Chapitre 16. CONFESS

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J'étais restée assise plus d'une heure sur la chaise sans que ni Andie ni moi-même ne disions plus rien. Que pouvions-nous dire de plus ? Je regardais fixement Andie. Elle ne comprenait pas où je voulais en venir. Je finis pas insister une nouvelle fois :

- Tu as quelque chose à voir avec la mort de Wendy !

- Non !

- Ne me mens pas, je le sais !

- Non, je te jure.

- Tu as fait quelque chose ?

- Non...

- Tu as dit quelque chose ?

- Non plus...

- Alors tu sais quelque chose !

- Oui...

- Quoi ? Que sais-tu ?

- Jane.

- Oh non, par pitié, arrête avec cette histoire !

- Mais c'est la vérité !

- Je...

- Je vais t'avouer alors, je peux tout t'avouer, puisque c'est ce que tu veux. Mais je te défends de le répéter à qui que ce soit ! Je n'aime pas parler de ça et je n'en ai jamais parlé à personne. Je vais te livrer mon secret, Deborah. Je te demande de le respecter. Je voudrais le garder pour moi mais visiblement ce n'est pas possible.

- Si ça a un rapport avec Jane,...

- Elle était souvent à cette fenêtre au volet entrouvert. Elle me regardait et je la regardais, comme si c'était une longue conversation silencieuse. Elles étaient trois. Wendy était la plus jeune, Jane avait un an de plus et Alie quatre. Elles étaient trois sœurs. La première que j'ai vue était Wendy, la seule dont les gens connaissaient l'existence. Les Brooks n'avaient pas souhaité qu'on sache qu'ils avaient deux autres filles apparemment. Ce qui distinguait Wendy des deux autres étaient ses cheveux blonds. Du moins c'est la seule chose qui m'a sauté aux yeux.

- Comment peux-tu savoir qu'elles étaient sœurs ?

- Attends que j'explique ! Jane avait donc une chambre derrière cette fameuse fenêtre. On se voyait mais on ne pouvait rien se dire. Tu vois le sapin sous ma fenêtre. La première fois qu'elle est venue, j'avais dix ans et elle onze. Elle est descendue de sa chambre par la fenêtre et est venue à moi en escaladant ce sapin. Je ne m'attendais pas à la voir débarquer dans ma chambre en pleine nuit. C'était un jeudi soir, je m'en souviendrai toute ma vie. Elle a toqué au carreau et je lui ai ouvert. Elle est entrée dans ma chambre en pleurant. Je lui ai demandé ce qui se passait et elle m'a répondue «Elle est morte; il l'a tuée.» J'ai compris quelques temps plus tard que «il» désignait son propre père. Alie était morte, à l'âge de quatorze ans.

- Quoi ?! Mr. Brooks ?!

- Oui. Je n'ai pas su lui répondre, je n'ai rien osé demander : pas de détails, pas d'histoire. Je voulais juste que ses yeux magnifiques arrêtent de verser l'eau du désespoir. Je l'ai consolée comme je pouvais. Jane est revenue, tous les jeudis soirs, à la même heure, par les mêmes moyens. Jamais personne n'a rien su. C'était notre secret, notre histoire. Personne ne devait savoir. Elle m'a dit des choses, ce qui se passait dans cette horrible villa. Mais elle ne m'a jamais tout dit, ce n'était que quelques remarques. Elle n'aimait pas en parler, ça lui faisait mal. Un soir, elle m'a donné une liste de course. Je me rappelle encore ce qui y était écrit : «mouchoirs, préservatifs, somnifères». Une chose en particulier m'a surprise sur cette liste, vu notre âge.

- Préservatifs ?

- Oui. Mais j'ai tout acheté sans poser de questions. Je ne voulais pas la faire souffrir plus que ce qu'elle endurait déjà. Notre relation a duré des semaines, des mois et des années.

- Qu'est-ce que tu appelles «relation» ? Le fait qu'elle se confiait à toi ?

- Pas vraiment, plutôt le fait que j'étais la seule personne qu'elle voyait en dehors de cette villa; elle en était prisonnière. Mais surtout le fait que j'aimais Jane et qu'elle aussi m'aimait.

- Elle ne pouvait pas sortir de la villa ?

- Non, elle me l'avait dit. Je ne sais pas vraiment pourquoi. Ses parents ne voulaient pas que quelqu'un connaisse son existence. Tu sais, j'ai eu quelques moments de réel bonheur dans ma vie et c'est Jane qui me les a offerts. Il y a eu un soir, un soir unique mais... Elle est venue, mais c'était un mardi. Elle avait seize ans. Elle était tellement belle, tellement... Excuse-moi, je t'embête avec mon amour à la con !

- Non, non. Ne t'inquiète pas, je comprends.

- C'était un soir de juillet, un soir comme celui où Wendy a quitté ce monde. Ma fenêtre était ouverte. Elle est entrée, sans que je la voie, et elle est venue s'allonger près de moi, sur mon lit. Je l'ai vue, surprise. J'ai voulu parler mais elle a mis son doigt sur ma bouche. Elle m'a dit «Je vais partir, je vais mourir...». Je ne comprenais pas. Elle a ajouté «Je suis enceinte». Tu imagines, j'étais encore plus surprise. Je me demandais comment une fille qui ne sort jamais de chez elle peut en arriver à ce résultat.

- Vous sortiez ensemble ?

- Non, je pense qu'on avait du mal à exprimer nos sentiments. On devait avoir peur de la réaction de l'autre. Mais au fond on savait qu'on s'aimait. Je lui ai demandé comment c'était possible, de qui. La seule chose qu'elle a répondue a été «Mon père».

- Arrête. Je ne veux pas croire que Mr. Brooks ait violé sa fille; je ne te crois pas!

- Et c'est pourtant la vérité. Qui sait, peut-être que Wendy a subi la même chose. Après que Jane m'ait dit une chose pareille, je ne savais plus ce que je devais faire.

- Alors ?

- Alors je n'ai rien fait, elle s'en est chargée toute seule. J'étais assise sur le lit, elle s'est avancée au-dessus de moi et a posé ses lèvres contre les miennes. Je n'avais jamais éprouvé cette sensation de plaisir intense. Et puis,... tu sais ce qui s'est passé après.

- Vous avez couché ensemble...

- C'est ça. Le lendemain, en fin de journée, Jane était morte. Elle n'est plus jamais venue le jeudi, le volet n'a plus bougé et plus personne n'a escaladé ce sapin.

- Mais tu savais qu'elle allait mourir. Pourquoi tu n'as rien fait ?

- Ce n'était pas si simple. D'abord, j'avais promis à Jane de ne rien dire de tout ce qu'elle m'avait confié. Mais j'ai été obligée de trahir cette promesse. J'en ai parlé à ma mère mais elle a pensé que j'étais folle et ne m'a pas crue. Je ne pouvais le dire à personne, personne ne m'aurait crue !

- Tu n'as pas appelé la police ?

- Bien sûr que si. Mais Mr. Brooks avait des relations dans la police et eux non plus ne m'ont pas crue. Je n'ai rien pu faire pour empêcher ça, j'ai essayé mais je n'y suis pas parvenue. Je m'en veux tellement ! Tout est de ma faute !

- Non, bien sûr que non. Les gens ne te croyaient pas. Tu n'y pouvais rien. N'importe qui à ta place n'aurait rien pu y faire.

- Peut-être.

- Pourquoi ne m'as-tu pas parlé de cette histoire plus tôt ? Je t'aurais crue, j'aurais mieux compris.

- Je ne voulais pas que tu aies peur de moi.

- Peur ? Pourquoi ?

- Parce que, j'ai souvent eu honte de ma relation avec Jane et encore plus de n'avoir jamais pu la sauver

- Mais je m'en fiche de ça. Tu as aimé cette fille, ce n'est rien de mal, au contraire. Je vois mieux maintenant pourquoi tu as toujours été si triste, si secrète.

- Et encore plus après sa mort. Jane n'a laissé de moi qu'un pauvre cœur de gouine brisé et en proie à des secrets qui me rendent folle. J'ai souvent eu envie d'aller la rejoindre.

- Où ça ?

- Dans l'au-delà.

- Ça ne te servirait à rien de faire ça. Je ne pense pas.

- Personne ne peut savoir ce que j'endure et ce qui est bon pour moi ! Je vis avec un amour brisé, ce monstre a tué la seule personne que j'ai jamais véritablement aimée ! Je n'oublierai jamais Jane et je mourrai de cet amour !

- Tu dois t'en sortir, Andie. Je suis sûre que tu peux. Jane n'aurait sans doute pas voulu que les choses soient ainsi mais ce n'est pas non plus de sa faute.

- S'il te plait Debbie, aide-moi à me tuer.

- Je ne suis pas un assassin. Avant de mourir, il faudra penser à venger les sœurs Brooks !

- Comment ?

- Il faut que le criminel paye, il faut révéler ce que tu sais à tout le monde !

- Mais personne ne nous croira. On nous prendra pour deux folles, et on n'aura rien de plus.

- Alors il me faudra trouver un moyen d'amener des preuves à ce que tu m'as raconté.

- C'est impossible.

- Si, je chercherai et je trouverai. Je vengerai Wendy, Jane et Alie.

- Comment ?

- Tu comptes m'aider, Andie ?

- T'aider ?

- Oui. Tu veux venger Jane, tu veux te venger de cet homme, ce père criminel ?

- Bien sûr.

- Alors ne pose pas de questions. Tu feras juste ce que je te dirai au bon moment.

- Mais je ne comprends pas comment...

- Ce que tu me dis est vrai. Je te crois. Alors, puisque je sais la vérité maintenant, j'ai toutes les cartes en main. Dès que j'aurais élucidé les quelques détails obscures restants de cette histoire, nous pourrons montrer à tout le monde que nous avons raison.

- Et où trouver ces fameux détails ?

- Dans la villa.

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