#6 -
Un courant d’air sur sa pâleur d’insomnie. Un rire qui défrise les abîmes, qui suit la cime des arbres, qui suinte sur l’émail maculée de saveurs orientales. Y avait des loukoums et du thé à la menthe sur l’appui de fenêtre, et de son cœur s’étiraient des lambeaux de sang coagulé, agglutinés contre les parois de béton, des carreaux écœurés et éclatés dans les catacombes. On pourfendait le vent comme des moulins aériens ; on ratiboisait les splendeurs de sa ville devenue ruines, comme oubliant que les fragments de bombes éclataient la gueule des enfants, leur arrachaient les pieds et les mains, leur dévoraient le sourire. Les visages n’en étaient plus. Que des ombres sous des cheveux épars. Les colonnes partaient en fumée, les obus s’immisçaient partout, les hommes déployaient leur champ de bataille à perte d’étendue. Les cendres voltigeaient dans le ciel - de la neige grise et triste sur les paysages secs.
On aurait pu croire à des feux d’artifice... d’ailleurs les gosses se serraient contre les vitres déflagrées, leurs visages suants de larmes arides. On poussait des « oh » et des « ah », comme pour se voiler la face. La vitalié cherchait son élan pour assièger la peur qui se nichait partout.
Et l’on chantait pour recouvrir le fracas des incendies, les murs rongés de déséspoir. On chantait pour oublier l’effroi, les disparus, les éclopés, les yeux perdus, les peaux cramées. Et l’on riait. On riait parce que le rire était la dernière arme disponible ; à gorge déployée, on s’usait les poumons pour sentir la vie poursuivre sa course, parce qu’il fallait que la vie prenne place au milieu des décombres, pour chasser les missiles d’un revers de joie. Les éclats de rire comme unique munition.
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