Chapitre 3

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"Je brûle, je brûle, je brûle..."
Ses paupières se soulevèrent. Devant lui se trouvait le même plafond que d'habitude. Bordeau. Une douleur intense emplit le bras du jeune homme. Il était désormais habitué. Il ne savait pas depuis combien de temps il vivait ça. Un mois, au moins.
Il sombra de nouveau dans les profondeurs de l'inconscience.
Il se réveilla chez lui dans son lit. Devant ses yeux, il n'y avait plus le plafond habituel. Celui-là est blanc, éclairé par la lumière du soleil.
Raphaël se redressa, ses muscles et ses articulations endolories à cause de son immobilité prolongée. Il posa ses pieds nus sur le sol froid et s'arrêta net. Ils étaient décharnés. Il souleva son pantalon et vit qu'il en était de même pour sa jambe. Elle portait de nombreuses cicatrices, assez discrètes. "Ils ont bien fait le boulot, hein..."
Il se leva et avança d'un pas chancelant vers le miroir. Il était très pâle, avait d'énormes cernes et ses yeux semblaient éteints. Il était maigre et tremblant comme un vieillard. Hébété il s'habilla et alla dans la salle des négociations.
- Raph !! T'étais où ? s'exclama Berty en replaçant une mèche de ses cheveux blonds derrière son oreille. T'as disparu pendant 2 mois !
Ne laissant pas son ami répondre il le prit dans ses bras.
- Je sais très bien ce qu'il t'es arrivé, murmura Berty à son oreille. Joue la comédie et après, viens chez moi.
- Berty, ne t'inquiètes pas, j'étais juste en vacances, répondit tout haut le jeune courtier.
- Tu aurais pu me prévenir, au moins, soupira Berty l'air exaspéré. Tiens, voilà ta chaise fétiche et un petit verre eau pour fêter ton retour !
- Quelle fête pompeuse ! lança ironiquement Raphaël.
Ainsi il patienta en observant son ami négocier. Puis, quelques heures plus tard, ils allèrent comme promis chez Berty.
- Va te doucher, et à l'eau froide, histoire que tu reviennes à la réalité.
Raphaël obéit. Sous la douche, il remarqua toutes les cicatrices qu'il portait. C'était de petits renflements blanc qui barraient son torse. Il les caressa. Ça raviva le souvenir de la douleur intense dans laquelle il se perdait. Il frissonna et sortit de la douche. Berty lui avait préparé une chemise et un pantalon gris. Il les enfila et sortit de la douche.
Il avait désormais l'esprit plus clair. Mais cela ne le soulageait pas. Il était impuissant et ne savait pas quoi faire.
Il n'en parla pas à Berty, il savait qu'il ne pouvait pas lui faire confiance. C'était du chacun pour soi.
Raphaël continua son travail du mieux qu'il pût, mais il était dans un état déplorable.
Après une négociation particulièrement hardue il sortit du bâtiment, fit quelques pas, avec la force de sa volonté puis, comme une corde trop tendue qui se casse, son corps lâcha. Il tomba par terre en pleine rue.
***
Une femme pleurait. C'était sa mère. Elle pleurait pour lui. Elle était dans l'hôpital. Un homme entrain de recevoir des soins d'urgence...
"C'est moi ?" pensa Raphaël. Oui, c'était lui.
***
Il souleva avec difficulté ses paupières. Un bourdonnement sourd retentissait dans sa tête.
Un visage apparut au-dessus de lui. Il l'observait avec des yeux bruns emplis de gentillesse.
- Vous vous êtes réveillés ?
Raphaël ouvrit la bouche pour parler, mais rien n'en sortit. L'homme, sûrement un médecin, partit puis revint accompagné d'une femme dont la seule présence réchauffait le coeur du jeune homme. Elle avait les mêmes yeux gris que son fils, bordés de fines rides que l'âge y avait fait apparaître. Ses cheveux étaient poivre-sel, mi-longs et lisses. Depuis toujours, elle faisait de son mieux pour que ses enfants se sentent aimés. Mais le comportement de son mari l'en empêchait. Des assistantes sociales décidèrent alors de placer les enfants en foyer où ils furent abusés. Raphaël appelait alors désespérément ses parents, mais on ne le laissait pas partir. À choisir, il préférait largement rester avec son père et sa mère que dans ce foyer affreux. Ce traumatisme est une des raisons pour lesquelles ce qu'on lui a demandé d'accomplir dans l'église de Satan l'a brisé.
Quelques jours plus tard, Raphaël commençait à récupérer. Il était désormais capable de parler, et de bouger. Le Dr.Retson qui l'a soigné vint vérifier son état.
- Monsieur Kopath, votre corps aura besoin d'encore beaucoup de temps de repos avant de récupérer entièrement, annonça médecin.
- D'accord, merci beaucoup.
- Vous devrez suivre un traitement pour vous remettre sur pied.
Un rire d'enfant retentit dans le couloir. Une petite tête de brioche au lait entra toute joyeuse dans la salle et se jeta dans les bras du docteur. Le sourire de Raphaël se figea. Dans son esprit, l'image des enfants abusés se superposa a celle de la petite patiente et de son médecin. Ses membres se mirent à trembler de façon incontrôlée et ses membres se couvrèrent d'un voile de sueur. Son coeur battait à la chamade.
Il se leva précipitamment et s'enfuit sur ses jambes encore mal assurées. Il alla aux toilettes, et s'appuya sur le rebord du lavabo. Un voile noir couvrit son champ de vision, il respirait avec difficulté. Le sol se déroba sous ses pieds, et il perdit connaissance. La dernière image que Raphaël vit fut le médecin, au visage inquiet, accompagné de la petite blonde en train de courir vers lui.
***
Raphaël entendait des voix. De quoi parlaient-ils ? Bonne question. Il n'entendait que des syllabes.
- A...Comportement.....ge
- Synd.....de......atique !?
Il reconnut la voix de son médecin. Il souleva légèrement ses paupières , encore confus et leva ses bras. Il n'y arrivait pas, il était attaché à la table. La panique l'attrapa à la gorge, il tira le plus fort possible sur ses liens, l'esprit envahi du souvenir du plafond bordeau et de la douleur brûlante. Il se débattit, hurla le plus fort possible, puis petit à petit il reprit ses esprits.
- Calme toi, calme toi, disait le médecin. Ouvre les yeux !
Il obéit et ouvrit ses yeux pour de bon. Devant lui, le plafond n'était pas sombre mais illuminé, les visages n'étaient pas sadiques et malveillants mais inquiets et bienveillants. Il n'était pas attaché, il avait juste des perfusions. Il inspira profondément, ralentissant les battements de son coeur. La voix profonde du médecin l'atteignait maintenant.
- Ça va mieux ?
Raphaël acquiesça d'un signe de tête.
- Tiens, voilà un verre d'eau pour fêter ton retour parmi notre monde, si je puis dire, lança le docteur avec un gros rire, plein de bonté.
- Quelle fête pompeuse, répondit doucement Raphaël en prenant le verre.
Puis il éclata en sanglots. Le médecin l'observa avec compassion puis sortit de la pièce afin de laisser l'homme seul.

***
Pauvre Raphaël. Au cas où, au début de l'histoire il a 20 ans et maintenant il en a 30. Il a passé 5 ans pour se faire une place proche du sommet du monde, 6 ans à travailler en relation directe avec eux et 1 an et demi a bosser avec eux en étant rongé de l'intérieur par toutes les horreurs qu'il a vues et commises.

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