12. Le bilan de Clémence
12. Le bilan de Clémence
Clémence n’avait jamais été beaucoup courtisée ; trop bosseuse, sachant ce qu’elle veut, ayant acheté un appartement avec emprunt hypothécaire, seule, à 25 ans, cela en effrayait plus d’un.
Elle concevait le couple comme quelque chose de solide et d’harmonieux. Lorsque François commença à lui tourner autour, elle fut ravie parce qu’elle le trouvait très attirant et se sentait privilégiée d’être l’objet de l’attention d’un homme qui faisait tourner la tête de toutes les filles de la boite où elle travaillait.
Il l’avait subtilement draguée, toujours très respectueux, toujours dans les compliments… Elle était aux anges.
Elle tiqua quand même lorsqu’après quatre mois, il n’avait fait que l’embrasser… Il lui promit plus d’effusion dès qu’ils seraient officiellement ensemble…
Elle tiqua aussi lorsqu’il lui demanda de revendre son appartement pour le jour où ils trouveraient la maison de leurs rêves, dans laquelle gambaderaient leurs enfants. Elle refusa, il la bouda, puis se rabibocha avec elle en lui proposant de venir vivre chez elle…
Il s’installa et changea rapidement une bonne partie de la déco, lui expliquant qu’il avait besoin de se sentir dans son univers. Elle accepta, le trouvant si romantique… Elle déchanta quelques mois plus tard.
Ce qui la perturbait le plus, c’était l’absence de sexualité entre eux deux. Lorsqu’elle amenait le sujet, en étant plus entreprenante ou lorsqu’elle en parlait clairement, il lui répondait souvent « qu’elle ne pensait qu’à ça » ou « qu’il y a d’autres choses dans la vie » ou encore « mais je t’aime, il n’y a que ça qui compte, non ? ».
La première fois où ils avaient eu une relation sexuelle, il était ivre et ne s’était même pas rendu compte qu’il s’agissait de la première fois pour elle, pourtant, elle lui en avait déjà parlé, avant… Il lui avait toujours promis qu’il serait doux et tendre. Il fut rapide et brutal. Montre en main, cela avait duré quatre minutes, pseudo-préliminaires inclus.
Elle avait mis ça sur le compte de l’alcool, le lendemain, il fut très tendre, s’excusant de la veille, lui demandant si elle n’avait pas eu trop mal pour sa première fois. Elle lui pardonna, espérant une nouvelle occasion pour connaître l’amour physique avec lui.
Elle déchanta, en un an et demi de relation, ils n’eurent que douze relations sexuelles, ou plutôt, de coït… Il n’y avait pas de relation.
A chaque fois, François était, si pas ivre, au moins bien imbibé d’alcool. Clémence était à chaque fois mortifiée, espérant mieux que la fois précédente… Oui, elle y croyait encore ! Mais hélas, à chaque fois, elle se sentait méprisée, utilisée, abusée. Il n’y avait pas d’amour de la part de François, malgré ce qu’il avançait à qui voulait l’entendre. Devant des amis, il n’arrêtait pas de dire que Clémence était la femme de sa vie, qu’il n’y avait qu’elle pour le rendre heureux.
Il commença à dire à leurs amis communs qu’ils aimeraient avoir des enfants, mais que hélas Clémence ne semblait pas très fertile alors qu’elle devait être au sommet de ses capacités de conception puisqu’elle n’avait pas encore trente ans… Clémence vit rouge et lui hurla dessus lorsqu’ils furent de retour chez elle ;
— Comment oses-tu me rendre responsable d’une grossesse qui n’arrive pas alors que tu ne me touches même pas François !
— Mais calme-toi Clémence, c’était juste pour meubler la conversation avec les amis.
— Tu « meubles » la conversation avec des choses fausses, en me dénigrant !
— Mais je ne te dénigre pas, je parle des choses de la vie…
— Qu’est-ce que tu connais des choses de la vie François, tu ne cherches même pas à connaitre celle qui dort avec toi !
— Mais tu fais chier Clémence… Quoi, t’as tes règles ?
— Non, je n’ai pas mes règles, je cherche juste à ce que tu me respectes, ce que tu sembles incapable de faire !
— Arrête de faire ton hystérique comme ta sœur qui n’arrive pas à tenir un mouflet dans son ventre, tu me les casses !
— Eh bien casses-toi François !
— Oui, bonne idée, je vais aller respirer ailleurs qu’ici, j’étouffe !
Il quitta l’appartement et fila chez une de ses amies, chez qui il passa la nuit.
Ce genre de disputes se répéta les jours et semaines suivantes, à chaque fois, il trouvait refuge chez cette amie commune, Samantha, qui entre-temps était devenue sa maîtresse.
Un jour, Samantha, qui déjeunait avec Clémence, lâcha le morceau ;
— Mais Clémence, je ne comprends pas, pourquoi est-ce que cela ne va pas entre François et toi ?
— Écoute Samantha, c’est de l’ordre du privé, je ne pense pas que François apprécierait que j’en parle.
— Tu sais… Il m’en parle, il t’aime…
— Ah oui, et il te parle de quoi ? Dis-le-moi, si monsieur accepte de parler de ses travers, cela change tout !
— Ses travers ? Non, il me dit que tu n’es pas bien par rapport aux fausses-couches de ta sœur et que cela espace vos rencontres pour faire vous-même un bébé…
Samantha arrêta de parler, voyant la mine ébahie de Clémence qui souffla,
— Quoi ?!
— Euh, oui… Il dit que vous voulez faire un bébé…
— Et il te raconte ça dans quel cadre Sam ? Pourrais-tu m’expliquer ?
Samantha fut embêtée, n’osant pas répondre qu’elle avait reçu ce genre de confidence sur l’oreiller.
— Allez, dis-moi Sam… Je suis prête à tout entendre !
— Clémence, nous sommes amies… Je ne voudrais pas…
— Tu ne voudrais pas quoi ? Bousiller notre amitié ?
— Oui, c’est ça.
— J’aimerais savoir… Je crois que je ne peux pas tomber plus bas.
— Il t’aime Clémence… J’en suis parfois jalouse, j’aimerais qu’il m’aime un dixième de ce qu’il t’aime et je serais heureuse.
Clémence ne répondit rien, elle tentait de contenir sa colère et attendait que Samantha lui lâche le morceau, elle soupçonnait depuis quelque temps qu’il y avait une « autre », elle avait juste espéré qu’il ne s’agissait pas de celle qu’elle considérait comme une amie. Devant l’attitude de Clémence, elle finit par lâcher ;
— Nous avons couché ensemble.
— Et… C’était bien ?
— Euh… Oui, pourquoi cette question ?
— Il était sobre ?
— Oui, mais pourquoi cette question ? Je viens de t’avouer que j’ai couché avec ton mec… Je m’attendais à ce que tu me hurles dessus Clémence.
Clémence sentait la colère monter en elle, mais tenta de garder la tête froide et continua ses investigations.
— Vous l’avez fait souvent depuis ces derniers cinq ou six mois ?
— Euh, oui, chaque fois qu’il venait chez moi, après une dispute… Tu… Tu le savais ?
— Il t’a fait jouir ?
— Mais Clémence….
— Ho, vas-y hein, fait pas ta mijaurée Sam, s’il te plaît ! Réponds, t’a-t-il fait jouir, a-t-il pris son temps pour te découvrir, découvrir ton corps ?
— Oui, je trouve que c’est un bon amant.
Samantha était dans ses petits souliers, honteuse devant son amie. Clémence écrasa une larme au coin de l’œil, soupira longuement puis déclara,
— Eh bien, Samantha, j’en suis heureuse pour toi et dis-toi que tu as une meilleure connaissance charnelle de François que moi.
— Quoi ? Clémence, je ne comprends pas…
— Samantha, tu as couché plus souvent que moi avec François, et toi au moins, il cherche à te faire jouir et il est sobre quand il veut coucher avec toi.
— Quoi ? Mais non, il me dit que…
Clémence l’arrêta en frappant son poing sur la table.
— Non, il te ment, je sais encore me souvenir de quand il me touche, mort bourré et qu’il expédie la chose en quatre minutes ou pas hein !
— Mais…
— C’est ça ma réalité, Sam, François est un sale type qui fait jouir sa maîtresse et qui maltraite son officielle !
— J’ai du mal à te croire Clémence…
— Tu fais ce que tu veux de ce que je viens de t’apprendre, et, note, je pense que tu pourras bientôt avoir François rien que pour toi, à temps plein.
— Mais, qu’est-ce que tu vas faire ?
— A ton avis ?
Elle planta Samantha sur place, balançant un billet de 20€ pour régler son repas.
Une fois rentrée chez elle, elle empaqueta rageusement les affaires de François dans des sacs-poubelles et les stocka à proximité de la porte d’entrée.
Lorsque François rentra vers 18h et vit le tas de sacs-poubelles près de l’entrée, il lui demanda ce qu’il se passait, elle lui répondit,
— Eh bien, c’est clair, j’ai rassemblé tes affaires dans des sacs, tu te casses de chez-moi.
— Et pourquoi donc ? C’est quoi cette réaction ? Tu pourrais m’expliquer ?
— J’en ai marre que tu te foutes de moi François, j’en ai marre de ne recevoir que des miettes de ta part, tu ne m’aimes pas, tu n’en as rien à faire de moi, tu n’as jamais eu aucun respect pour moi !
— Mais enfin, pourquoi dis-tu cela ma chérie ?
Comme il s’avançait vers elle, Clémence le maintint à distance en levant la main.
— Demande cela à Samantha, elle au moins elle a le droit de jouir quand tu la baises, tu prends le temps, tu es sobre !
— Mais enfin, arrête, Samantha ce n’est rien, c’est toi que j’aime, elle c’est juste de la baise !
— Eh bien, sache que j’aurais bien aimé être baisée comme elle l’a été François !
— Mais toi, je te respecte !
Outrée, Clémence hurla,
— C’est me respecter que de me sauter dessus mort bourré et de juste faire ta petite affaire ? C’est ça pour toi le respect ?
— Mais je ne comprends pas… Je suis tendre avec toi…
— Oh oui, le lendemain pour te faire pardonner un quasi-viol !
— Mais enfin, tu vas loin Clémence ! Tout de suite les grands mots !
— Ah, mais c’est vrai… T’étais à chaque fois tellement bourré que tu n’entendais pas quand je te demandais d’arrêter tellement tu me faisais mal !
François resta sans voix, visiblement, il cherchait quelque chose à dire, mais cela ne venait pas. Clémence reprit,
— J’ai vraiment été conne d’espérer encore et encore que les choses changeraient, qu’un jour, tu me verrais comme une femme que tu chercherais à combler, qu’on pourrait apprendre, ensemble, à faire l’amour… Puis j’ai compris que tu savais très bien comment faire avec les femmes, Samantha en a bien témoigné ce jour. Depuis le début de notre relation, tu t’es royalement foutu de moi et de mes sentiments, tu n’en as jamais rien eu à faire de ce que je pouvais ressentir.
François regardait ses pieds, puis les sacs, revenant à ses pieds, il finit par dire,
— Écoute, désolé si je n’ai pas pu te rendre heureuse.
— Ta gueule François, tu n’as jamais essayé !
Elle le dépassa et ouvrit la porte, lui indiquant la sortie. François mit du temps à obtempérer, tentant encore d’amadouer Clémence. Elle finit par lui proposer ;
— Tu prends tes affaires ou je les balance par la fenêtre ?
— Ok, c’est bon, je me casse !
— Oui, et va chez Samantha, elle t’attend.
Clémence poussa du pied les sacs qu’il ne sortait pas assez vite à son goût puis lui réclama ses clés.
— Mais enfin Clémence…
— Il est hors de question que tu remettes les pieds ici, c’est aussi simple que cela.
Énervé, il lui donna les dites clés, pestant sur Samantha, marmonnant qu’elle avait ruiné son couple. Clémence réagit ;
— Non François, ne la blâme pas, tu as ruiné ce couple tout seul !
Elle finit par lui claquer la porte au nez.
Une fois qu’elle entendit qu’il avait embarqué le dernier sac, elle s’écroula derrière la porte et pleura toutes les larmes de son corps.
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