La mort du mari

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Sur le petit sac en coton blanc cassé, sa fille avait inscrit « Je suis une maman Zen ». Sa fille avait dessiné avec des feutres spéciaux une belle marguerite, le jaune du cœur se détachait à peine sur le blanc cassé, les pétales de la fleur semblaient maladroits. Elle aimait juste la fleur. Le slogan des mères accomplies qui s’épanouissent au milieux de l’enfer des corvées n’était pas sa tasse de thé. D’ailleurs, elle n’aimait pas le thé. Elle lui préférait un bon café serré servie dans une tasse de petite taille en porcelaine sobre.

Le sac de course était étalé sur le sol, les oranges qu’elle venait d’acheter chez le primeur avaient roulé sur le carrelage, quand elle avait échappé le sac. Elle apercevait la plante des pieds d’un homme taille 44 à l’extrémité du bar.

Elle s’était éveillée enjouée ce matin-là, parce que le soleil d’été perçait entre les nuages et illuminait la campagne normande qui s’étendait devant elle. Elle avait pris son café fort dehors, malgré le vent froid. Elle se sentait vivante ce matin-là. Bien sûr tout lui pomperait son énergie, les enfants, son mari, sa chef, le chat mais là elle savourait sa minute de silence dans le vent du petit matin.

L’homme était étendu le long du bar. Son peignoir blanc était entrouvert et laissait voir son torse bedonnant ainsi qu’un caleçon gris. La machine à café à dosette individuelle annonçait encore avec son petit voyant rouge que l’eau était chaude.

Elle avait déjà préparé les éléments du petit déjeuner déposé harmonieusement sur la table familiale. Sa fille Julie avait furtivement pris une pomme et accepté d’un mouvement d’épaule une banane. Son petit dernier Tom encore ensommeillé s’était versé des mueslis et du lait. Elle pouvait entendre son mari gueulait après l’invité d’une émission de radio dans la salle de bain.

Elle ne travaillait pas ce matin-là. Mais elle s’était dit que quelques petites courses s’imposaient. Alors elle avait sorti sa 306 bleu métallisée et conduit jusqu’au primeur le plus proche. Elle adorait le nouveau vendeur, sa jeunesse et son charme y étaient pour quelque chose. Depuis son arrivée elle faisait régulièrement des haltes pour chercher une salade ou quelques kiwis. Il avait toujours une histoire décadente sur notre humanité en décrépitude. Son cynisme et son humour noir contrebalançait avec son allure de "jeune propre sur lui".

Ses yeux bleus. Son regard si pétillant autrefois était désormais vide. Il semblait contemplait le plafond. Il avait l’air si paisible. Elle sursauta lorsque le grille-pain fit sauter les toasts, juste dorés.

Elle ne pleurait pas. Elle tremblait juste. Elle toucha le cou de son mari pour y trouver un signe de vie. Mais le néant lui répondit. Elle ne se souvient pas d’avoir appelé les secours, d’avoir épeler son nom, son adresse, son numéro de téléphone. Lorsque les pompiers ont débarqué dans le pavillon, elle était assise sur une chaise à la table familiale et elle tenait le sac de coton vide.

Enragée

Triste

Amer

Furieuse

Déboussolée

Désespérée

Il fallait désormais inscrire un de ces mots sur le petit sac de coton.

Le médecin ne fit que confirmer ce qu’elle avait déjà compris : elle était maintenant seule face au reste du monde.

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