26. Le Retour

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Le navire n’est pas destiné à l’usage d’une seule personne, aussi chevronnée soit-elle. Il ne faut pas trop de l’aide du chevalier pour délier les cordes de leurs bites et lever l’ancre. Cependant, tandis que les lourdes voiles se dénouent, un tremblement fendille la surface gelée du paysage. Un autre suit, plus violent et plus proche. Le visage de Godalbertus se fait inquiet.

“Oh non…” marmonne-t-il, vous faisant signe de vous hâter, ce que vous faites sans discutailler, pour une fois.

Le galion tout juste lancé, une masse informe et braillarde s’écrase sur les docks. Fasciné, plus qu’effrayé, vous ne pouvez vous empêcher de scruter l’énorme silhouette, empêtrée dans ses nippes informes, qui se redresse.

“GOOOOODALBERTUUUS !” beugle la chose, goulot grand ouvert. “Qu’est-c’qu’tu t’tripotes la nouille au milieu de la brousse ?! Qu’t’allais pas calter, mon pépom ?”

Devant elle, quasi-agenouillé, les guiboles dans la flotte, l’interpellé est comme métamorphosé. Et qu’il se confond en excuse et en flatterie pour sa chère et tendre épouse ; et qu’il se fait tout mièvre et sourire.

Car oui, c’est bien la Reine des Glaces qui se trémousse sur les quais. Chevelure collante, hystérie condensée, mastar du caisson pour une allure globale très libertine. Du titre, elle n’a que le nom, tant sa prestance et son jargon pètent tous les potards de la bienséance minime.

Cela dit, vous faites bien de garder cette réflexion pour vous, car voilà que ses yeux globuleux accrochent votre embarcation.

“Qu’est-ce t’y c’est pas que ça ?!” trompette-t-elle, paluches sur les hanches poisseuses. “Un chiard de la mer qui prend le zef !? Qu’est qu’t’a encore brancouiller, mon saligaud ?!”

“R… Rien… ma… ma douce…” balbutie Godalbertus, avant d’essuyer une généreuse trempe des familles.

“Qu’j’te demandais pas un coup de flûte ! Tu m’largues pour un lascar, qu’c’est tout c’que j’bigle là ! Y va voir !”

Ses pognes griffent le sol gelé. Pour votre plus grand désarroi, le givre s’étend, cristallise progressivement la crique, ébauchant les prémices d’une tempête d’un souffle glacial.

Plus vite, plus vite !

Heureusement, s’il en est, c’est ce même souffle qui gonfle enfin vos voiles et pousse le galion hors de glaviots de la rombière du nord.

“Rah ! Merde ! Zut ! Crotte ! Chiotte !” postillonne la folle sur le rivage, fracassant le sol à grands coups de lattes. “Y décarre sans même me tailler le schneque !”

“Mais ma douce, je suis là, moi…” tempère Godalbertus, se protégeant tout de même le visage.

“Encore heureux ! T’as tout intérêt à rabouler tes sapes, s’tu veux pas crécher au zonzon la pine comme ça, mon micheton !”

Son regard croise le vôtre. Vous frissonnez, elle se pourlèche les badigoinces, allant même jusqu’à vous faire une démonstration de sensualité, dont votre santé mentale se serait bien passée.

“Bah !” lâche-t-elle d’une moue grivoise. “La tempête aura raison du kèche. Allez t’y viens Goldo, j’ai fait assez de gringue comme ça. Et qu’t’as intérêt à t’gauler comme y faut, sans me couillonner, hein ! Raboule, là !”

C’est assez pour vos yeux, de toute façon, tempête ou bonace, la mer vous tend les bras. (30)

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