Chapitre 8 - Les Eléments Déchainés
A ma grande surprise, l’auberge était bondée de monde. Des cris et des chansons se faisaient fortement entendre. Pourtant on n'avait rien remarqué dehors. Je pensai alors que cela était sûrement dû à une sorte de magie de l'air qui empêcherait le son de se propager vers l'extérieur.
Je m'avançai un peu et vit Léonie au loin, près du bar, discutant avec le barman. Ce dernier avait une forte ossature. Des cheveux bruns volumineux, telle une crinière, et de gros favoris descendant jusqu'au menton. On pourrait le confondre avec un ours. Je vins à leur rencontre.
— Salut à toi jeune garçon, je suppose que tu es le petit copain de la demoiselle en face de moi ? commença le barman à haute voix.
— Hey oh ! Je ne vous ai jamais dit que c'était mon petit copain ! Rétorqua Léonie en reposant le verre bruyamment sur le comptoir.
Je ne fis qu'un signe de la tête, accompagné d'un léger sourire. Je n'avais pas vraiment envie de parler fort.
— Viens t'asseoir ici, je t'offre le premier verre de ce que tu voudras. Mais après c’est payant.
— Je ne prendrais qu'un verre d'eau. Je n'ai pas spécialement envie de boire. Et puis je suis un peu trop jeune encore pour boire de l’alcool.
Je m'assis donc près du comptoir, tandis que l'homme me servit un verre.
— La demoiselle m'a tout raconté petit loup. Vous avez de la chance d'être tombé sur Boromir, c'est vraiment un chic type. Vous pouvez lui faire confiance. Il vous emmènera à Elament, c'est certain. Cet homme n’a qu’une parole.
Il s'absenta quelques instants pour servir d'autres personnes, puis revint vers nous.
— Je m'appelle Tarl, je suis un animorphe au cas où vous ne l'auriez pas remarqué. Et je possède comme vous un don. Vous ne l'avez pas vu ? Si vous trouvez je vous donnerais des informations sur ce que vous cherchez. Mais vous n'avez le droit qu'à un essai chacun, affirma-t-il en se montrant du pouce.
Un animorphe ? Il me semblait en avoir déjà entendu parler. Ce sont des personnes qui possèdent la particularité de se changer entièrement en animal, mais je ne pensais pas qu'ils existaient réellement. Je compris alors pourquoi je l’avais pris pour un ours. Cet animal correspondait sûrement à sa métamorphose.
Mais il possède aussi un don ? Mais de quel élément ? L'avait-il utilisé devant nous pour nous demander si nous l'avions vu ?
— J'ai trouvé ! cria Léonie en levant la main. Vous possédez l'élément du feu !
- Ahahahah ! Pas du tout jeune demoiselle. Un petit indice pour ton petit copain. Mon élément est la raison pour laquelle je suis devenu Barman.
La raison pour avoir choisi ce métier ? L'air ? Il serait logique de le penser par rapport au son qui ne se propage pas dehors. Oui, c'était peut-être cela. Mais d'un autre côté, l'élément de terre pourrait être lié à la nourriture qu'il servait. Il possédait sûrement un jardin pour y faire pousser ses légumes. Et pour l'eau alors ? Peut-être pouvait-il faire en sorte que la pluie tombe sur ce fameux jardin ? Je ne savais pas lequel choisir. J’observai attentivement la taverne. Puis soudain le déclic.
— J'ai trouvé ! Vous avez le pouvoir ...
— Vous êtes un Aqua, n'est-ce pas ? déclara une autre voix.
Une personne me coupa dans ma réponse. La voix me paraissait familière. Je me retournai et vit l'homme à la capuche qui était entré avant moi. Une certaine colère m'envahit alors. Comme un réflexe de loup, mes oreilles se sont mises en arrière.
— Qu'est-ce qu'il te fait dire cela jeune inconnu ? demanda Tarl.
Puis l'homme enleva la capuche et découvrit son visage, laissant apparaître son tatouage tribal noir. Il avait les yeux d'une étrange mais fascinante couleur vert émeraude, très différente de celle des miens.
— La réponse est pourtant très facile. Depuis que je suis entré, je ne vous ai pas vu une seule fois ouvrir une bouteille. Cela veut donc dire que vous servez vos verres d'une autre façon qui est que vous remplissez le verre d'eau puis vous en changez les propriétés. Et il n'y a que les Aquas qui puissent faire ce genre de tour.
Quel sens de l'observation et de la déduction. Je n'avais pas pensé une seule seconde que cette personne puisse être aussi intelligente.
— Ta réponse est intéressante. Peux-tu alors me dire pourquoi j'ai des bouteilles ? Pour le plaisir des yeux ?
L'homme au tatouage ne répondit pas tout de suite. Il s'avança vers le bar et se plaça entre Léonie et moi.
— Il y a plusieurs raisons en fait. La première, ces bouteilles servent de carte et nous indique donc ce que vous savez faire. La deuxième, il doit sûrement vous arriver de ne plus connaître la composition de chaque boisson, j'imagine donc que vous buvez un verre avant de faire celle pour le client. Troisième raison, et il ne s'agit que d'une supposition, vous vous en servez en fin de service lorsque vous vous sentez fatigué.
Tarl explosa de rire. Après quelques secondes d'extase, l'animorphe prit un verre vide, le remplit d'eau et le posa sur le comptoir devant l'inconnu. Lorsqu'il retira sa main du verre, l'eau avait déjà changé pour devenir du vin rouge.
— Je te tire mon chapeau jeune homme, tu es très doué. Malheureusement, je ne connais pas ton nom. Et cela ne me plait pas de donner des informations à un inconnu.
Puis, il se tourna vers moi.
— Aeglos, je sais que tu avais trouvé, rien qu'à ton regard. Après tout je suis comme toi, pas vrai ?
J'acquiesçai de la tête, un peu embarrassé de ne pas avoir pu dire ma réponse. En effet, j'avais trouvé, mais je n'aurais pas pu faire un tel exposé. L'inconnu but le verre de vin rouge, pratiquement cul sec, le reposa et regarda Tarl.
— Bon très bien ! Puisque vous insistez je vais vous dire mon nom. Je m'appelle Ulrick, je suis un elfe des bois. Je viens d’Omel-Tokir. Et je suis un Aera.
Un Aera ? Ah oui, Boromir nous avez dit qu'il en était un. Ce que j'ai senti tout à l'heure était donc bien du vent créé par cet Ulrick.
— Alors écoutez-moi bien les enfants. Vous avez de la chance, il y a un bateau qui part ce soir, une heure après le coucher du soleil. Le bateau traversera l'archipel et fera une unique escale à Nicta, puis repartira aussitôt pour Salem. Je vous conseille de bien vous préparer mais aussi de ne pas trop traîner. Finit-il en souriant.
Ne pas trop traîner ? Pourquoi ? Léonie m'appela et me montra du doigt la fenêtre sur ma droite. Le soleil était en train de se coucher. Ni une ni deux, Léonie et moi nous sommes levés et avons remercié Tarl pour son accueil. Il nous donna au passage à chacun, ainsi qu'à Ulrick, un sac de provisions qui nous permettra de tenir le voyage jusqu’à Nicta.
Une fois sortis de l'auberge, nous nous sommes dirigés vers le port en courant. Nous n'avons pas beaucoup parlé car nous étions suivis par Ulrick qui lui n'avait pas de difficulté à nous rattraper. On aurait dit qu'il était monté sur ressort. Il faisait de grands et longs pas, puis il finit par nous doubler comme un coup de vent.
— Vous êtes lents les faiblards ! Notre rencontre fût très brève. Adieu !
Ulrick accéléra son rythme et put nous semer en quelques secondes. Il ne nous restait que quelques minutes pour atteindre le bateau.
Nous réussîmes à monter à bord du navire en partance pour les terres de Magyar. Ulrick était déjà là. Il fut surpris de nous voir arriver à temps.
Avec Ulrick, Léonie et moi, nous étions huit à partir, dont deux navigateurs, Tom et Olaf. Ce dernier nous pressa de monter, car le départ était imminent.
— Ohé ! Ne partez pas sans moi !
C'était Boromir. Mais où était-il passé tout ce temps ? Qu'avait-il d'important à faire qui nécessitait une après-midi entière en plus du bateau ?
— Salut les tourtereaux ! Je vois avec joie que vous avez trouvé mon ami Tarl et que vous avez réussi son test.
— Pfff ! Vos disciples sont longs à la détente. Ils n'ont pas su trouver la réponse tout de suite, alors je les ai aidés en la donnant, affirma Ulrick d'un ton moqueur.
— Bonjour jeune élémentaliste. Mais ce n'est certainement pas à toi que je parlais, répliqua Boromir sans le regarder.
— Boromir. Ce n'est pas grave. Ce n'est qu'un elfe des bois sans aucune discipline, reprit Léonie.
Le bateau se mit alors à tanguer et nous primes le large en direction de Nicta. Le bateau était un Nef. Il paraissait vraiment solide et rapide à première vue.
La traversée de l’archipel se passa pratiquement sans encombre. A part quelques vagues scélérates que les navigateurs réussirent à passer sans trop de problème d'après eux. Nous avions tout de même été ballottés dans tous les sens, voire même projetés contre les parois de la cale, ou encore des objets tombant vers nous.
Pauvre Léonie. Tout ce remue-ménage n'arrangeait pas son état. Elle ne le savait pas, mais elle avait le mal de mer. Elle resta pratiquement toute la traversée adossée contre une paroi, sous un hublot ou en dehors des cales, prête à tout ressortir s'il le fallait.
Boromir, quant à lui, dormait la plupart du temps. Rien n'arrêtait son sommeil lourd. Il réussissait toujours à s'endormir n'importe où. Sur une caisse, un tonneau, un filet de pêche qu'il avait attaché sur deux poteaux dans les cales du bateau. Bref, un gros dormeur.
En revanche, Ulrick lui ne dormait pas. Du moins je ne l'ai jamais vue dormir sur le bateau. Toujours debout, les bras croisés, défiant les ballottements du bateau. Le regard plongé vers l'horizon. Les seuls moments où il bougeait, c'était lors de ces fameuses vagues. Il marchait vers une paroi, s'adossa contre, et resta de marbre fasse à la violence des vagues.
Les deux autres personnes nous accompagnant, ne nous adressèrent pas la parole. Préférant discuter entre eux en chuchotant. Même pendant les repas. Etaient-ils eux aussi des élémentalistes ? Je ne savais pas.
Et moi me demanderiez-vous ? Eh bien, vous êtes en train de lire ce que j'ai fait durant cette traversée. Je pense que je reprendrais ce livre une fois que je serais arrivé à Elament.
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