Gabriel n'en pouvait plus. Difficile de dire depuis combien de temps durait ce jeu du chat et de la souris. Il courait depuis ce qui lui semblait des heures et il sentait ses poumons brûler. Avait-il le choix ? C'était lui qui campait le rôle de la souris. Quant à celui du chat, il était tenu par l'adversaire le plus terrible qu'il ait jamais eu à affronter. En levant le nez, il aperçut une ombre voiler les étoiles.

Cette ombre passa loin au-dessus du jeune homme, rapide et silencieuse comme la mort. Colossale. On aurait pu croire, si le mouvement avait été moins vif, que cette vaste étendue sombre se déplaçait au gré du vent, simple projection d'un inoffensif nuage. Il n'en était rien. Soudain, l'ombre fonça en piqué vers le sol.

Gabriel se jeta de toutes ses forces sur le côté et n'échappa à la mort que d'un cheveu. Une force qui dépassait l'entendement lacéra le sol rocheux aussi facilement que s'il eut été un champ de boue. Le jeune homme ressentit jusque dans ses entrailles les secousses du choc puis celle, plus nette, plus franche, de la bête qui se posait et abattait toute sa masse sur la terre. La peur l'envahit.

La silhouette du traqueur se dressa, gigantesque et noire. Les vastes ailes de la bête balayèrent l'air qui vint fouetter le visage du ridicule petit être qui osait se tenir devant elle. Un pas en avant et tout changea. Une colonne de feu s'éleva en une formidable explosion depuis le sol, déstabilisant et aveuglant momentanément le dragon. Lorsque la bête reprit pied, elle sentit qu'elle était blessée, et le misérable humain n'était plus là.