Retour en grâce
de
Bouvaise
Je me suis levé plus tôt ce matin. Plusieurs jours que je repousse cette échéance, l’inspiration m’a déserté comme ça sans prévenir. J’avais pourtant toujours réussi à démarrer tous mes romans mais celui-là c’est différent. Peut-être parce qu’il est plus personnel et qu’il tourne en moi depuis des années. Je ne serais pas dire ce qui me bloque, mais il est sûr qu’il ne veut pas être accouché de moi. Je veux trop bien faire, je formule reformule sans cesse sans que cela me convienne et de rage je jette. Eternel insatisfait, dans ces moments-là la raison ne commande plus. Avec le recul je me dis qu’il y avait sans doute des choses à sauver dans ces lignes sacrifiées.
Mais ce n’est plus le moment de tergiverser, c’est le moment de l’action, c’est pour cela que je me suis levé de si bonne heure. Pour être tranquille, être encore dans la nuit qui me protège de son silence. La maison est calme, femme et enfants dorment, c’est le moment de la confrontation, la bataille va avoir lieu entre le stylo et la feuille. D’ailleurs que vais-je choisir, le clavier ou le cahier ? Je me mets en position, range le bureau, compte mes crayons, fait de la place pour être à l’aise. Petites manies, petit rituel qui cache ma panique, retarde l’instant fatidique, pallie mon vide intérieur.
Je dépose la feuille sur le sous-main, la blancheur immaculée du papier comme une neige vierge n’attend que mes traces de skieur pour exister. Je serais le premier, le seul à fouler cette étendue blanche et à y laisser mon empreinte avant que le temps ne la recouvre comme il recouvre toujours et inexorablement tout. Commencez par le personnage, le présenter dans son environnement, comprendre les tourments qui l’assaillent au moment où commence le récit, voilà qui peut être accrocheur me dis-je. Les premiers pas sont fébriles, puis prenant confiance la phrase déroule alors que je n’y croyais plus. Je suis comme un handicapé qui retrouverait l’usage de ces jambes doucement, prudemment. Comme le doute peut être destructeur, cet ami du vide, cet empêcheur d’écrire en rond ne doit plus m’accaparer.
Car je sais où je vais, j’ai tout en moi. Dans ma tête chaque chapitre s’emboîte, je dois me faire confiance. La deuxième phrase arrive presque naturellement, je respire mieux espérant que ce blocage ne sera plus qu’un mauvais souvenir. Je me détends, libérant mon esprit de toutes les pensées extérieur à ma création. J’écris enfin…
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