UNE ARRIVEE ENTHOUSIASTE
de Johane REGAUD
Neuf heures quatre. Elle arrive enfin à son bureau, déjà agacée par les quarante minutes de route. Les locaux sont vides ; ses collègues sont tous partis sur leur chantier respectif. Elle appuie sur l’interrupteur et deux néons sur quatre éclairent cette petite pièce d’une lumière blanche blafarde. La couleur saumonée des murs ne parvient pas à rendre l’endroit accueillant tellement ils ont été noircis par le temps et la poussière de métal. Aucune décoration. Juste un tableau blanc Velleda sur le mur du fond, et un autre en liège sur le mur est. Quelques affiches de l’INRS aussi : « STOP aux TMS », « Sécurité… suffit pas d’en parler ».
Elle entre dans ces neuf mètres carrés bien encombrés par un bureau plaqué hêtre au centre, deux armoires de la même série sur le mur mitoyen avec le bureau d’à côté et une petite commode, entre les deux armoires, sur laquelle est posée l’imposante imprimante A3.
Elle croche sa doudoune sur le portemanteau caché derrière la porte. Le pauvre croule littéralement sous ses vêtements de chantier. Les parkas fluo, vestes et pantalons de bleu manquent de le faire basculer tous les jours.
À côté il y a la fenêtre en PVC blanc à double ventail. Elle en ouvre le volet sans grande énergie. La vue qui s’offre à elle est bien triste : le parking recouvert d’un grattage de route gris, la route goudronnée, puis la façade blanche du garage Renault, et au loin, les plus hautes cheminées de la raffinerie. Pas un arbre, pas un brin d’herbe, aucune trace de verdure. Ce matin le ciel est gris, bas, il crachine, il fait froid. Elle frissonne. Elle remonte un peu le thermostat du radiateur sous la fenêtre. Ce grille-pain peu performant peine à réchauffer le bureau.
Après avoir rééquilibré quelques cartons empilés entre le radiateur et le portemanteau, elle contourne son bureau, pose son téléphone portable dessus et son sac à main dessous, puis allume son ordinateur et sa Senseo. Elle se prépare un café en attendant que ses deux grands écrans daignent s’allumer. Une douce odeur de café aromatisé caramel se propage dans la pièce. Elle prend sa tasse et s’installe dans son fauteuil ergonomique en enveloppant le mug de ses deux mains pour les réchauffer. Elle hume la fumée se dégageant du liquide chaud. Ça l’apaise un peu.
De son poste, elle perçoit les bruits qui s’échappent de l’atelier. Elle peut distinguer le hurlement strident d’une meuleuse, le vrombissement du pont roulant, les coups assourdissants d’une masse qui frappe une tôle en acier, les voix mélodieuses des chaudronniers…
Elle pose sa tasse pour encadrer son visage de ses mains à présent réchauffées. Les yeux fermés, elle masse légèrement ses tempes. Une lueur vive apparaît soudain. Les écrans se sont allumés. Il va falloir se mettre au boulot.
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