie.

Et pourtant quand j'ai ouvert la porte et que j'ai vu cette femme qui me fixait avec un regard plus froid que le mien face à un miroir, j'ai senti mon sang se mettre à bouillir : j'ai tout de suite compris qui elle était. On ne s'était jamais rencontré, ni même parlé, mais j'avais beaucoup entendu parler d'elle : Layla, celle qui avait tué ma femme. Celle qui avait condamné ma vie au néant.

Je n'ai jamais été haineux ou vindicatif, sinon je pense que je l'aurais étranglée sur place,après tout à quoi bon ? Je sais que ma femme l'avait aimée, même si cela avait conduit à une monstrueuse trahison. Je donnerais tout pour changer le passé mais son avenir m'indiffère autant que le mien.

Malgré tout elle a réussi l'exploit d'éveiller un semblant de curiosité en moi alors je garde la porte ouverte en attendant qu'elle se décide à agir ou parler.

Lorsqu'elle se décide enfin, sa voix déchire le silence et agresse mes oreilles comme des ongles sur un tableau noir.

- Contente d'enfin te rencontrer papa.

Je claque la porte