3. Maison témoin

5 minutes de lecture

Cela faisait à peine 3 heures que j'avais ramassé la fille lorsqu'elle se réveilla en se débattant.

— Du calme ! C'était un cauchemar, t'es en sécurité ! criai-je.

Je la secouai tout en lui parlant. Elle émergea enfin, se rappela où elle était et se calma.

— Shagya-san, où est-ce qu'on va au juste ?

— Vers le sud, répondis-je laconiquement.

— Mais pourquoi ?

— Si ça te convient pas, tu peux toujours descendre.

— C'est parfait !

Elle se tut et je continuai à rouler. Je notai le « san » qu'elle avait ajouté à mon nom. J'avais lu suffisamment de mangas pour savoir que c'était un suffixe japonais qu'on ajoutait aux noms des gens qu'on ne connaissait pas trop pour ne pas être impoli. Vu que son nom était Wood-Tekkai, elle était vraisemblablement à moitié américaine et japonaise. Et orpheline d'après ses dires. Au bout d'un moment, elle se pencha, ouvrit son sac et prit une boîte en plastique contenant des sandwiches triangles. Elle l'ouvrit et m'en tendit une moitié. Je lui accordai un hochement de tête en guise de remerciements et mordis dedans. C'était un classique beurre-jambon-tomate mais ça faisait du bien. En échange, je lui offris une gorgée d'eau. Elle n'en prit pas trop et moi non plus, autant faire durer les réserves.

— Tu sais te défendre ? demandai-je après un long moment de silence.

— Je...

— L'arme importe peu. Du moment que tu vises la tête. Ailleurs, ça sert à rien, répliquai-je abruptement.

— Tu en as tués combien ?

— Tuer... Écoute, je ne cherche pas d'excuse ni rien, mais à ce stade, ce n'est pas tuer : c'est survivre. Et de toute façon, ils sont déjà morts. J'ai fait ce qu'il fallait pour m'en sortir. Au moins une quarantaine, je ne garde pas vraiment de compte.

— C'est déjà beaucoup ! s'exclama t-elle.

— Tu sais, parfois tu ne croises rien pendant des jours et soudainement, une horde te tombe dessus !

Elle se remit à sangloter. Il fallait vraiment que je fasse quelque chose pour ça parce que je n'aurais jamais la patience de le supporter très longtemps. Les pleurs et moi, c'était compliqué.

— C'est exactement ... ce qui m'est arrivé et...

Elle se tut. J'essayai de lui envoyer un sourire compatissant quand j'aperçus une maison isolée sur le bord de la route. Vu l'architecture, ça devait être une ferme mais les champs n'étaient plus que du sable alors impossible de le confirmer. Je ralentis et m'arrêtai devant. Je descendis et lui dis avant de fermer la portière :

— Reste là et verrouille les portes.

Je sortis mon pistolet et m'avançai vers la maison. C'était un plein-pied donc pas d'étage à fouiller, tant mieux. Il y avait une sorte de garage plus loin dont les portes semblaient fermées, j'irais plus tard. Je tournai la poignée de la porte d'entrée, elle n'était pas verrouillée. Est-ce que cela voulait dire que les occupants étaient encore à l'intérieur ? Ils avaient sûrement fui. Quoique. J'inspectai prudemment toutes les pièces, elles étaient toutes vides et il n'y avait aucun signe de lutte apparent. Je verrouillai toutes les portes donnant sur l'extérieur excepté la porte d'entrée. Je rangeai mon arme et ressortis. Shirahoshi déverrouilla la portière quand elle me vit. Je montai et garai la voiture dans l'allée, prête à repartir.

— Alors ? fit la jeune fille d'une voix tremblotante.

— Vide. On va se reposer un moment et voir si on peut récupérer des trucs. Pendant que je fouille, je te conseille de prendre un bain pour te décrasser, t'en as bien besoin.

Elle se regarda dans le miroir de l'entrée et vit alors l'état de ses vêtements et de sa peau couverts de poussière, de boue et de sang séché. Pendant que Shirahoshi se lavait, je fouillai la cuisine. Je sortis ce qu'on pouvait emporter des placards et l'entassai sur un coin de la table. De la nourriture non périssable et de l'eau en quantité. Parfait. Quand Shirahoshi ressortit de la salle de bain elle avait enfin l'air humaine. Et elle portait un sweat vert et un jean propre.

— Y'avait une pile de linge propre et c'était à ma taille, dit-elle comme si elle s'excusait.

— No problem. Vérifie les placards des chambres et prépare quelques vêtements qu'on pourrait prendre. Je vais voir dans le garage, ils avaient peut-être de l'essence en rab. On sait jamais. On en a jamais assez.

Elle hocha la tête et s'exécuta. Je ressortis par la porte d'entrée et fis le tour de la maison pour atteindre le garage. J'entrai. Il faisait sombre. Je tâtonnai à la recherche de l'interrupteur quand mon pied heurta quelque chose. Je grimaçai au cliquetis. Avant que je ne puisse faire quoi que ce soit, je fus plaquée contre le mur par un zombie. Il tentait de me mordre : de ma main droite, je le retins de mon mieux, avec la gauche je farfouillai l'établi. Mes doigts rencontrèrent quelque chose en métal, sûrement une clé à molette. Je la saisis fermement. Je repoussai brutalement le zombie. Il fit à peine un pas en arrière mais ce fut suffisant. Je lui assenai un coup de clé dans la tête. Ladite tête explosa et il s'écroula. Ma respiration était haletante, mes bras tremblaient suite à cette tension inattendue et intense. Cette rencontre avait été beaucoup trop proche à mon goût. Je tâchais de reprendre mon souffle avant de faire le tour du garage sans trouver d'essence. Cependant, je ne repartis pas les mains vides.

Je regagnai la maison. Shirahoshi dut entendre mon entrée car elle dit depuis le salon :

— Tu as trouvé de l'essence ?

Elle me vit et s'exclama :

— Shagya-san ! Qu'est ce qui s'est passé ? Ça va ?

— Non, un zombie et oui. Mais j'ai dégoté quelque chose. Je l'ai déjà rangé dans la voiture.

J'allai dans la cuisine pour me rincer les éclaboussures de sang que j'avais sur le visage et m'essuyer avec un torchon. Je vis qu'elle avait préparé des vêtements à côté de la nourriture que j'avais sortie.

J'allai verrouiller la porte d'entrée puis me laissai tomber dans un canapé. Elle me regarda puis fit la même chose dans l'autre canapé.

— Prendre ces routes détournées m'épuise. Foutus zombies... Écoute, je vais me reposer une heure ou deux, fais ce que tu veux mais ne sors pas de la maison. Elle est sûre.

Shirahoshi hocha la tête et je fermai les yeux pour rejoindre le monde onirique.

Annotations

Vous aimez lire Shagya ?

Commentez et annotez ses textes en vous inscrivant à l'Atelier des auteurs !
Sur l'Atelier des auteurs, un auteur n'est jamais seul : vous pouvez suivre ses avancées, soutenir ses efforts et l'aider à progresser.

Inscription

En rejoignant l'Atelier des auteurs, vous acceptez nos Conditions Générales d'Utilisation.

Déjà membre de l'Atelier des auteurs ? Connexion

Inscrivez-vous pour profiter pleinement de l'Atelier des auteurs !
0