10.     Bilan de vie

 

Une fois chez lui, il se jeta sur son lit.

Cherchant à retrouver l’odeur de Clémence, il empoigna l’oreiller sur lequel elle avait dormi et le respira.

Il garda l’oreiller sur son torse, en le serrant. Il ferma les yeux et formula le souhait de la revoir bientôt… Comme il l’avait indiqué à Clémence, il avait peur de ne pas la revoir.

Son expérience amoureuse était parsemée de doutes et de rejets ; Sophie, son ex compagne, lui en avait fait voir de toutes les couleurs, le trompant avec une personne qu’il considérait alors comme un ami, lui mentant en permanence, se jouant de lui, abusant de lui comme de son compte en banque, puis le larguant du jour au lendemain en s’appropriant tout ce qu’ils avaient acheté en commun en changeant les serrures et clés de l’appartement qui était à son nom à elle.

Elle eut la délicatesse de lui envoyer ses affaires personnelles par coursier chez ses parents à lui, là où il avait trouvé à se loger entre-temps.

Il ne voulait pas l’admettre, au début de la relation, il l’aimait, enfin, il aimait l’image idéalisée qu’il avait d’elle. Lorsqu’il eut ravalé son ego, il dut se rendre à l’évidence et fit le constat de l’échec de sa relation et de la duperie dont il avait fait l’objet.

Le constat ne fut pas glorieux, il n’arrivait plus à faire confiance à une femme… Ni à lui-même, à son ressenti, à ses sentiments.

Et un retour chez ses parents à vingt-huit ans, ce n’était pas génial, mais il n’avait rien d’autre. Heureusement, il s’entendait bien avec ses parents et ces derniers étaient contents de le récupérer chez eux, surtout en voyant l’état dans lequel ils l’avaient retrouvé, lui, complètement déprimé, ne mangeant plus et restant seul à broyer du noir durant de longues journées.

Après cela, il avait eu quelque fois des relations sans lendemain, il ne voulait plus s’attacher.

Il était très clair avec ses partenaires ; c’était une histoire d’un soir, sans aucune possibilité d’accrochage. Il ne voulait pas revivre la même histoire qu’avec Sophie.

Au début, cela fonctionnait, porté par sa colère, il semblait s’y retrouver. Mais après un an de ce genre de pratique, il fit un constat de vide, dans son cœur et dans sa vie. Sa confiance en lui s’effrita petit à petit, il ne se considérait plus apte à construire quoi que ce soit avec quelqu’un, même si cela représentait, pour lui un rêve depuis toujours ; être en couple, aimer et être aimé, avoir des enfants, faire des voyages en couple et en famille… Oui, il en rêvait, mais considérait aussi qu’il ne trouverait jamais quelqu’un avec qui réaliser ce genre de choses. Puis, elle croisa son chemin.

Ils se croisèrent effectivement, lors d’un drink de fin d’année de la Haute École dans laquelle ils travaillaient tous les deux.

Leur directrice commune les avait mis en contact parce qu’ils avaient des intérêts et des rôles communs au sein de leurs sections respectives.

Elle venait régulièrement lui poser des questions lorsqu’ils se croisaient, s’ils ne se croisaient pas, elle lui posait des questions par mail… Elle, toujours elle, la motivation venait d’elle.

Il était coincé entre l’étonnement et une forme de peur ; étonné qu’elle semble s’intéresser à lui qui ne cherchait pas à se faire connaître et la peur, une peur un peu spéciale, mêlée d’un certain intérêt… Il se figeait parfois, lorsqu’elle était là, et souvent, il n’osait pas regarder vers elle, il se sentait mal. Mais son cœur battait.

Souvent, lorsqu’elle avait fait le premier pas vers lui, qu’elle était venue lui faire la bise pour lui dire bonjour, il se permettait alors de pouvoir l’interpeller par la suite, toujours pour des histoires professionnelles, mais ces discussions finissaient souvent par des éclats de rire. Ils s’entendaient bien, c’était un fait évident…

Cependant, cela en restait là, à la fin des réunions, des drinks ou autre, chacun repartait de son côté. Souvent, lui, filait très vite, ne voulant pas y croire, tout en espérant qu’elle le poursuive et le rattrape… Ce qu’elle ne faisait pas. Ensuite, il se maudissait d’avoir filé si vite et d’avoir espéré tant de sa part. Elle allait finir par en avoir marre et arrêter ses attentions à son égard.

En fait, inconsciemment, c’était cela qu’il cherchait ; la faire fuir pour ne pas entamer quelque chose avec elle ; le spectre de sa relation avec Sophie planant toujours au-dessus de lui lorsqu’il pensait à concrétiser quelque chose avec elle.

Serait-elle comme Sophie ? Une petite voix intérieure lui posait souvent la question. Te fera-t-elle souffrir ? Te larguera-t-elle quand elle en aura marre de toi ?

Il était tourmenté par cela ces derniers mois. Madison, sa jeune cousine, le repéra et finit par l’interpeller à ce sujet ;

— Eh cousin, tu ne vas pas me dire que tu vas bien là hein ! C’est quoi qui te tourmente ?

— Quelqu’un que j’ai croisé…

— Fille, garçon ?

— Fille, il esquissa un sourire

— Ah une nana, mon cousin se réveille un peu !

— Arrête Madison, c’est voué à l’échec.

— C’est voué où TU le voues à l’échec ?

— Les deux… De toute façon, rien n’arrivera.

— Tu sais que t’es chiant, toi, parfois !

— Parfois seulement ? Il rigola.

— Allez, accouche, raconte-moi tout !

— Et pourquoi donc ?

— Parce que tu m’as soutenu quand j’ai rompu avec Nicolas et que je voudrais te rendre la pareille.

— Tu veux me soutenir dans mon célibat ?

— Mais non, cousin, dans ce que tu pourrais faire avec cette nana qui te turlupine !

Christophe lui raconta en quelques mots ce qui hantait ses pensées, Madison s’attela à tenter d’en savoir plus au sujet de cette Clémence.

Christophe sourit de la voir dépenser autant d’énergie à l’aider dans la recherche d’un bonheur hypothétique.

Au fond, là, maintenant, il l’en remerciait.