Autoportrait
Dans cette grotte presque grise
Au clair-obscur de ma jeunesse
J'avançais chaînes aux pieds
Rêvant de chevaux et Pampa
D'estaminets mal éclairés
De gueux et de gueuses mal partis
De gloire et d'éphémère
De dièses et de bémols
Sartre dans une main Verne dans l'autre
Et la fronde dans ma tête
Plus de chaînes aux pieds
Plus de chaînes au cœur
Et dans la sérénité d'une âme galante
Poser un regard emmétrope sur l'Univers
O frères linéaires étaient-ils si bruyants ces rêves
Que le canard de la cuvée fût contraint de les faire en silence?
O géniteurs créateurs de contrits
A mon aube déjà je blasphémais l'oracle
Tandis que vous agitiez le diable sous mon nez
Maigre pudeur
Mon enfer n'était pavé que de mauvaises intentions
Et j'en étais fier
Mes Virgiles à moi étaient Lesbos et Onan
Et la nièce du Titien caressait mon prépuce
Quand je n'avais pas le temps d'aller au bois sacré des Amazones
Mes muses à moi n'avaient pas de prénom
Mais des corps aux parfums exotiques
Elles me montraient la voie royale du délit d'initié
O mes sœurs de lait
Que ne vous ai-je vues en chair et en os
Sur mon cheval sacré galopant la Pampa
Cette vaste plaine s'étendant sur des kilomètres carrés de mon infini délimité
Où je courais à perte de vue
Plus de chaînes aux pieds
Plus de chaînes au cœur
Je découvrais un monde à faire pâlir Christophe Colomb dans son œuf
Je découvrais une danse lascive dans la tiédeur des estaminets de bourgade
Là même où mon orgueil ne venait me surprendre
Or la lune en pointillé
La lune de mes nuits sans rêves
Quand mes doigts silencieux reproduisaient sur une guitare laborieuse
Les sons d'une magie éteinte
Mon temps ne s'est pas arrêté à Salins les Bains
Dieu Merci
L'amour araignée m'a tiré des griffes du néant
Des harpons des ténèbres
Adieux Limbes immémoriaux Que je n'aurai jamais foulés
Les couleurs de la vie et le chant de sirènes ont eu raison de vous
Mon temps ne s'arrêterait plus au coin des rues désertes
La diaspora guetterait le moindre de mes mouvements
Et de tes seins déjà matrice concupiscente
Coulait l'élixir de mes mille jeunesses.
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