Chapitre 26 : La détresse de Matt

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Matt

« Mr Henri…. Mr Henri…. m’appela la voix de mon professeur de mathématiques avec agacement.

Je sortis de ma torpeur et fixai sans grande énergie les yeux explosifs de l’homme qui se tenait devant moi.

— Vous pouvez nous répéter ce que je viens d’expliquer ? demanda-t-il d’un ton sec.

Mes yeux se posèrent sur les calculs qui ornaient le tableau de classe. Je n’aurais eu aucune difficulté à lui expliquer la leçon qu’il venait de nous apprendre mais je n’en avais pas l’envie ni la force. Je préférai alors hausser les épaules et retourner à ma rêverie. Un bruit assourdissant me fit sursauter et je faillis me mordre la langue de surprise. Mr Thénor venait de frapper avec violence, de la paume de la main, ma table.

— Puisque le cours ne vous intéresse pas… se reprit-il avec difficulté, dehors… » me cracha-t-il au visage.

Sans expression, je me levai et attrapai mon sac de cours. Sur mon passage, les élèves n’arrêtaient pas de chuchoter tout en me pointant du doigt. Je fis mine de ne pas les remarquer et sortis sans demander mon reste.

***

Je pris le chemin du potager et me couchai sur le banc. Le soleil de juin me brûlait les yeux mais je choisis de les laisser entre-ouverts. Je ne m’en faisais pas car le précédent scénario était devenu mon rituel. Je n’arrivais plus à faire semblant d’écouter en classe et tout me laissait de marbre. Les mauvais comportements, tout comme les mauvaises notes faisaient partis depuis un mois de ma pauvre existence. À quoi bon écouter en classe des cours que je connaissais déjà. Les examens du troisième trimestre approchaient à grands pas mais je m’en fichais pas mal. Personne n’allait me féliciter pour une bonne note ni me sermonner si j’en ramenais une mauvaise. Je décidai alors de fermer les yeux pour me reposer un peu puisque la soirée d’hier avait été éprouvante. Mon père continuait de me malmener mais avec moins de violence, il avait peur sans doute d’être découvert, pensai-je. Un craquement de branches me fit me lever à toute vitesse :

« Alex… balbutiai-je avant de réaliser qu’un chat venait de marcher sur une branche.

Abasourdi par ma propre réaction je ne pus m’empêcher d’éclater de rire. Pourquoi espérai-je encore le voir arriver alors que je l’avais repoussé de la pire façon possible. Il avait passé les deux mois à m’éviter tout comme je me l’étais imposé aussi. Un pincement au coeur me fit me sentir mal. Je secouai alors la tête pour effacer toute trace d’Alex de ma tête et scrutai l’horizon pour penser à autre chose. Encore un an et un mois pensai-je, puis je pourrais me barrer… mais pour aller où ? me demanda une petite voix dans ma tête. Je ris de désespoir et me laissai sombrer dans mes pires cauchemars.

***

18H – Je poussai la porte de l’appartement et trouvai avec grande surprise une femme assise sur le canapé du salon. Elle me regardait avec intérêt et me fit un petit geste pour que je m’approche. Je décidai alors de l’ignorer pour mon plus grand bien et me dirigeai vers ma chambre. Un sourire se dessina sur son visage :

« Tu es un vrai petit effronté, me lança-t-elle sans retenue.

Je me figeai à ces mots et me retournai avec dédain.

— C’est l’hôpital qui se fout de la charité, lui envoyai-je dans la tête.

Cette femme venait à l’appartement depuis un mois et demi et je ne pouvais me résoudre à l’apprécier. Elle avait assisté à un déchainement de colère de la part de mon paternel le soir où il avait appris que j’avais séché les cours toute la journée et n’avait pas bougé le moindre petit doigt. Bizarrement, ce spectacle lui procurait un tel plaisir qu’elle avait essayé de me draguer pour rejeter la faute sur ma pauvre personne. Dommage pour elle, je ne suis pas intéressé par les filles, encore moins par les vieilles de son âge. De toute façon, mon père lui donnait toujours raison, il s’était entiché de cette femme et n’avait d’yeux que pour elle.

Elle me regarda avec amusement et s’approcha de moi gracieusement. Je fis un pas en arrière et fermai alors les yeux quand sa main ébouriffa ma chevelure.

— Ne me touche pas, m’écriai-je paniqué.

Elle me toisa et posa une main sur ses hanches.

— Tu es pas croyable, me répondit-elle en sifflant. Moi qui voulait que tout se passe bien entre nous, dit-elle ironiquement.

Avec violence, elle attrapa mon maigre bras et me tira vers elle de toutes ses forces. Surpris, je ne pus lui résister et tombai sur le canapé. Je voulus me relever mais elle plaça une main contre mon épaule gauche et son genou gauche entre mes jambes. Je lui lançai alors un regard noir et un frisson parcourut ma colonne vertébrale quand je la vis se délecter de cette situation.

— Si mon père nous trouve dans cette position ce n’est pas moi qui vais me prendre sa colère mais vous, l’avertis-je tout en essayant de cacher ma peur derrière un grand sourire.

— Rira bien qui rira le dernier, sourit-elle de toutes ses dents.

Je haussai alors le sourcil gauche sans comprendre où elle voulait en venir. Dans cette position, je ne pouvais en aucunement être coupable même aux yeux de l’homme qui me détestait de tout son être.

— Poussez-vous voulez vous ? la suppliai-je tout en la repoussant, mais mon corps n’étant pas très nourri ces derniers temps, je n’avais aucune force.

J’abandonnai alors toute idée de la raisonner et relâchai alors tous les membres de mon corps. Devant ma subite résignation, elle relâcha un peu sa prise et commença à me caresser la joue du bout des doigts. Je frissonnai à chaque contact et détournai alors les yeux de son regard persistant. Je ne devais pas rentrer dans son jeu et m’énerver car cela allait se retourner contre moi. Elle m’attrapa les cheveux et commença à me donner de petites tapes sur les joues. Je m’efforçai avec bien de mal de ne pas réagir. Mon père n’allait pas tarder à rentrer, je devais tenir, tenir comme je le pouvais.

— Tu n’es pas drôle… s’indigna-t-elle.

Une lueur vive passa dans ses yeux et elle se mit à ricaner. Devant mon air déconfit, elle déboutonna lentement sont chemiser et ouvrit la fermeture de sa jupe. Paniqué, je ne pus m’empêcher d’attraper l’un de ses bras que je relâchai à la hâte. Avec un air satisfait vissé sur le visage, elle approcha lentement son visage de mon oreille. Elle souffla dedans et je frissonnai alors à son contact.

— J’ai appris une histoire hier soir, me susurra-t-elle tendrement dans l’oreille.

Je ne répondis pas et essayai toujours de ne pas céder à ses provocations.

— Tu veux que je te la raconte ? murmura-t-elle tout en ricanant.

Sans attendre ma réponse, elle recula légèrement sa tête de la mienne et s’éclaircit la voix.

— C’est l’histoire d’une femme qui avait tout pour être heureuse. Un homme chéri, et un fils. Elle était très intelligente… elle prit une profonde inspiration et son regard changea du tout au tout… et pourtant cette sale oie fut tuée par son propre fils devant les yeux de son mari ! s’exclama-t-elle avec agressivité.

Mon sang ne fit qu’un tour et j’empoignai alors son poignet et commençai à le lui tordre avec force. Malgré la douleur, elle continua sur sa lancée.

— Et tu connais la meilleure ? Ce fils qui a causé sa mort n’est qu’un sale pd, me lança-t-elle au visage avec hargne, et oui une pauvre « tarlouze » ! me cracha-t-elle au visage sans retenue.

Mon sang bouillonnait et ma tête allait bientôt exploser. Je mordis tellement fort ma lèvre inférieure pour ne pas lui exploser la tête que le sang commença à couler abondamment. Satisfaite de ma réaction, elle empoigna une touffe de mes cheveux et colla son visage si près du mien que j’aurais pu lui donner un coup de tête.

— Pourquoi vis-tu ? Pourquoi continue-tu de vivre ? m’acheva-t-elle avec cruauté.

Un rire glacial s’échappa de ses lèvres et je ne pus me contenir. Je la fis basculer sur le canapé avec violence et levai alors la main pour la faire taire définitivement. Soudain, l’image du visage d’Alex apparut dans mon esprit et j’arrêtai in extremis mon geste qui m’aurait pu être fatal. Je pris une grande inspiration et regardai avec pitié la femme qui se trouvait en dessous de moi. Elle avait fermé les yeux et les ouvrit avec peur quand le coup se fit tard.

— Oh tu sais te contrôler malgré tout ce que je t’ai dit, s’étonna-t-elle avec dépit.

— Je ne suis pas comme toi, répondis-je avec mépris.

— Dommage pour toi, tu vas regretter de t’être arrêté crois-moi, m’avertit-elle avec jubilation.

— Qu’est-ce que tu racontes… ? m’inquiétai-je en me relevant.

— J’ai gagné ! » triompha-t-elle sans retenue.

Elle attrapa ma chemise sans crier garde et avec l’élan je tombai de tout mon long sur son corps. Un bruit de serrure me glaça le sang et mes yeux se jetèrent avec épouvante sur la silhouette qui se trouvait sur le pas de la porte. Je voulais me justifier mais les mots se bloquèrent au fond de ma gorge. D’un pas décidé, il s’approcha de nous tandis que je me relevai avec grande peine. Il m’attrapa par le col et m’envoya un énorme coup dans le ventre qui me coupa le souffle et me laissa pour mort à terre. Les larmes coulaient le long de mes joues mais je ne pus savoir si elles étaient dues au coup que venait de me mettre mon père ou bien l’amertume qui se trouvait au fond de mon coeur. Mon père s’empressa d’aider la garce et la mena jusqu’à sa chambre. Après quelques minutes de silence, il ressortit avec fureur de la chambre et je ne pus que me protéger le visage devant une telle violence et rage de coups.


Juliette

Cela faisait une semaine que Matt, mon voisin de classe, n’avait pas remis les pieds à l’école. Depuis qu’il ne traînait plus avec la bande d’Alex son comportement avait changé du tout au tout. Depuis la rentrée, j’avais compris qu’il n’était pas trop attaché à l’école et pourtant ses résultats scolaires étaient bons et surtout il avait réussi à entrer dans ce cercle d’amis, lequel j’aspirais tant à rentrer. La jalousie était montée en moi quand Alex m’avait rejetée aussi durement mais après avoir réfléchi à tête reposée j’en étais arrivée à la conclusion qu’il avait sans doute eu une très bonne raison pour le faire. J’avais alors commencé à les observer et les avais trouvés très proches. Mais sans doute que les garçons entre eux se comportent ainsi comme les filles. Je n’avais pas reparlé à Alex mais j‘avais appris par mes parents son comportement récent. Cela m’avait étonnée car il n’était pas le genre à se comporter comme ça. C’était bien la première fois depuis que je le connaissais que je lui savais un tel comportement. J’en avais discuté avec Lisa car cela me chagrinait beaucoup pour ce garçon que j’avais aimé énormément et elle m’avait répondue en rigolant qu’il passait sûrement par un grand chagrin d’amour. Je fus assez estomaquée par sa réponse que je faillis m’étrangler. Mais en y repensant, cela coulait de sens. Devant mon air de panique, elle m’avait assurée qu’elle l’avait dit pour blaguer mais j’avais alors commencé à me demander de qui il avait bien pu tomber amoureux. Et de toute façon, plus j’y pensais et plus les pièces du puzzles s’imbriquaient parfaitement.

10H – Je franchis la porte de la salle de classe avec de grosses cernes sous les yeux. J’avais passé la soirée à réviser pour le partiel de mathématiques mais tout s’était embrouillé dans mon petit cerveau. Lisa me fit un signe de la main et je la rejoignis à grands pas. Je tombai alors dans ses bras et elle m’entoura de ses bras.

« Tu as vu ta tête ! me dit-elle avec amusement.

— Je sais… attestai-je, mais je n’ai pas pu m’empêcher de réviser jusque tard…

— Tu aurais dû dormir, de toute façon les mathématiques ne sont pas fait pour toi » me fit-elle remarquer d’un petit ton espiègle.

Je fis la moue devant sa remarque. Puis nous explosâmes de rire. Le son d’un raclement de chaise me fit me retourner. Matt Henri venait de s’asseoir derrière nous. Nos yeux se croisèrent et je pus décerner un court instant son expression avant qu’il n’enfouisse sa tête dans ses bras. Il ressemblait à un cadavre tellement sa peau était pâle et ses yeux me laissaient croire qu’il avait encore moins dormi que moi la nuit dernière. Je jetai alors un regard inquiet à Lisa qui haussa les épaules pour me dire de le laisser tranquille. Ce garçon était une vraie énigme à lui tout seul.

***

11H30 – Je rendis ma copie de mathématiques en soupirant. – Je crois bien avoir tout raté –. Lisa s’approcha de moi avec un grand sourire et attrapa ma main.

« Alors ? me demanda-t-elle avec prudence.

— Pff, laisse tomber, je crois bien devoir aller aux rattrapages pour les mathématiques. C’était comme une langue étrangère.

Ma meilleure amie explosa de rire et me caressa la tête.

— Au moins tu ne seras pas la seule à y aller, me chuchota-t-elle.

— Comment ça ?

— Toi au moins tu n’as pas rendu une copie blanche, m’informa-t-elle en me montrant du bout de la tête mon voisin de derrière.

J’eus du mal à comprendre où elle voulait en venir et me retournai. Matt Henri n’avait pas bougé de sa position de ce matin. On ne pouvait même pas appeler ça rendre une copie blanche vu qu’il n’avait même pas écris son prénom. Son comportement avait bien changé mais de là à rendre une copie blanche pour un examen cela me laissait assez perplexe. Inquiète je me levai et lui posai la main sur l’épaule.

— Hey, est-ce que ça va ? lui demandai-je soucieuse.

Aucune réponse. Au vu de son état de ce matin, je ne pus cacher mon anxiété, bien que je ne le connaissais pas. Je commençai alors à le secouer de plus en plus fort. Devant un tel manque de réaction, je commençai même à crier. Soudain, le garçon releva la tête. Avec ses yeux aussi livides qu’un mort, je ne pouvais me résoudre à le laisser ici alors que tout le monde était déjà parti.

— Tu devrais passer à l’infirmerie, lui conseillai-je avec attention. Tu n’as pas l’air d’aller bien.

Ses yeux ne montraient aucune réaction. Il se leva difficilement et attrapa son sac resté fermé à ses pieds. Je le regardai partir sans demander son reste. Mais quand je le vis tituber et se raccrocher au bureau sur son chemin je me précipitai vers lui de nouveau. Dans un élan, je plaçai la paume de ma main contre son front et constatai que sa température n’était pas du tout normale. Il recula sous le coup de la surprise et tomba à la renverse puisque ses jambes ne devaient plus le tenir.

— Nous t’accompagnons à l’infirmerie » annonça ma meilleure amie qui connaissait mon caractère envers les personnes en besoin d’aide.

De toute façon, personne dans cette situation n’aurait pu passer sans aider. C’est donc avec difficultés que nous accompagnâmes ce mystérieux garçon à l’infirmerie.

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