Chapitre 11: Attrapé
Matt
Abasourdi, je mis un petit moment avant d’accepter qu’Alex Lecomte, que j’avais évité toute la semaine, se tenait réellement devant moi. Il rayonnait avec la lumière du soleil qui semblait le couvrir tel un manteau de diamants et me souriait ingénument. Mon coeur, pourtant averti de la dangerosité de son contact, battait tellement fort que j’avais l’impression qu’il allait s’échapper de mon corps. Je dois bien l’avouer, son apparition me réchauffait, malgré le vent de novembre son magnifique sourire me faisait fondre.
« Bah alors, tu es tellement surpris de me voir que tu en restes figé ? rit-t-il aux éclats.
Je me ressaisis avec hâte et essayai, malgré mon excitation, d’afficher un visage calme et assuré.
— Qu’est-ce que tu fais là ? demandai-je d’un ton froid espérant le blesser afin qu’il me laisse enfin tranquille.
— Je te cherchais, répondit-il sans se démonter. Il maintint son regard et haussa les épaules. Tu n’as pas arrêté de m’éviter cette semaine ! renchérit-il.
Je pouvais lire dans son regard un certain malaise, mais bizarrement, sa voix ne tremblait pas. Je décidai alors de le repousser complètement, de l’obliger à abandonner. Mon coeur se serra à l’idée.
— Si je t’ai évité ça signifie ce que ça signifie ! annonçai-je d’un ton aigre.
Ce que je venais de lui balancer à la figure semblait l’avoir un peu ébranlé, mais il ne bougeait toujours pas de devant moi.
— C’est justement parce que je ne comprends pas ton comportement que je suis venu demander des explications ! épilogua-t-il d’un souffle. J’ai essayé de me mettre à ta place mais je n’ai pas pu trouver de réponses.
— Il n’y a rien à répondre, c’est comme ça ! dis-je d’un ton cinglant.
Je me détestais d’être aussi horrible avec lui, mais il le fallait, pour son bien. Son bien ? Une petite ampoule s’alluma dans un coin de ma tête. Était-ce vraiment pour son bien que je faisais tout ça ? Non c’était pour le mien ! Mais était ce vraiment me faire du bien que de m’éloigner de la seule personne qui pouvait me faire ressentir du plaisir dans ce monde qui était le mien ? Mon cerveau se trouvait en pause et je n’arrivais pas à prendre parti.
— Désolé, mais je ne crois pas t’avoir fait du tort pour que tu te comportes ainsi. Et c’est blessant pour moi, m’informa-t-il.
Je relevai la tête pour plonger mes yeux dans les siens. Blessé ? Il a dit que c’était blessant ? Mon coeur se crispa sous le coup de l’émotion. Je pensais avoir mal entendu, mais j’avais bien entendu.
— De toute façon, je ne te lâcherais pas tant que tu ne me donneras pas une bonne excuse ! Je suis comme ça et il faudra t’y faire ! m’indiqua-t-il avec conviction.
Ses paroles me firent immédiatement de l’effet. Je sentis le rouge me monter aux joues. C’était pas croyable, je n’avais jamais rencontré quelqu’un comme lui. Je l’ignore toute une semaine, refuse de lui parler, ni de lui donner d’explications et le mec s’accroche encore.
— Tu sais qu’il y a quelques semaines, on ne se connaissait pas plus que ça, c’était un hasard de se rencontrer à l’aire de jeu et je vous ai accompagnés parce que je n’avais rien à faire ce jour-là, lâchai-je.
— Oui, mais… commença-t-il
Il réfléchit un moment et une expression d’allégresse apparut sur son visage.
— Ose me dire en me regardant dans les yeux que tu ne t’es pas amusé avec moi ! » me balança-t-il au visage.
Je le regardai avec des yeux de merlan frit, je n’en croyais pas mes oreilles. Il m’était évidemment impossible de lui répliquer ça, j’avais déjà du mal à soutenir son regard sans rougir alors lui dire que je ne m’étais pas amusé alors que je mourrais d’envie que cette journée ne se finisse jamais, était mission impossible. Je me raclai la gorge et baissai alors les yeux, ne sachant pas quoi dire ou comment me comporter. Apparemment ma réponse corporelle lui suffit et il se mit à rire à coeur ouvert et s’assit à côté de moi, enjoué et satisfait. Sans que je m’y attende, il passa un bras derrière mon épaule et m’obligea à m’allonger par terre avec lui. J’essayai de me débattre mais c’était plus en signe de protestation car je ne mis pas vraiment de grande volonté pour l’empêcher de manipuler mon corps et mon coeur ainsi. Nous restâmes un moment allongés sans rien dire, écoutant nos battements de coeurs et la nature.
« Si tu ne veux pas m’expliquer ton comportement je ne te forcerais pas, brisa-t-il le silence soudainement, mais tu dois me promettre de ne plus m’éviter tant que tu ne m’auras pas donné une réponse convaincante.
Il s’était tourné vers moi et me regardait intensément. Je soupirai sans me cacher et me tournai vers lui. Nos visages se faisaient face et on aurait pu à peine y glisser un cahier entre. À ma grande surprise, il me présenta son auriculaire plié et avec un sourire malicieux me demanda de sceller notre promesse. Je me mis à rire devant son air de galopin et vins entourer son auriculaire avec le mien. Radieux, il passa sa main dans ma tignasse et me tapota la tête comme une mère le ferait avec son enfant. Je fis la moue, n’aimant pas que l’on me prenne pour un gosse et lui donnai un coup dans le ventre de manière affectueuse qu’il me rendit aussitôt. Nous rîmes aux éclats tellement nous étions contents de nous retrouver, ma peur et mon inquiétude s‘étaient envolées depuis qu’il était apparu devant moi et je me réjouis d’y avoir encore succombé. Un bruit attira mon attention ; c’était son ventre qui faisait des siennes. Il se tint le ventre gêné par les bruits horribles que laissait entendre son estomac.
— Tu as à manger ? lui demandai-je sérieusement.
— Je n’y ai pas pensé, révéla-t-il. J’étais trop concentré sur un plan pour te coincer que je n’ai pas pensé à apporter à manger.
Mon visage s’attendrit et je sortis mon « bento » de mon sac.
— On peut partager, j’en ai trop fait ce matin, proposai-je.
Ses yeux s’illuminèrent suite à cette proposition. Il semblait d’abord gêné puis après réflexion s’abandonna à la nourriture. Je me félicitai d’avoir eu la main lourde ce matin et regardai affectueusement l’élu de mon coeur dévorer le repas que j’avais confectionné. Une fois rassasié, nous passâmes le reste du temps de midi à discuter de choses futiles de la vie.
Alex
19H – Je posai mon sac de cours sur mon bureau et m’allongeai sur le ventre sur mon lit. J’étais exténué et j’avais bien besoin de dormir. Fallait dire que ma semaine avait été un enfer. J’avais tellement été frustré par le comportement incompréhensible de Matt que je n’avais pas bien réussi à dormir. En y réfléchissant, cela ne m’était jamais arrivé de toute de ma vie de m’en faire pour quelqu’un à part pour ma famille toute une semaine s’il ne venait pas à me répondre. Généralement, je ne cherchais pas à en savoir plus et j’abandonnais assez vite, mais son petit manège m’avait profondément agité. Je repensai à son air ahuri quand je l’avais piégé ce midi et me félicitai d’avoir réussi à atteindre mon but bien qu’il ne m’ait expliqué la raison. Enfin, je m’en fichais pas mal vu qu’on se reparlait comme le jour dernier. Je ne m’expliquais toujours pas cet attachement que j’avais envers lui mais ce qui était sûr c’était qu’il ne pouvait pas m’échapper.
***
7H – Je m’étais tellement couché tôt hier soir que le réveil pourtant matinal s’était déroulé en douceur. Je m’étirai de tout mon long et me glissai hors des draps avec légèreté. Je n’avais rien de prévu aujourd’hui sauf une fête qui se déroulait chez Thim le soir. Je décidai alors d’aller courir et de faire mes devoirs en rentrant pour me libérer le samedi aprem et le dimanche. Juliette m’avait prévenue qu’elle serait chez sa meilleure amie et qu’on ne pourrait pas se voir. De toute façon, je l’avais vue la semaine dernière, donc cela ne m’avait pas paru tragique que l’on ne se voit pas ce weekend. Nos moments passés ensemble me plaisaient bien mais je ne ressentais pas cette envie de la voir tous les jours. Les filles étaient d’une telle complexité et tellement mystérieuses que parfois elles m’effrayaient. C’est pourtant ce mystère qui faisait craquer tous les garçons et dont on ne pouvait résister sans se brûler les ailes. Je sortis de ma torpeur et m’habillai en conséquences car ce matin l’air était très froid et si je ne faisais pas attention je pourrais geler sur place. J’attrapai mes écouteurs et les glissai dans ma poche de jogging avant de prendre la direction de l’escalier. Je retrouvai comme à leur habitude mes deux parents, ma mère était en train de préparer le petit-déjeuner et mon père la distrayait avec ses blagues et ses mots doux à son encontre auxquels elle répondait amoureusement. Je les saluai de loin, un sourire en coin et sortis affronter l’extérieur. J’allumai mon portable et glissai mes écouteurs dans mes oreilles. Je choisis une playlist qui regroupait des musiques entraînantes pour me motiver et m’étirai en musique. Une fois échauffé, je partis lentement puis accélérai quand j’atteignis la sortie de mon quartier. Je pris la direction du terrain de basket et me mis à fredonner pour me donner du courage malgré ce froid glacial. J’arrivai au bout d’une demi-heure et fus surpris d’apercevoir une silhouette allongée dans l’herbe par ce froid de canard et cette heure matinale. Je m’approchai doucement, poussé par ma curiosité qui me perdrait – je le sais – un jour et mes yeux faillirent sortir de leur orbite quand je reconnus le garçon qui dormait dans l’herbe fraîche. La cause de toutes mes inquiétudes de la semaine était étendue devant moi. Je m’étonnai de le trouver allongé dans un tel lieu et ne pus détourner les yeux de lui, admirant la moindre parcelle de son corps ; sa chevelure, les contours de son visage, ses yeux, son nez, sa bouche, ses lèvres… !!! Je fus pris de stupeur à mon encontre et secouai la tête comme pour effacer le comportement indécent que je venais d’avoir. Je décidais alors de m’asseoir à côté de lui pour lui tenir compagnie car il dormait si bien que je ne voulais pas le réveiller. Je me sentais tellement bien que je ne voulais pas bouger et m’allongeai de tout mon long. Je ne pus réprimer un frisson quand mon dos rencontra l’herbe froide et m’interroger sur son choix de lieu pour dormir mais j’abandonnais très vite car ce garçon était une vraie énigme que je voulais à tout prix résoudre. Je passai donc mon temps à fredonner les chansons de ma playlist et parfois à jeter des coups d’oeil au dormeur pour voir s’il s’était réveillé entre temps. Mais il dormait si bien que même un séisme n’aurait pu le réveiller. Tout à coup, mon portable vibra me rappelant à la réalité. Ma mère me demandait quand je rentrais et je lui répondis que je n’allais pas tarder. J’eus un pincement au coeur quand je me levai pour partir. Soudain, Matt éternua et se replia sur lui-même. Après un petit rire, je jugea préférable de lui laisser ma veste de survêtement. Je me déshabillai et déposai délicatement sur son corps mon vêtement. C’est à ce moment que je me rappelai alors que j’adorais quand il était gêné et je décidai de le prendre en photo et de le lui envoyer. Aussitôt pensé, aussitôt fait. Je lui envoyai la photo accompagnée d’un petit message : N’oublie pas de me rendre ma veste la marmotte ! Satisfait, je partis et regagnai mon domicile le coeur léger.
***
10H30 – J’étais assis dans ma chambre devant un devoir de mathématiques quand un message me tira de ma rêverie. Je ne pus restreindre ma joie quand je vis de qui il provenait. Le message était simple et m’indiquait qu’il me la ramènerait sans faute lundi et me souhaitait bonne journée. Confus et déçu par cette simple réponse, je décidai alors de l’appeler. Il laissa au moins passer quatre sonneries avant de décrocher. Sa voix tremblante qui sortait du portable me fit mourir de rire.
« Oui… tu n’as pas reçu mon message ? balbutia-t-il.
Je mis un petit moment avant de lui répondre.
— Oui, mais la réponse ne me convient pas parfaitement, dis-je pour le piéger.
Je l’entendis bredouiller et paniquer. Je me mis à rire fort pour le détendre et ajoutai
— J’aurais préféré entendre ta réponse avec ta voix pas un message alors que je suis resté avec toi te tenir compagnie malgré le fait que tu dormais et t’ai même laissé ma veste, éclaircis-je d’une voix neutre.
— Tu aurais dû me réveiller si tu es resté aussi longtemps, se plaignit-il d’une voix fluette que je ne lui connaissais pas.
— Ça aurait gâché mon plaisir, tu étais si mignon endormi, plaisantai-je.
Le silence.
— Allo, tu es toujours là ? Demandai-je interrogateur.
Normalement, on s’offusque de suite après une telle affirmation, décrétai-je. Le silence me gênait plus qu’autre chose et je décidai de changer de conversation.
— Tu fais quoi ce soir ? lui demandai-je.
Il mit un certain temps avant de me répondre.
— Pas grand-chose je pense… me répondit-il sans grande conviction dans la voix.
Je réfléchis et une idée de génie me vint. Je trouvais ça dommage qu’il soit seul un samedi soir et je n’avais pas envie de le laisser seul.
— Ok, dans ce cas je viendrais te chercher et on va sortir s’amuser ! lui annonçai-je.
— Quoi ? s’écria-t-il.
— Bah oui, comme ça tu me rends mon survêtement en même temps, on fait d’une pierre deux coups » rigolai-je.
Il prit son temps avant de me répondre et je poussai un cri de joie quand il accepta. À sa demande, je devais le retrouver à 20H au terrain de basket. J’insistai pour le retrouver chez lui, mais il me fit comprendre que ce n’était pas possible et je ne cherchai pas plus loin, j’étais déjà surexcité de le retrouver ce soir. Je raccrochai et envoyai un message à Thim pour lui annoncer que j’avais un imprévu et retournai à mes devoirs.
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