31. Routine
La nuit fut rude. Nous étions bien installés et au chaud mais je surveillais Jared du regard. Il ne parlait déjà pas beaucoup mais le fit encore moins depuis l'incident de l'après-midi. On avait mangé en discutant joyeusement de notre nouvelle installation mais l'homme n'avait pas pris part à la conversation. Puis nous étions allés nous coucher. Je m'endormis d'épuisement après avoir passé les trois-quarts de la nuit à l'observer. Mais il s'était assoupi en même temps que les autres et ne bougea pas.
Ce fut Gretha qui me réveilla en me secouant doucement. Je grognai à cause de ma quasi nuit blanche. Je me levai péniblement et fis bouger mes doigts crispés, je m'étais endormie en tenant mon arme sous mon oreiller. Gretha haussa un sourcil. Je la rassurai en lui disant que c'était juste une mesure de précaution. J'accrochai l'étui à ma ceinture et remis l'arme dedans. On mangea tous ensemble un morceau. On passa une bonne partie de la matinée à décharger la machine du camion et la déposer dans la billetterie vide du complexe.
Gretha décida de continuer à étudier les documents se rapportant à la synthèse du catalyseur. Il était indispensable de percer leurs secrets pour pouvoir reproduire la formule. Les deux hommes se chargèrent de confectionner des pieux à partir des pieds de chaises de la cafétéria. Ils les coincèrent dans les voitures mises pour protéger les entrées. De cette manière, si des zombies étaient attirés par ici ils s'embrocheraient sur les pieux et resteraient à l'extérieur.
Shirahoshi avait déniché une carte détaillée de la ville et noté les lieux les plus susceptibles de nous intéresser. Sweetwater était une ville de taille réduite mais pouvait regorger de dangers à présent. Ce qui était une petite ville d'environ cinq mille habitants s'était transformé en zone comptant autant d'ennemis. Je discutai avec la jeune fille des endroits où nous devrions aller dans les jours à venir. Armureries, poste de police et caserne de pompiers, jardineries. Même si on avait de la terre, il nous fallait bien des choses à planter.
— Tu crois que des choses pousseront ? demanda Shirahoshi.
— Les gens cultivent des plantes dans les oasis du Moyen-Orient et de l'Afrique. Au Mexique aussi. Si des populations sont toujours en vie, c'est sûrement là-bas. Ils vivaient déjà dans ce type de climat. Peut être que la végétation ne s'est pas transformée en poussière vu qu'elle était adaptée au désert.
— C'est vrai.
— Après avoir retrouvé Gretha, ce serait par là que je serais allée si cette machine n'existait pas, lui confiai-je.
Je regardai la carte posée sur la table à nouveau. Pour être totalement en sécurité ici, il allait falloir que nous nettoyions toute la ville. Et pourquoi pas poser des pièges aux endroits clés sur les routes qui menaient dans et en dehors de la ville. Mais je n'allais pas commencer aujourd'hui, pas avec ce manque de sommeil à mon actif. Et encore moins si je devais surveiller Jared pour ne pas qu'il fasse une connerie. Pour l'instant Max était avec lui, je savais qu'il le gardait à l'œil.
Plusieurs jours passèrent. Une sorte de routine s'installa. Gretha allait étudier les formules chimiques complexes de la machine. Max et Jared amélioraient nos défenses avec les ressources que nous avions à disposition. Shirahoshi et moi faisions des petites choses dans le complexe. Du bricolage et autres petits travaux. Avec un baril percé et une ficelle on fabriqua une douche de fortune. Il suffisait de mettre de l'eau dedans et en tirant plus ou moins sur la ficelle, l'eau s'écoulait et on pouvait se laver sommairement même c'était déjà ça.
Le château d'eau de la ville était encore bien plein car le liquide s'écoulait toujours des robinets. On utilisait celle là plutôt que l'eau souterraine pour le moment. Ensuite, on se mit à creuser un grand trou sur une parcelle à moitié à l'ombre des bâtiments. Les hommes vinrent nous relayer lorsque nous avions passé trop de temps au soleil. C'était là qu'on avait décidé de mettre la terre afin de faire pousser des choses. Max ou moi avions toujours un œil sur Jared. Il ne restait jamais seul bien longtemps. Quand le trou nous parut suffisamment profond, nous fîmes d'interminables aller-et-retours à la machine pour transformer le sable en terre. Au début on s'émerveilla tous devant le précieux terreau. Mais comme on ne pouvait changer qu'un seau à la fois, cela ne faisait plus rien à la longue. On mit des jours à remplir ce trou immense. Cependant nous gardions espoir puisque la terre de la veille était toujours là le lendemain. Quel qu'il fût, le processus de désertification était maintenant arrêté. Nous pouvions enfin aller de l'avant.
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