Chapitre 4

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Je trainai les pieds jusqu'au lycée, la gorge nouée. J'avais pris décision hâtive, ce matin, en me levant, d'aller m'excuser, pour la gifle d'hier. Même si c'était de sa faute. Et même s'il l'avait clairement cherché...

Nous commencions par deux heures de français, ce qui était un bien pour mal. Je passai le portail la tête basse et montai jusqu'à notre salle en espérant qu'il y soit déjà.

Il était là...

Je m'avançai en inspirant profondément et toussotai pour signaler ma présence. Le garçon s'étonna de me voir ici, près à lui parler.

— Je... bégayai-je pitoyablement.

— Oui ?

Il me porta toute son attention et je sus que rien ne l'empêcherait de m'écouter, dans la minute qui allait suivre. Cela m'encouragea un peu et je me jetai à l'eau.

— Pardon, pour hier.

Je détournai honteusement la tête, les joues rougies mais heureux de l'avoir fait.

— C'est pas grave, je l'ai cherché alors c'est de ma faute.

Je restai là sans bouger, à fixer mes converses abimées.

— Je t'ai dit que c'était pas grave alors ne fais pas cette tête-là ! On dirait un bébé chien.

Je me redressai et plantai mon regard que j'espérai noir dans le sien. Je commençai déjà à regretter de m'être excuser.

— C'est pas méchant, tu sais, reprit-il, pour se justifier.

— Ne me traite pas de chien, grognai-je

— Ce n'est pas une insulte. C'est juste une manière un peu...original pour te dire que tu es mignon.

Je priai pour ne pas rougir de nouveau et lui tournai le dos. Je l'entendis soupirer derrière moi.

— Tu m'en veux si je te dis que tu es une tête de mule ? Tu pourrais arrêter de te vexer pour rien, c'est chiant à la fin. Je veux juste qu'on soit ami.

Je restai silencieux. Qu'est-ce que quelqu'un de normal aurait répondu à ça ? Je n'en avais aucune idée, puisque je ne faisai pas parti de cette catégorie-là.

— Je ne t'embêterais plus mais ne pense pas que je vais te laisser tranquille. Je ne te lâcherais pas avant d'avoir eu ma réponse. Si tu ne veux pas qu'on soit ami, alors tant pis, mais dis le moi ! En attendant, je resterai près de toi...

La sonnerie le coupa dans son discours un peu trop sentimental à mon goût et, rapidement, les couloirs furent tous bonder, le nôtre compris. Je me collai au mur pour esquiver cette foule compacte et priai pour que la professeur arrive rapidement. Mon souhait se réalisa bien assez vite et je m'engouffrai dans la salle le premier. Je retrouvai ma place avec un certain soulagement et me laissai tomber sur ma chaise en soufflant. Quelqu'un prit place à mes côtés. Le grand brun. Je tournai la tête dans le sens opposé pour lui montrer mon mécontentement mais il l'ignora et sortit rapidement ses affaires pour commencer à suivre le cours. Je fis de même mais, au bout de quelques minutes, mon regard dévia sur le garçon.

Je l'observai travailler, du coin de l'œil et remarquai à quel point il était studieux; il prenait en note chaque mot du professeur, participait régulièrement, quoiqu'en plaisantant un peu, de temps en temps. Je me rendis rapidement compte qu'il était l'élément principal de la classe. Non seulement il tenait en respect les petits caïds du fond de la classe mais en plus il invitait les autres, plus timides, à s'imposer. Même les professeurs entretenaient un lien particulier, presque amical, avec l'adolescent. Je me surpris à admirer le garçon, pour cette qualité, moi qui était bancal et peu à l'aise avec l'espèce humaine.

Pourquoi ne m'étais-je pas rendu compte de cela avant ?

Nous avions pourtant eu une dizaine d'heure ensemble depuis que j'étais arrivé !

Sûrement que j'étais trop occupé par ma petite personne pour le remarquer avant...

Je soupirai lassement et me penchai sur mes feuilles, où quelques phrases étaient griffonner à la hâte...

Le garçon ne me préta pas attention de toute la matinée et ce serait mentir si je disais que cela ne m'avait pas vexé. C'était bien pour me parler qui s'était assis à mes côtés dans les deux cours que nous avions en commun ! Alors pourquoi est-ce qu'il ne m'avait pas adressé un seul regard depuis notre altercation de début de matinée ? Je commençai à me remettre en question et à m'inquiéter.

Lorsque fut le moment d'aller déjeuner, je pris tous mon temps pour sortir de la salle et, même s'il semblait m'attendre, je passai devant lui la tête haute, sans lui porter, en apparence, la moindre attention.

Il me rattrapa par le bras mais je rejetai son contact un peu sauvagement. En prenant mon air arrogant, j'avais voulu attiré son attention, mais, en aucun cas je n'avais voulu qu'il s'approche autant de moi, ni même qu'il ne me touche.

— Qu'est-ce qui se passe ? demanda-t-il avec un regard préoccupé.

— Rien, laisse-moi tranquille.

— Tu répètes toujours les mêmes choses, c'est lassant. Viens manger, je vais te présenter aux autres.

Pendant un instant, je m'imaginai entouré de racailles prêt à se battre à la moindre occasion. Mon esprit dériva, je me vis parmi la bande des gens trop populaires, essentiellement composé de bad-boys et de barbies trop maquillées, comme celles qu'on pouvait voir dans les films américains pour adolescents. Je frissonnai d'horreur et de dégoût.

— C'est hors de question que je vienne manger avec des gens comme ça !

Le garçon haussa un sourcil, avec un air un peu vexé mais ne commenta pas mes précédentes paroles, bien qu'elles soient terriblement offensantes pour les personnes visées, qui semblaient être ses amis.

— Tu ne vas quand même pas manger seul ?

— Non, je ne vais pas manger.

— Écoute, en tant que délégué de notre classe, je ne peux pas te laisser faire ça...

— Tu ne pourras m'obliger à venir avec toi ! Je ne mange même pas à la cantine de toute façon !

Je pris un air qui se voulait menaçant et tournai les talons. Je constatai, au bout de quelques mètres, qu'il ne me suivait pas. J'ignorai les signaux que m'envoyaient mon cœur et arbora un sourire arrogant. Un sourire arrogant ET faux, un sourire pour le tromper lui, pour me tromper moi, pour tromper ma solitude. Je trouvai refuge dans le petit renfoncement devenu familier et sortis quelques affaires, dans l'optique de faire mes devoirs ou, au moins, de comprendre mes cours.

Comme presque toutes les fois où j'avais voulu travailler, je barrai, rayai et raturai encore et encore les mêmes mots. Mon obstination était telle que ma feuille n'était plus qu'un torchon sale et illisible.

Au bout d'un certain temps, je m'énervais pour de bon et finis par déchirer ma feuille, après l'avoir écrasée.

En relevant la tête, je croisai le regard malicieux du brun. Je regrettai presque aussitôt ma précédente action. Il me rejoint, même si mes yeux lui ordonnaient de faire demi-tour, et s'installa à côté de moi.

— Tu as besoin d'aide, peut-être ?

— Non, m'empressai-je de répondre

— Tu ne devrais pas mentir de cette manière, Nathanaël.

Ces paroles, -ou alors serait-ce sa façon de prononcer mon nom ?- me tira un frisson.

— Laisse-moi tranquille, répliquai-je

— Et voilà ! Tu recommences !

— Mais c'est de ta faute ! lançai-je avec indignation.

Cette fois-ci, il m'ignora, préférant attraper l'une de mes feuilles froissées pour en lire le contenu. Sa mine devenue sérieuse m'intimida et je baissai la tête, silencieusement.

— Ce n'est pas bien compliqué, tu t'y prends juste de la mauvaise manière, marmonna-t-il pour lui-même.

J'allai répliquer mais il m'invita à regarder le premier exercice. J'écoutai ses explications, à contre-cœur et il m'aida à rédiger mes réponses, étape par étape. Il fit la même chose pour tout le reste et, même si je me refusai de l'avouer, il était plutôt bon professeur.

Cette constatation me déplut plus que de raison, puisque, depuis le début, je n'avais qu'un seul objectif en tête; me débarrasser de lui. Ou plutôt, l'éloigner de ma personne. Et voilà, qu'au lieu de l'égarer, je lui donnai de nouvelles raisons de rester à mes côtés. J'étais un imbécile fini, un exemple parfait de stupidité...

Rester avec lui, c'était courir à ma perte. La situation de la veille me l'avait confirmé. Je n'agissai pas normalement en sa présence, ou plutôt en la présence de quoi que ce soit d'humain et je détestai ça. Ils étaient bien trop imprévisibles pour moi, qui aimait les routines calmes et bien rangées. Je le remerciais quand même à la fin, un peu piteusement et me stoppai en me rendant compte, une nouvelle fois, que je ne connaissai pas son nom. Il le remarqua assez rapidement.

— Pour toi, c'est Gabi.

Il m'offrit un clin d'œil charmeur qui me fit devenir écarlate. Je me repris assez rapidement.

— Je suppose que c'est Gabriel, marmonnai-je en détournant le regard.

—T'es pas drôle ! protesta-t-il.

— Et toi, tu es trop confiant !

Il se tut et, pendant un instant, je m'inquiétai de l'avoir vexé.

— Je peux t'aider encore, pour les cours, si tu veux...

Et la voilà, la proposition que je redoutai. Je ne pouvai pas refuser. Je n'avais jamais été un élève très studieux et, si je continuais ainsi, j'allai finir en échec scolaire. J'étais plutôt bon, dans mes options, qui étaient des matières à gros coefficients, mais je craignai que cela ne suffise pas... Pour l'instant, je ne pouvai pas me permettre de refuser son aide, même si je détestai ça...

— Est-ce que... j'ai le droit à un peu de temps ? Pour réfléchir ?

— Bien sûr !

Il agrémenta sa réponse d'un vigoureux hochement de tête que je trouvai ridicule.

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