55. Exigence
Élu il y a trois ans et demi, Matthew Briggs ne devait pas s'attendre à ce genre de fin de mandat. C'était un homme ayant la cinquantaine, assez charismatique, qui avait su séduire ses votants pour se faire élire avec une bonne marge. Il avait moins la classe sans ses costumes taillés sur mesure et ses retouches maquillage pour paraître à la télévision. Il me fit signe de m'approcher. Je m'exécutai tout en continuant à le jauger du regard. Il n'avait pas l'air de manquer de quelque chose et il n'y avait pas la moindre poussière sur ses vêtements. Je me demandais s'il avait vraiment déjà vu un zombie de ses propres yeux ou s'il avait fait le voyage jusqu'ici dans une voiture avec vitres teintées, protégé par une escorte de soldats. Il me tendit sa main en me faisant un sourire. Il faisait faux. Un véritable sourire de politicien en campagne. Il voulait quelque chose de moi, j'en étais certaine. Je lui serrais la main, plus vigoureusement que c'était nécessaire. Il ne tiqua pas mais je le sentis se contracter légèrement sous ma poigne.
— Ravi de vous avoir ici. Vous avez fait bon voyage ? fit-il en désignant la chaise en face de son bureau.
— Pas vraiment. Mes guides n'y sont pas allés de main morte et ma sœur a été kidnappée, sur vos ordres si je ne m'abuse, annonçai-je de but en blanc en préférant rester debout.
Le fait que j'énonce la situation aussi brutalement dût le perturber. Il ne s'y attendait pas. Le président devait toujours présumer que les gens allait le respecter, marcher sur des œufs en sa présence et répondre avec des manières. Ce n'était pas mon cas.
— Je ... suis persuadé qu'elle a été conduite en salle de repos, en bas. Je vous ai fait venir pour...
— Je ne vous écouterai que lorsque j'aurai vu ma sœur. Et que je sois sûre qu'elle aille bien, le coupai-je immédiatement.
— Bien. Allez donc chercher la sœur de cette demoiselle, tous les deux.
Il fit signe aux deux soldats qui m'avait escortée jusqu'ici. Ils hochèrent la tête et s'éclipsèrent sans faire plus de bruit. Je fixai la porte après leur départ. Si jamais ce macho posait la main sur G comme il avait osé le faire sur moi, je lui briserai les doigts un par un.
— Vous voulez boire quelque chose ? demanda Briggs pour attirer mon attention.
— Et si vous me disiez pourquoi vous nous avait venir ici sans tarder ? le contrai-je.
— Je vois, vous n'y allez pas par quatre chemins. De toute façon, mieux vaut expédier cela le plus rapidement possible.
Il avait dit ça avec un air qui ne me plaisait pas du tout. Le genre de regard que possèdent les gens riches et privilégiés qui obtiennent tout ce qu'ils veulent rien qu'en claquant des doigts. Cela ne me disait rien qui vaille. Je n'avais rien à lui donner, à part la machine. Mais ils avaient de la terre régulièrement. Ce n'était pas ça. Il n'allait quand même pas me blâmer pour avoir frappé un de ses scientifiques ? Non, il n'était sans doute pas au courant, ce type n'était pas assez haut dans la hiérarchie pour que sa plainte ait remontée jusqu'au président. Mais alors quoi ... ?
— Ce n'est pas compliqué. Mes scientifiques m'ont fait part de votre état. De votre immunité, commença-t-il.
Oh.
— Le premier sérum n'a pas fonctionné mais ils m'ont assuré qu'ils pouvaient continuer leurs recherches.
Oh.
— Leurs recherches ont provoqué la mort de mon ami. Je ne veux plus être mêlée à ça, crachai-je, la bouche pincée.
— Je suis navré pour votre ami... Cependant, l'individu passe après le groupe, vous n'êtes pas d'accord ? On m'a dit que vous faisiez partie de la police, la protection de la population ne vous importe pas ? C'est votre devoir d'aider le plus grand nombre. Le sacrifice d'un individu pour la masse peut s'avérer nécessaire.
Oh.
— Si vous n'obtempérez pas, qui sait ce qui pourrait arriver à votre sœur ?
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