Utopiste
Amoureusement, il caressait tendrement l'idée de voir sa dulcinée. Pesant le pour et le contre, son envie finit par gagner sur le reste de ses arguments. Saisissant son sac, une épuisette et sa veste, il se mit en route. Le vent glacial des plaines de Bretagne le figea. Zip, la fermeture éclair de sa veste remontée, il fut protégé de ce froid qui l'attaquait. Il suivit un chemin sinueux, zigzagant entre les champs, son sac sur une épaule et son épuisette sur l'autre. Le soleil continuait sa course dans le ciel d'un bleu si pur et si clair. Au loin il vit une ombre se rapprocher. De plus près il détermina que c'était un étranger. Le bonhomme, en papier il semblait, l'interpella.
" Monsieur bonjour ! Pouvez-vous m'indiquer le chemin jusqu'à l'imprimerie ? Je vais me faire une nouvelle tenue.
- Eh bien monsieur...
- Ratatouille, indiqua l'homme de papier.
- Bien, vous devez suivre la route le long de la falaise puis, au soleil couchant vous tournerez à gauche puis à droite sur le boulevard Tricote.
- Longer la falaise jusqu'au soleil couchant... euh à droite puis à gauche. Non, à gauche puis à droite sur le boulevard... Tri... hum... tricoter ? hésita-t-il.
- Tricote. Bonne marche monsieur."
Puis il s'éloigna en courant. Sa dulcinée l'attendait ! Il arriva au bord de l'océan. L'embrun marin l'enivrant, le bruit des vagues apaisant... Il commença le rituel, une drôle de danse, pour appeler sa dulcinée. Il tournait en rond sur la plage, agitant son épuisette à droite puis à gauche, il levait et baissait son corps à rythme bien précis. Tel un yoyo, il était immense un moment et le moment suivant était minuscule. Notre utopiste d'un monde meilleur où il pourrait voir sa mie à chaque instant, commença à chantonner.
" Iguane, ma belle Iguane, rejoins-moi à la plage de nos souvenirs"
Sa voix grinçante paraissait exciter les vagues de plus en plus hautes.
" Iguane, ma belle Iguane, même si tu n'es pas un ornithorynque, tu es ce que j'ai de plus cher."
Il se tut, continuant à tourner en ces cercles de plus en plus petits levant son épuisette au-dessus de sa tête et la baissant au même rythme que son corps. Soudain, il ressentit des palpitations, se figeant il sut que le moment était venu. Il fut englouti par une vague. On aurait eu l'impression qu'elle l'avait mangé.
La mer redevint calme, le vent tomba et le soleil se coucha tandis que le bonhomme de papier atteignait l'imprimerie.
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