Une femme à sa fenêtre

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 La femme était à sa fenêtre, le regard se perdant dans la rue qui était plus bas. Nombreux étaient les passants qui y circulaient ou s'arrêtaient à l'une ou l'autre boutique, étaient adossés au mur pour fumer... Mais tout ce spectacle ne l'intéressait pas. Au fond d'elle, elle se sentait plus vide que jamais. Cette femme qui, quelques jours plus tôt seulement, était plongée dans une folle histoire d'amour. Mais la trahison avait fait son arrivée soudainement, sans qu'on ne remarque son approche discrète.

 Elle était revenue le matin même d'un long voyage en Allemagne. Elle n'avait d'ailleurs pas encore défait les valises qui se trouvaient toujours dans l'entrée de sa maison de ville. Entassées, elles empêchaient ses voisins -qui étaient également ses amis- de lui rendre visite pour lui souhaiter un bon retour.

 Une tasse de bouillon réchauffait ses mains délicates, malgré la chaleur qui régnait à l'extérieur. Mais elle avait besoin d'un réconfortant. Et elle préférait cela à une bouteille d'alcool. Elle avait laissé ses lunettes rondes et son fidèle feutre sur son bureau. Elle n'avait aucune motivation à noircir les feuilles blanches afin de dessiner le dernier tome de sa série de bandes dessinées. Sa vie si rose l'avait inspirée à la faire. Mais maintenant qu'elle était brisée, à quoi bon ?

 Tout s'était écroulé en un instant lors de ce voyage qui avait pourtant si bien commencé. Alors qu'elle était partie faire des emplettes avec son fils, elle l'avait vu. Seul devant un parc qu'elle ne pourrait maintenant plus voir en peinture, elle s'était d'abord demandé ce qu'il faisait ici, lui qui lui avait affirmé plus tôt qu'il ne quitterait pas la chambre d'hôtel. Finalement, elle se dit qu'il était sorti chercher des cigarettes. Malgré les efforts qu'elle avait fait pour l'empêcher de fumer, il avait gardé cette mauvaise habitude. Elle avait commencé à marcher dans sa direction, prête à lui proposer de l'accompagner, elle et son fils. Mais elle s'était arrêtée nette quand elle avait remarqué une femme qui s'était approchée de lui.

 Elle était petite, une tête blonde et des habits charmants qui devaient coûter bonbon. Un sourire éclatant était affiché sur son visage de poupée maquillé de rose. Ils étaient proches l'un de l'autre. Bien trop proches... La femme s'était alors encore plus approchée de lui, avait enroulé son cou de ses bras et avait posé sur ses lèvres un baiser inattendu. Loin qu'elle était, elle avait tout de même réussi à entendre cette femme prononcer avec un accent espagnol « Mon amour !».

 Pour elle, ç'avait était un choc. Comme un coup de poignard transperçant son cœur si fragile. Toute sa vie avait défilé devant ses yeux en une seconde.

 Ce premier jour de lycée où elle l'avait vu, alors qu'ils s'étaient tous les deux rendus au secrétariat. En à peine un regard, ils avaient tous deux été victimes d'un coup de foudre.

 Ce jour d'Halloween durant lequel, l'une déguisée en sorcière, l'autre en vampire, ils s'étaient avoué leur amour l'un pour l'autre.

 Ce jour des résultats des examens qui étaient tombés, annonçant la fin d'une vie et le début d'une nouvelle, et où ils s'étaient fiancés.

 Ce jour, chez le médecin, où elle avait appris qu'elle était enceinte.

 Ce jour d'été où, malgré la saison, il faisait un temps affreux avec tous ces nuages et toute cette pluie, et où ils s'étaient échangés des bagues dorées devant l'autel de l'église.

 Ce jour où ils s'étaient promis fidélité jusqu'à la fin de leur vie, jusqu'à ce que seule la mort les sépare.

 Alors tout cela... n'avait été que mensonge ?

 Elle n'avait pas pu se retenir et avait éclaté en sanglots. Elle était retournée à l'hôtel, mais pour prendre ses bagages et ceux de son fils, pour ensuite reprendre l'avion et rentrer à la maison. Elle n'avait même pas daigné lancer un dernier regard à son époux qui s'était joué d'elle depuis tout ce temps, ne lui avait même pas écrit une lettre. De toute façon, à quoi cela aurait-il servi ? Il aurait dû savoir que leur histoire allait se finir ainsi s'il allait voir ailleurs.

 Si elle avait eu une lame à cet instant, elle aurait réglé ses comptes avec son mari et cette horrible femme blonde sur-le-champ. Mais elle voulait assouvir sa vengeance d'une autre manière. Elle n'avait pas encore trouvé, mais elle avait de l'imagination... C'était cela qui lui avait valu la victoire de plusieurs concours de bandes dessinées.

 Elle avait tellement cru que cet amour allait l'amener loin avec cet homme qu'elle avait d'abord trouvé magnifique ! Mais maintenant, elle ne se trouvait plus que dans un cul-de-sac. Elle ne savait plus quoi faire, ni où aller. Elle ne pouvait pas revenir en arrière.

 Elle n'avait pas réussi grand chose dans sa vie. Et sa relation s'ajoutait à cette liste de choses. Elle avait le don de toujours tout rater. C'était ce que lui disaient souvent ses parents. Maintenant, elle savait que leurs paroles étaient vraies.

 Elle regarda son petit garçon qui s'amusait avec ses jouets sur le tapis. Ah ! Elle aurait tant voulu retourner en enfance, cette époque où l'on est jeune et naïf...

 Son petit garçon s'arrêta soudainement et s'approcha de sa mère. Il prit sa jambe entre ses bras et posa sa petite tête sur sa cuisse. Elle le souleva, le posa sur ses genoux et le serra contre son sein.

 Non. Finalement, elle n'avait pas tout raté. Son fils était le plus beau cadeau qu'elle ait jamais eu.

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