S'approchant lentement, Lunera posa un pied, ne s'attendant à aucune résistance. Son pied se stoppa brusquement : la lumière était solide ! Elle toucha de ses doigts l'étrange consistance. Du verre peut-être, mais infiniment plus dur. Une sensation de confort et de tiédeur s'empara d'elle. Toucher la lumière l'apaisait.

Résolue, Lunera gravit les marches. Lorsqu'elle traversa le mur nuageux, tout ses sens furent coupés, comme si on lui interdisait l'accès à la perception du monde. Soudain, elle se retrouva dans une grande salle circulaire. Fébrile, elle se retourna et vit derrière elle l'escalier de lumière, descendant cette fois. Les vapeurs étaient toujours là.

La salle était nue, et aucune lumière ne perçait les pans pierreux. Et pourtant, il faisait très clair. Il y avait une table de marbre au fond, avec un paquet vert dessus. Le grimoire qu'elle convoitait, sûrement. Elle fit un pas mais une perturbation dans l'air la stoppa net.

Comment ai-je pu être si bête ? Père a certainement installé une protection.

Lunera conjura une pierre et la jeta de toutes ses forces sur la boîte. À quelques centimètres de celle-ci, une sphère violette apparut, et fit exploser le misérable caillou. Lunera remonta ses manches et réfléchit au sortilège qu'elle lancerait.

— Dispel Altéra !

Une chaîne d'or entoura la protection et la serra fort. Une seconde, puis une troisième s'y ajoutèrent, et comprimèrent l'égide protecteur. Plusieurs craquement sinistres se firent entendre, comme un crâne qui se fissure, et la barrière se cassa. Des morceaux de lumière tombèrent par terre, avant de disparaître. Lunera se jeta sur l'autel, comme un lion affamé. Elle l'ouvrit, et en sortit un grand grimoire.
Oh ! C'est donc ça. Les Chroniques de Terhera... D'après père, il s'agirait d'un livre datant de l'époque des Trois Soeurs...

Elle l'ouvrit le livre, et le feuilleta, cherchant un article sur le Cœur Arkhale.

— Hum... « Le Cœur Arkhale est un artefact magique très puissant, résidant au cœur même de Terhera. Il s'agit du noyau de la planète, que l'on appelle aussi Âme de la Planète. Ce cristal est une source de lumière et de bienfaisance. Sa pureté est à la hauteur de son éclat, d'une grandeur et d'une magnificence suprême. Son flux magique est alimenté par la vie qui peuple Terhera, et celle-ci le fait prospérer encore plus. »

Une phrase était ajoutée dans la marge du livre, d'une écriture assez étrange, qu'elle ne reconnut pas.

— Alors... « Certaines âmes se perdent dans le flux magique et n'attendent qu'un sauveur pour les aider à regagner le doit chemin. »

Le livre semblait lui dicter clairement ce qu'elle devait faire. Elle se devait de sauver l'âme de son père et de le ramener sur Terhera, comme il l'avait tenté lui-même, sans succès, pour son épouse. Elle entreprit alors de chercher quelques renseignements utiles.

— Si j'ai bien compris, il me faut toutes les Slames, dit-elle après avoir relu une énième fois la lettre de son père.

Lunera ferma le grimoire, et l'emporta avec elle. Une fois dans sa chambre, Lunera s'assit sur une chaise, et sortit un morceau de parchemin et une plume, pour noter les étapes de sa nouvelle quête.

— « Les Slames Précieuses sont au nombre de 7 : on recense la Saphirslame, l'Esmeraslame, le Rubislame, le Béryslame, la Diamanslame, l'Améthyslame et l'Opalslame. Chacune contient le pouvoir élémentaire issu de sa pierre. Leurs pouvoirs réunis permettent de faire tomber la barrière de Callisto. Celle-ci a été créée pour protéger l'accès aux Gemmes Sidérales. Cette protection, si spéciale, peut se reformer une fois détruite, après un délai de dix jours. Les Slames Précieuses reposent à Io. L'ensemble Rubislame, Saphirslame, Béryslame, et Esmeraslame est gardé très précieusement à Inconnu Ouest. Le reste est gardé très jalousement à Inconnu Est. »

Lunera sauta à un autre article.

— « Inconnu Ouest et Inconnu Est sont deux sanctuaires crées par les Amadolors, pour abriter les Slames Précieuses. Celles-ci sont depuis longtemps très convoitées car toutes contribuent à... »

Une tâche noire barrait la dernière phrase.

— Quoi ? soupira Lunera, dépitée. Quelle malchance...

Lunera reprit sa feuille et sa plume, et se mit à dresser une liste.

— Eh bien... murmura-t-elle, en sentant une de ses habituelles migraines ravageantes se profiler. Quel flot d'informations... Je vais procéder par étapes, et tout naturellement, les Slames constituent la première.

Elle feuilleta le grimoire avec hâte, et tomba sur une superbe mappemonde de Terhera, reproduite sur deux pages. De son doigt, elle pointa Io, le continent au nord-est de Terhera. Contrairement aux cartes habituelles, celle des Chroniques de Terhera dévoilait précisément l'endroit où se situaient les Inconnus.

— Toutes les Slames sont normalement à Io, et à ma connaissance, seule la Saphirslame a été... volée, ajouta-t-elle à demi-voix, en se remémorant l'autre Sorcière qui tournoyait, la superbe lame de saphir entre ses mains.

Elle nota rapidement ses observations sur son papier, pour ne rien omettre.

— Où sont-ils maintenant... ?

☾☾☾

— Il n'existe pas de mots pour vous témoigner à quel point je partage votre souffrance.

Une salve d'applaudissement suivit la fin du discours d'Assad. La cérémonie put commencer. Des dizaines et des dizaines d'hommes passèrent, soulevant à plusieurs sur leurs épaules, des brancards où étaient disposés des corps, couverts de linceuls. Une véritable procession, ponctuée par les pleurs des uns, et les lamentations des autres. Cela prit du temps, d'enterrer toutes ces pauvres victimes, et de faire des prières pour le salut de leurs âmes. L'efficacité redoutable de Shems et Grenat avait contribué à parfaire les moindres préparatifs de l'évènement. Les travailleurs sollicités étaient eux-mêmes requinqués par le retour du roi, à qui ils accordaient beaucoup d'estime.

Une fois la cérémonie terminée, Assad, Zahya et Saphir rentrèrent au château. Rapidement, cette dernière se sépara d'eux, les laissant seuls.

— Un dernier café avant d'aller se coucher ? proposa Zahya.

Assad acquiesça, et ils allèrent dans leur salon privé. Zahya servit deux cafés, et s'assit sur un somptueux fauteuil, devant son mari. Ils savourèrent l'amertume de la boisson, chacun muré dans son silence et ses pensées.

— Assad... ?

— Hum, répondit celui-ci.

— Puis-je te poser une question ?

— Tu viens de le faire, mais tu peux recommencer si tu veux.

Zahya souffla.

— Arrête, je suis sérieuse !

— Je t'écoute, vas-y...

— Pourquoi n'as-tu pas parler de Lunera ?

Contre toute attente, il esquissa un sourire, et son regard se fit doux.

— Je t'ai bien vu tout à l'heure, lorsque j'avais terminé mon discours. J'ai donc une réponse toute prête, ma chère Zahya. Sultakara n'a pas besoin d'être en panique, dit-il en retrouvant son sérieux. L'ère Darkodem a été suffisamment traumatisante, je préfère ne pas évoquer Lunera tout de suite.

— Peut-être n'est-ce pas le choix le plus judicieux... ? En temps de guerre contre Arkhess et Darkodem, Sultakara était prête à faire face à tous les assauts. Si Lunera attaque encore, il pourrait y avoir plus de victimes.

Assad ne répondit pas.

☾☾☾

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