Moroir
S'ouvre le néant.
Vogue le vide.
Vague sensation.
— ...
L'écho depuis le rien réponds :
— ...
Le silence a répondu.
— Il y a quelqu'un ?
Ca pense : drôle de question pour juste une voix. D'où vient-elle ?
— Il y a quelqu'un ?
Les ténèbres dénoncent. S'énonce l'absence.
— Qui êtes-vous ?
— C'est donc toi ? réponds la voix sans origine.
— Vous êtes... ?
— Ah, enfin quelqu'un, vous êtes là pour m'accueillir ?
— Quoi ? Vous êtes qui ? C'est ça la mort ?
— A toi de me le dire, je viens d'arriver !
— Mais je n'en sais rien, je viens d'arriver !
Silence sur fond de silence.
— Je crois que je suis mort, non ? Mon cœur s'est arrêté, non ? On est après la mort, ta voix est là pour me guider, non ?
— Moi aussi mon cœur s'est arrêté, je pensais aussi que tu étais là pour me guider.
L'incertitude colore quelque peu l'obscurité. Une lumière semble éclore, mais elle n'est qu'une idée.
— Chère voix du néant, je crois qu'on est mort pile au même moment. Qu'on est les deux seuls pauvres types au monde à avoir claqué à la même seconde.
— Intéressante hypothèse, mais peu probable, il me semble qu'on devrait être plus nombreux, vu le nombre d'habitants sur terre.
— Génial, un mort sceptique. Avant j'étais comme toi, je doutais de tout.
— Ah, et qu'est ce qui t'as changé ?
— Ma mort...
— C'est donc récent.
— Oui, mais regarde, ou plutôt constate, le Vide. On a plus de corps, on se parle, rien n'apparait, pourtant on discute. Difficile à remettre en cause, rappelle-toi «je pense donc je suis », tout ça.
— On dirait mon prof de terminale : « je pense donc je suis ». Bon... je dois reconnaitre que ça semble vrai. On se résumerait donc à deux pauvres consciences conscientes d'elles-mêmes et réduites à n'être que ça : des consciences existantes dans un bain de rien ?
— Pas de rien, tu es là !
— Tu es là.
— La mort c'est continuer d'exister... mais en vis à vis ?
— Sans ça, bonjour l'errance, non ?
— C'est vrai que juste seul dans le néant, c'est pas jojo. Je crois que je me parlerais vite à moi-même.
— Oui, ah ah ! Moi aussi. La mort, une autre forme de folie ?
Sourire sans visage, relâchement sans muscles.
— Je sens qu'on va bien s'entendre, toi et moi. Je crois qu'on se ressemble, non ?
— Oui, c'est vrai, il y a quelque chose dans le ton, quelque chose de familier...
L'hésitation perce vaguement le vide.
— Tu... tu crois qu'on se connait ?
— Peut-être que ce néant nous abuse, peut-être es-tu ou suis-je quelqu'un de ta famille, mort avant, chargé de veiller sur toi, ou toi sur moi ?
— Compliqué. Voyons voir... Comment tu t'appelles.
— Mon nom est tombé dans l'obscurité, j'ai beau chercher, je ne le vois guère.
— Maintenant que tu le dis, le mien manque à l'appel.
— Où habitais-tu ? ... Mais d'abord : où habitais-je ? Aucune idée. Néant.
— Moi aussi ! Zut.
— Des souvenirs ?
— Pas grand-chose... Maman qui me donne un coup de pied au cul, papa devant la télé, le fameux prof de terminale et son Descartes. Une chute de trampoline, les yeux de mes enfants.
— Marrant, tout ce que tu dis me parle. Ça me parle même vachement. Surtout le coup du trampoline.
— Toi aussi ? Le trampoline stupide à la maison de... Truc. Ils avaient enlevé la protection, ces cons là, Bam, pour ma poire. Ils sont même venus à l'hôpital. Ils avaient l'air coupables à crever.
— Tu parles, ils étaient plus bas que terre, un comble pour des fadas de tramp... o... attends ! C'est le même souvenir !
— On dirait... On aurait été amis ? Invités au même anniversaire ?
— Je crois que c'est bien pire.
— Je crois que c'est bien pire. Aussi.
— Le vis à vis de tout à l'heure, c'est...
— ... Un miroir... Oui.
La pensée se mire dans l'absence.
— Bon... De quoi d'autre tu te rappelles ? Les yeux de... ?
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