Chapitre 7

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Je m'étirai en baillant et croisais le regard de mon père qui me souriait doucement.

— J'en connais un qui s'est encore couché trop tard.

— C'est pas vrai, bredouillai-je, encore ensomeillé.

— Quelle heure ?

— Deux, ou trois, je ne sais plus trop.

Il soupira avec un sourire moqueur en me voyant me lever.

— Tu t'es endormi sur ton cahier ?

— Comment tu le sais ?

Il m'entraina vers la salle de bain. Je grimaçai en voyant la trace de mon carnet sur ma joue. Mon père rigola de ma moue faussement blasé, puis m'informa, dans un rire un peu rauque, qu'il préparait mon déjeuner. Je secouai la tête, sans me départir de mon sourire et allumai l'eau du robinet pour me rincer le visage. La température du liquide me fit frissonner alors je me dépêchai de finir ma toilette. Ma mauvaise humeur de la veille avait disparu pour de bon et c'est tout guilleret que je descendis pour prendre mon déjeuner. Mon père m'avait servi mes céréales et avait laissé le lait sur la table, en sachant parfaitement que je détestai manger mes céréales molles. Il avait également versé les croquettes dans la gamelle de la chienne, qui se régalait. Je fis de même, rapidement, puisque j'avais de nombreuses choses à faire. Notamment le pliage et rangement du linge, ce que je détestais faire.

Je m'encourageai en me disant que mon père faisait déjà beaucoup de chose mais cela ne suffit pas vraiment, puisque je finis, comme depuis notre arrivée ici, à rechigner devant la tâche. Mon paternel m'observa le faire, du coin de l'oeil, tout en essuyant la vaisselle. À la moitié du tas, je décidai de sortir Nina et de faire quelques tours de la pièce en me plaignant pour me dégourdir les jambes.

— Rappelle toi que tu dois encore laver la chienne et avancer sur tes devoirs, rappela mon père avec un sourire moqueur.

Je poussai un soupir à fendre l'âme et retournai à ma tâche en trainant les pieds.

Heureusement pour moi, ce ne fut pas si long que cela en avait l'air et je me retrouvai rapidement dans ma chambre, à récupérer de quoi m'occuper de ma chienne. J'arrivai dans la salle de bain, les mains chargées d'une caisse contenant toutes sortes de brosses et produits. Je m'étonnai même de retrouver quelques friandises que je pensai épuisé. Je les dissimulai à la vue de la chienne surexcitée et commençai par la faire asseoir. Il fallait d'abord que je la débarasse de tous ses poils morts avant de la laver, pour ne pas boucher le syphon de la baignoire. Il y avait déjà mes cheveux pour cela, et s'était largement suffisant. Cela dura une petite heure, durant laquelle je retirai plusieurs boules de poils, qui trouvèrent leur place dans la petite poubelle de salle de bain.

Cependant, passer ce temps là avec ma chienne ne m'ennuyait pas, bien au contraire. Ce contact avec l'animal m'apaisait bien plus que celui de n'importe quel être humain. Au début, je m'étais posé pas mal de questions. C'est vrai, ce n'était pas normal d'être aussi attaché à un animal ! Puis, rapidement, je m'y étais fait. Après tout, elle était arrivée à cette période de ma vie où j'étais seul et terriblement délaissé.

Le déménagement était sur le point d'arriver et je n'avais qu'une seule envie; celle de mourir. J'allai perdre ma mère et tous mes repères d'un seul coup et s'était bien plus que ce que je pouvai supporter. De plus, je n'avais personne à qui parler ou pour me soutenir. Pour tout dire, j'étais seul, terriblement seul. Mon père, lui, l'avait remarqué mais maman ne se souciait même pas de savoir qu'elle ne verrait plus son fils. Sa seule préoccupation était de savoir si ses bouteilles seraient suffisantes pour tenir jusqu'à la fin du mois. Lors de l'une de mes énièmes escapades, qu'on appelait plus communément "fugues", je m'étais retrouvé près d'un chenil. J'étais entré, j'avais salué le bonhomme de l'accueil avec une certaine timidité et j'avais demandé s'il était possible de visiter.

Le monsieur avait dû prendre pitié puisque, malgré le fait que je sois seul et mineur, il m'avait gentiment accompagné entre les cages. Ces animaux, ils m'avaient semblé similaires à ma personne. Seuls, tristes, abandonnés, sans personne pour prendre soin d'eux. Et c'est à ce moment là que j'avais découvert Nina pour la première fois. Un chien assez imposant, qui, à première vue, semblait assez solitaire. Déjà presque huit ans, et avec des chances d'être adopté assez basse, au vu de la quantité d'entretien, de place et de nouriture qu'elle demandait. Et puis voilà, sans savoir pourquoi, lorsque mon père m'avait appelé, une énième fois, j'avais répondu.

— Bon sang mais où est-ce que tu as Nathanël ! Et c'est quoi, tout ce bruit ?

— Papa, je veux un chien.

Il s'était tût, un instant.

— Où est-ce que tu es ?

— Au chenil...

— Nathanël, tu as passé l'âge pour tout ça, un chien demande beaucoup d'entretien et on ne peut pas se le permettre, au vu de la situation actuelle...

— On en pourra jamais réellement se le permettre. Et puis quoi ? Je resterais seul, quand tu iras travailler dix heures par jour pour un smic ?

J'avais perçu un soupir, signe de sa culpabilité évidente.

— Je viens te chercher, tu es loin de la maison. On en parle quand j'arrive.

Et j'avais gagné, pensai-je avec un doux sourire. Le refuge avait gardé la chienne jusqu'au déménagement, puisqu'il n'y avait pas assez de place dans l'appartement puis elle était arrivé dans la famille au moment où nous étions arrivé ici. Et pendant un certains temps, alors que j'étais totalement à la dérive, il n'y avait qu'elle qui m'avait fait sourire.

Je relevai mes manches et tapotai le bord de la baignoire pour que la chienne grimpe à l'intérieur. Elle s'exécuta joyeusement et j'eu du mal à la faire asseoir. Dans l'ensemble, elle se laissa faire et, comme elle était relativement propre, je n'eu besoin de faire qu'un shampoing. Malgré mon long brossage, les poils s'accumulèrent au fond de la baignoire lorsque je rinçai la chienne. Je grimaçai, en tentant de les retirer au fur et à mesure alors que Nina, elle, profitait tranquillement de sa douche chaude. Vint le moment de sortir. Je l'aidais à descendre pour éviter qu'elle ne se blesse et, pour tout remerciements, elle s'ébroua, m'aspergeant d'eau. Je râlas en posant une serviette sur son dos et en pensant au temps que le ménage me prendrait après tout ça. Je la séchai au mieux et parfumai son poils avec douceur avant d'aller l'enfermer dans ma chambre. Sinon, la connaissant, elle irait se rouler dans l'herbe, réduisant tous mes efforts à néant. Pendant ce temps-là, je rangeai et nettoyai toute la salle de bain, heureux d'avoir fait ce que j'avais laissé trainé plusieurs jours...

Je laissai ensuite la chienne vagabonder où elle le voulait -à condition que ce soit dans la maison- et rejoins mon père en bas. Je le découvris en train de faire les comptes. Il releva la tête à mon arrivée et sourit.

— Tu as lavé Nina...

— Ça ne se voit pas assez ? demandai-je en faisant allusion à mon jogging pleins de poils, à mes cheveux en pagailles et à mes vêtements trempés.

Il rit doucement, rangea ses papiers et se leva.

— Ce soir c'est pâte carbo, ça te vas ?

J'acquiesçai.

— Va donc faire tes devoirs et te laver. Après ça, ta journée sera terminée.

Cette pensée me réjouit et je remontai presque en courant, sous les cris de mon père qui me suppliait de faire attention dans les escaliers. Je m'assis un peu lourdement à mon bureau et attrapai mon agenda et mes affaires. Je griffonnai quelques phrases, rapidement. Ce qui m'avait paru horriblement compliqué hier était désormais la plus facile des choses. Je souris à cette pensée. Malheureusement, ce fut plus compliqué au moment de passer à la physique. Je m'entêtai une demi-heure avant d'abandonner. Malgré cela, je ne m'arrêtai pas de sourire et filai à la douche.

À mon retour dans ma chambre, après le repas, je préparai mes affaires pour le lendemain puis me blottis sous les couvertures. Mon père ouvrit la porte à ce moment-là, Nina sur ses talons. Elle sauta sur le lit et chercha à se blottir contre moi. Je rejettai la couverture sur elle tout en me rapprochant pour enfouir mon visage dans sa fourrure propre. Je souris au doux parfum qu'elle dégageait. Mon père posa un baiser sur ma tempe, en me souhaitant bonne nuit puis s'éclipsa, en éteignant la lumière et en refermant délicatement ma porte. Je tombai dans les bras de Morphée quelques minutes plus tard.

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