Soledad {Bordeaux-Paris}
« Décrivez ce que vous ressentez lorsque vous êtes seul. »
Telle était la consigne donnée par mon intervenante dans la master class littéraire que je venais récemment d’intégrer. Ces illustres cours singularisés comme étant des cours de perfectionnement et de partage d'expérience donnés à de jeunes professionnels par un expert d'une discipline. Elle m’avait laissé une douzaine de jours pour lui rendre une copie, sans aucune autre indication.
A l’instant où j’écris ces lignes, il est approximativement huit heures du matin. Confortablement installée à l’intérieur de la voiture numéro sept, j’approche à toute vitesse de la gare de Paris-Montparnasse.
A une heure si matinale, je n’ai absolument aucune compagnie. En outre, je ne capte pas le réseau. Pas de risque de succomber à la tentation de déverrouiller mon smartphone ou bien naviguer sur Internet avec mon Mac.
En cet instant précis n’existent que mon stylo-bille et ma conscience lui dictant ce qu’il faut inscrire sur ma feuille blanche qui, peu à peu, commence à prendre des couleurs.
Mon seul divertissement dans cette harmonie chaotique réside dans le défilement du paysage verdâtre aussi torrentueux que subjuguant ; manifeste du long-métrage naturaliste muet.
Ainsi, il semblerait que la situation soit idéale pour une réponse des plus pertinentes.
« Alors dis-leur Soledad, que ressens-tu lorsque tu es seule ? »
Par où suis-je censée débuter ?
La plupart du temps, ma solitude s’accompagne d’une atmosphère insonore. Et, lorsque c’est le cas, cela me conduit à deux états contraires avec leurs sensations bien distinctes.
Le premier des deux est un apaisement total. Ce dernier me permet de me remémorer placidement tous les évènements passés. Mais aussi de songer à ceux à venir. Avant toute chose, je considère la solitude comme un privilège qui concède le luxe, en toute tranquilité, de se recueillir, rêvasser, se projeter, délibérer… jusqu’à se perdre dans ses pensées.
Le second aspect est légèrement moins joyeux.
Et pour cause, un profond sentiment d’inquiétude, tirant son origine de mon côté lunatique.
La peur, dans son état le plus brut. Celle de se retrouver confronté à soi-même, exposé librement à ses vieux démons sans aucune aide extérieure, et à une multitude d’autres interrogations.
Ne pas savoir ce que l’on nous cache, ce que l’on pratique en notre absence.
Être dans l’attente d’une réponse de la plus haute importance, confus.
Ne pas savoir ce que deviennent ses proches, sans nouvelles.
Être dans le doute, sombrer dans la torpeur.
Ne plus exister pour autrui.
Être en manque d’affection, délaissé.
Ne plus revoir une personne qui nous est chère.
Être sans…
Mon téléphone vibre. Étonnée, j’observe autour de moi. De l’autre côté de la fenêtre, les images sont fixes, le film s’est arrêté. Mon réseau est revenu. La ville autour de moi est en effervescence.
C’est fini, je ne suis plus seule.
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