34. Alerte pour le couple

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34.     Alerte pour le couple

 

Début avril, Clémence prévu d’organiser une rencontre entre Esther et Christophe. Elle était stressée, elle croisait les doigts pour que cela se passe bien avec sa sœur et que cette dernière l’apprécierait. Leur relation durait depuis bientôt quatre mois… Et cela fonctionnait toujours, ils s’entendaient vraiment bien, à tous niveaux. Elle n’en revenait toujours pas.

Pourtant, quelques semaines auparavant, le jeune couple avait été secoué par une alerte.

Clémence ne prenait plus la pilule depuis sa rupture avec François et avait totalement zappé cette dimension dans sa relation avec Christophe ; ils avaient fait les tests pour arrêter les préservatifs, mais ni l’un ni l’autre n’avait songé aux risques de grossesse.

Clémence eut des craintes lorsqu’elle se fit la réflexion qu’elle n’avait pas encore eu ses menstruations depuis qu’elle était en couple avec Christophe, elle calcula et découvrit qu’elle avait deux bonnes semaines de retard.

Apeurée, elle mit un jour à oser lui en parler. Ses cycles n’ayant jamais été très réguliers et plutôt longs, elle espéra voir ses règles apparaître entre-temps. Ne voyant toujours rien venir de ce côté-là, elle finit par lui lâcher le morceau.

Alors qu’il lisait un bouquin sur le divan, c’est avec une mine grave qu’elle lui dit,

— Christophe, il y a un souci, c’est de ma faute, je crois que je suis enceinte.

Elle se tut, attendit sa réaction. Christophe fronça les sourcils et hocha négativement la tête.

— Qu’est-ce que tu racontes ? Tu ne prends pas la pilule ?

— Ben, non…

— Merde ! Pourquoi tu ne l’as pas dit, on aurait continué les préservatifs ou autre chose… Merde, je pensais que tu la prenais !

— Non, j’avais arrêté depuis la rupture d’avec François et je n’y ai pas pensé pour nous.

— Fait chier, c’est trop tôt ! Non !

Il jeta le bouquin sur la table basse, se prit la tête dans ses mains et se frotta le visage en soufflant.

— Je… Je ne suis pas sure, j’ai du retard…

— Combien ? Lança-t-il d’une façon assez sèche.

— Plus de deux semaines.

Elle continua, d’un ton plus bas, un peu abattue.

— Je m’en occuperais, je ferais ça de mon côté, je ne te causerais pas de souci Christophe.

Elle se leva et voulu se réfugier dans sa chambre, elle sentait des larmes lui monter aux yeux.

— Mais où tu vas Clémence ? On doit en parler, là !

Elle ravala ses larmes et se retourna pour lui dire,

— Je viens de te dire que je m’arrangerais de mon côté, j’irais vérifier et faire ce qu’il faut, le cas échéant.

— Mais non, c’est hors de question !

— Qu’est-ce qui est hors de question ?

Elle hurla sa question, des larmes coulèrent sur ses joues. Elle poursuivit, vivement,

— J’ai fait une connerie, je l’assume, je ne te ferais pas de souci et ce n’est pas encore bon ?

— Non, si t’es enceinte, on l’a fait à deux Clémence.

— Et quoi ? Tu veux participer à la facture de la pilule abortive ? Tu veux que je le garde pour pouvoir me le reprocher toute la vie ? Je n’ai pas envie de ça Christophe !

— Bon, ok, je ne saute pas de joie, mais arrête de faire la victime et de tout prendre sur toi ! Je suis aussi fautif dans l’affaire ; j’aurais dû te poser la question pour la pilule.

Il se reprit la tête dans les mains et se frotta le visage plusieurs fois avant de retrouver un peu de calme. D’une voix posée, il lui dit,

— Bon, on va d’abord vérifier, Clémence.

Vidée, c’est dans un soupir qu’elle lui répondit :

— Je comptais acheter un test de grossesse ce soir, les pharmacies ne sont pas encore fermées.

— Non, j’y vais moi, tu n’es pas en état.

Il se leva et sécha les larmes de Clémence en passant ses pouces sur ses joues.

— On fera face à deux Clémence, je fais un saut à la pharmacie et je te ramène de quoi faire le test demain matin.

Il l’enlaça rapidement puis fila, ne laissant pas à Clémence le temps de réagir.

Dans la demi-heure, il sonna et Clémence actionna l’ouvre porte de l’entrée de l’immeuble.

Elle se sentait vide, elle ne savait plus quoi penser ; elle avait bien vu qu’il ne désirait pas un enfant, là, de suite. Elle était apeurée ; il voulait régler le problème à deux, certes, mais elle avait peur de sa réaction, de ce qu’elle aurait à faire si elle était réellement enceinte, de la façon dont il la considérerait suite à cette mésaventure… 

Elle n’avait pas pensé à une contraception, lui, comme la plupart des hommes, ne s’était pas posé de question à ce sujet.  

C’est une histoire de bonnes femmes lui avait dit François à l’époque, c’est à toi de gérer ça !

Et elle l’avait fait, heureusement, se dit-elle, sinon elle aurait pu tomber enceinte l’une des rares fois où il l’avait touché… Cela l’aurait lié à vie à lui.

Avec Christophe, elle avait espéré que ce soit différent, elle se sentait si bien avec lui. Ils avaient parlé de tout, entre eux. De choses terribles comme de belles choses, mais pas de contraception. Elle aurait dû le faire, y penser au moins… Elle se sentait coupable de ne pas l’avoir fait. Allait-il lui en vouloir ? Allait-il ne plus vouloir d’elle…

Elle laissa les larmes couler sur ses joues.

Christophe toqua à la porte d’entrée de l’appartement, elle lui ouvrit et le découvrit souriant, elle fut interloquée, fronça les sourcils, mais ne sut que dire, il le capta.

— Eh, Clémence, relax, ce n’est pas la fin du monde.

Il entra, déposa un baiser sur son front et lui présenta une petite boite en carton, il était passé chez le pâtissier du coin.

Clémence s’écroula, en pleurs, et lui lança,

— Mais qu’est-ce que tu fais, Christophe ? Il n’y a rien à fêter que je sache.

— Non, mais je n’ai pas envie de voir tout en noir et c’est pour me faire pardonner de ne pas avoir joué mon rôle.

— C'est-à-dire ?

— Bah, la contraception, c’est à deux que ça se passe, non ? Et là, je n’ai pas joué mon rôle, je ne me suis même pas renseigné auprès de toi à ce sujet.

— Et du coup, tu ramènes des petits gâteaux, mais… Le problème n’est pas là ; il réside dans mon utérus. Et j’ai bien vu que tu n’es pas prêt pour ce genre de chose.

Clémence était effarée, elle ne comprenait pas la réaction de Christophe, elle secouait la tête négativement et continuait à pleurer en faisant les cent pas dans le petit hall d’entrée de son appartement.

— Clémence, arrête de parler de « problème » ou de « chose », nous parlons d’une grossesse potentielle, pas d’un problème. Viens.

Il l’emmena dans le salon et la fit s’asseoir. Il fit de même.

— Clémence, il faut qu’on se parle, que chacun dise ce qu’il ressent par rapport à la possibilité de cette grossesse. On fait comme ça depuis le début, entre nous, ça nous a réussi jusqu’à présent, non ? Qu’est-ce que tu en penses, toi ?

Entre deux sanglots, elle lui dit,

— Je ne suis pas prête, c’est trop tôt… Et j’ai peur que tu me voies comme une gourde de ne pas avoir pensé à prendre une contraception.

Il soupira,

— Je suis aussi fautif, j’ai réagi comme le mec macho de base qui pense que c’est à la femme de s’occuper de ça.     

— Beaucoup pensent comme ça, tu sais…

Elle se calma tout doucement, il la tenait contre lui en lui caressant l’épaule.

— Je sais, mais ce n’est pas une raison pour me cacher là derrière, ni pour m’en servir pour ne pas assumer les conséquences de mes actes, Clémence.

— Et toi, tu en penses quoi Christophe? Moi, je ne veux pas d’un bébé « accident », et puis, on se connaît à peine, même si chacun connaît déjà pas mal des démons de l’autre.

— Je trouve aussi que c’est trop tôt, Clémence, j’ai besoin de te connaître plus, avant d’envisager de fonder une famille avec toi.

— Je trouve aussi Christophe.

Sa voix était un peu cassée par les sanglots qu’elle sentait encore monter dans sa gorge.

— Tu feras le test demain matin ?

— Oui, et une prise de sang pour vérifier aussi… Je ne me fie pas entièrement à ces tests, il y a toujours des risques de faux positifs ou faux négatifs.

Un silence se fit, Christophe lui embrassa la tempe et la rapprocha de lui.

— Eh, on va gérer ça ensemble Clémence, quoi qu’il se passe, qu’on découvre et qu’on décide, on fera ça ensemble.

Clémence soupira puis éclata à nouveau en sanglots.

— Clémence, qu’est-ce qu’il se passe ?

— Je m’en veux, Christophe, je m’en veux de ne pas avoir prévu cela.

— Je te l’ai déjà dit, on est deux à ne pas avoir prévu cette possibilité.

— Je crois que j’étais persuadée de ne pas risquer de tomber enceinte… Je me sens mal, par rapport à toi, j’ai peur que tu me voies comme quelqu’un d’irresponsable.

— Arrête ! Tu es loin d’être quelqu’un d’irresponsable Clémence, j’en parlais encore avec ma mère ce weekend. Avec toi, je sais que tu ne me feras jamais de mauvais coups, tu es entière, tu es franche… Mais parfois aussi angoissée, comme maintenant.

— Oui, je suis mal, Christophe, comme je le disais tantôt, je ne veux pas envisager d’avoir un bébé par accident ; je sais trop ce que cela peut donner, j’en suis un ; un bébé non désiré.

Un peu surprit, il lui demanda,

— Et ta sœur ?

— Elle était la première, désirée, elle, et puis moi, je suis arrivée très vite après, trop vite. Ça fait mal quand tu comprends pourquoi tes parents font plus attention à l’autre, ou quand ta propre mère t’explique régulièrement, durant toute ton enfance que « tu n’étais pas prévue au programme, mais qu’on a fait avec ».

— Tu n’en voudrais pas du tout alors, si tu es effectivement enceinte ?

Elle soupira,

— Je ne sais pas Christophe… J’ai du mal à l’envisager, même si je me dis qu’avec toi, je ne serais jamais seule. Cela me réconforte, mais… Je ne sais pas. Je suis un peu perdue, je crois.

Il lui caressa les cheveux puis lui demanda,

— Dis, la tantôt, tu disais que je pourrais te demander de le garder et te le reprocher toute la vie, c’est lié à ton vécu ?

— Oui, je crois… Un enfant, ça lie les parents à vie et quand l’enfant n’est pas désiré, il peut devenir l’objet de reproches, voire de chantage dans le couple de parents.

—  Ça a été ton cas ? Tes parents se servaient de toi dans leurs disputes ?

Elle soupira,

— Oui, par exemple que je suis née parce que mon père ne voulait pas mettre de préservatif après la naissance de ma sœur… Durant leurs disputes, ma mère utilisait cela pour attaquer mon père concernant sa libido. Glorieux hein !

— Pas génial, en effet.

— Et toi, tu étais désiré ?

— Désiré et attendu ; mes parents ont mis cinq ans à m’avoir, ma mère a eu plusieurs fausses-couches avant de me donner naissance. Et ensuite, elle n’a plus pu en avoir ; elle a fait une grosse hémorragie et les médecins ont dû lui enlever l’utérus.

— Oh, pauvre Mathilde… Ma sœur aussi a eu plusieurs fausses-couches avant d’avoir Ludovic, mais elle a encore son utérus.

Après un court silence, elle lui demanda :

— Tu es triste d’être enfant unique Christophe ?

— Non, j’ai plein de cousins et de cousines, heureusement. Et mes parents ne m’ont pas couvé non plus, je crois que cela a bien aidé à ce que je me sente bien.

Dans les bras l’un de l’autre, ils gardèrent le silence tout deux durant quelques minutes.

— J’espère qu’il s’agit d’une fausse alerte, Christophe.

— Je l’espère aussi Clémence, et dans ce cas, il faudra prévoir une contraception, à deux.

— Je pense que je reprendrais la pilule, ou l’anneau… Ou le patch, ou l’implant, comme ça, je n’ai plus à y penser… Je ne sais pas, je devrais voir ça avec mon gynécologue.

— Comme ça, nous serons sûrs et nous pourrons décider d’essayer d’avoir un bébé en temps voulu.

— Oui, ce sera mieux. Quand nous le déciderons, tous les deux.

— Et maintenant, mangeons les tartelettes citron-meringue, elles nous aideront pour les décisions futures.

Clémence retrouva le sourire,

— Un bon petit gueuleton pour tasser tout cela, t’as toujours de ces idées !

Elle posa sa tête sur l’épaule de Christophe qui s’était penché vers la table basse pour prendre la boîte contenant les tartelettes.

— Tiens, bonne dégustation !

— Merci. Je t’aime Christophe.

— Moi aussi Clémence.

 

La nuit même, Clémence se réveilla avec une forte douleur dans le bas ventre, elle fila à la toilette et constata le retour de ses menstruations.

Elle se relâcha complètement sur les toilettes, ses yeux s’emplirent de larmes qu’elle laissa couler sur ses joues. Le poids qu’elle avait sur les épaules, ces dernières vingt-quatre heures, disparu ; elle avait l’impression de pouvoir à nouveau respirer librement.

C’est le cœur plus léger qu’elle se prépara pour le restant de la nuit en cherchant ses protections. Le spectre d’une grossesse non désirée s’éloignait, le problème se réglait de lui-même, il ne tenait plus qu’à elle, maintenant, d’envisager une contraception solide.

De retour dans la chambre, elle se pelotonna contre Christophe qui l’enlaça dans son sommeil. Elle se rendormi rapidement et sereinement.

Au petit matin, Christophe lui caressa l’épaule pour la réveiller, une fois Clémence réveillée, il lui chuchota ;

— Tu n’irais pas faire le test ?

— Hmm non, pas besoin

Elle s’étira et lui sourit, Christophe lui dit, un peu interloqué,

— Comment ça, « pas besoin », tu m’expliques ?

— Oui, j’ai eu mes règles cette nuit. 

Christophe s’écria, soulagé mais un peu inquiet aussi ;

— Ouf ! C’est déjà ça ! Et… Ce sont des règles normales ? Ce n’est pas une fausse couche ?

— Je ne pense pas, c’est comme d’habitude, avec un gros retard.

— Tant mieux… Mais prend quand même rendez-vous pour choisir une contraception. Entretemps, on reprend les préservatifs.

— Oui, pas de soucis, il t’en reste un stock ? Moi j’en ai encore je crois.

— Sinon, j’en rachète, pas de problème !

Il rigola, elle aussi, la tension de la veille était complètement dissipée. Elle lui dit alors,

— Eh bien, maintenant tu vas apprendre à me connaître en période de ragnagna.

— En quoi ?

— En période de ragnagna, pendant mes règles quoi.

— Quoi, tu te transformes en sorcière ?

— Non, je suis à prendre avec des pincettes 24h à 48h avant, j’explose pour un rien.

— Ah, comme hier alors, c’était ça que tu démarrais au quart de tour ?

— Oui, ce devait être ça qui travaillait, j’imagine.

Elle lui ouvrit les bras, il s’installa sur sa poitrine, elle lui caressa les cheveux et lui dit,

— Ce n’est pas tout ça, mais nous allons devoir nous lever pour aller bosser Christophe.

— Hmm, oui, c’est vrai, mais je suis bien où je suis, et je suis tellement rassuré par l’arrivée de tes « ragnagna »… Je savoure l’instant.

Ils finirent par se lever et à reprendre le fil de leur vie. Clémence prit rendez-vous chez le gynécologue et opta pour l’implant qui lui fut posé la semaine suivante.



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