8. Retour à la « Villa Carmin »
La Baule-les-Pins
« Villa Carmin », la demeure familiale des Forquin, située à quelques encâblures de l’océan. Son jardin chamarré est toujours aussi méticuleusement entretenu, même dix ans après le décès du père d’Élodie. Costarelli se souvient s’être rendu en catimini à ses obsèques, dans l’espoir vain de la revoir. Contrairement à sa mère, ex-épouse bafouée, la jolie rousse n’avait probablement pas pardonné l’incartade qui avait fait voler en éclats le mariage de ses parents et l’avait contrainte à tirer un trait sur sa jeunesse dorée, insouciante.
Sur l’amour qui l’avait liée à Cédric aussi...
Les souvenirs du policier sont encore vivaces, à fleur de peau, et l’émotion toujours intacte malgré les années qui se sont écoulées. A chaque fois qu’il passait à proximité de la « Villa Carmin », l’envie de revenir sur les traces de son passé en en poussant la grille le titillait, mais la crainte d’apercevoir un quelconque témoin de sa curiosité, aussi nostalgique que déplacée, derrière le voilage opaque d’une fenêtre, l’a toujours empêché de franchir le pas. Jusqu’à aujourd’hui. Car aujourd’hui, il a le prétexte de l’enquête pour lui...
Dans la cour pavée de la paisible propriété, un minispace parisien jouxte le chêne centenaire sur lequel Élodie et lui avaient gravé au couteau leurs prénoms entrelacés dans un cœur-symbole. Tandis que Costarelli se perd dans son passé sous le regard intrigué du lieutenant Audrey Thévenet, l’équipe d’enquêteurs, assistée d’une brigade, se déploie dans l’immensité arborée du jardin. Une perquisition a été mandatée pour essayer de comprendre ce que la propriétaire des lieux pouvait bien faire sur la plage voisine à trois heures et demi du matin la nuit de la Saint-Valentin, horaire présumé de son décès d’après les premières conclusions du légiste. Un rendez-vous galant, clandestin ? Une insomnie chronique, une errance nocturne sous emprise alcoolique, un trafic de stupéfiants ? Toutes ces questions tournent en boucle dans l’esprit de Costa, et rien ne semble cadrer avec l’Élodie qu’il a connue auparavant. Il a du mal à l’imaginer différente de la jeune femme qui l’a quitté adolescente. Lui la voit toujours comme avant : rouquine sexy, enjouée et pleine de vie. Telle qu’elle était il y a vingt ans.
— Les voilà !
Odette Maupin, septuagénaire et proche résidente du quartier, agite un trousseau de clés sous le nez de Costarelli, l’arrachant ainsi à ses réflexions intimes.
— Parfait Madame, vous pouvez nous ouvrir ?
— Oui, bien sûr… Mon Dieu, quelle tragédie ! Mais quelle tragédie !
Sous la marquise, la dame s’affaire, tremblotante, sur la serrure, et après une poignée de secondes, parvient finalement à en venir à bout. La porte s’entrouvre, les scellés posés à la demande du capitaine se rompent et dégagent l’entrée sur le vestibule. La brigade et l’équipe d’enquêteurs s’y engouffrent.
— Vous connaissiez bien Madame Hatkins ?
— Élodie ? Ben oui, pensez donc, je l’ai connue toute môme… J’habite la maison juste à côté, donc je l’ai vue grandir, jusqu’à ce qu’elle parte s’installer sur Paris avec sa mère. A l’issue du divorce des Forquin, Monsieur a bien continué à occuper la villa, mais elle n’est jamais revenue de son vivant. C’est à la mort de son père qu’elle en a hérité.
L’enquête de voisinage n’ayant été, jusqu’à présent, guère fructueuse, Costarelli en profite pour pousser sa chance en poursuivant son investigation informelle, son interlocutrice étant plutôt encline à s’épancher.
— Et elle y séjournait souvent ?
— Non, jamais. Quand elle revenait au pays, elle avait pour habitude de louer une chambre d’hôtel. Elle ne parvenait ni à franchir le seuil de ce qui fut sa demeure, ni à se résoudre à la vendre. Le poids des souvenirs sans doute… Enfin, toujours est-il qu’elle me payait pour entretenir l’intérieur en son absence, avec des consignes très strictes, et employait ponctuellement un jardinier pour les extérieurs. C’est pour ça que j’ai été très surprise d’apprendre, lors de son dernier coup de fil fin janvier, son intention de l’habiter quelque temps...
— Elle venait toujours seule ?
— Seule, oui. Élodie était plutôt solitaire et discrète.
— N’était-elle pas mariée ?
— Si, mais lui, je ne l’ai jamais rencontré. Elle en parlait d’ailleurs assez peu. Je crois qu’il tient une boutique d’antiquités dans le quartier du Marais, à Paris.
— Des enfants ?
Le ton du capitaine est plus sec qu’il ne l’aurait souhaité pour évoquer cette épineuse question qui le touche particulièrement puisque étroitement liée à sa rupture avec Élodie. Néanmoins, Odette Maupin ne paraît pas s’en formaliser.
— Non. C’est un sujet qu’elle n’abordait jamais. Ni enfants ni animaux...
Annotations
Versions