Chapitre 37 - Meurt la terre quand pousse la graine (1)

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─ C’est bon, j’en ai assez ! s’écria Jilam.

Et de claquer la porte en lierre avant de descendre en trombe l’escalier torve. Laissant derrière lui les silhouettes enlacées des frênes jumeaux, il traversa le ruisseau et continua sans but en tête si ce n’est de s’éloigner le plus loin possible de la source de sa colère. Ses nerfs tendus lui conféraient une démarche chaloupée. Il fulminait par tous les orifices. La boue avait beau le crotter jusqu’aux cuisses, il n’en avait cure. Il n’avait pas songé enfiler son manteau et ne portait que son écharpe en léporursidé tricotée par Nellis.

Satanée sorcière ! Prêtresse du Diable ! Qu’elle s’en retourne aux tréfonds, elle et ses maudits sermons !

Ses poumons manquaient de souffle pour exhaler la fournaise de son esprit.

Sans s’en rendre compte, le jeune homme quitta le Cœur-du-Bois. Sa conscience revint au milieu d’un dédale de rochers verts inondé d’un brouillard gluant. Le froid le mordait jusqu’aux os. Il s’en voulait à présent d’avoir manqué l’arrêt au porte-manteau. Enfonçant ses mains dans ses poches, il avança au hasard entre les blocs de mousse enveloppés dans leur cape nébuleuse, structures sauvages aux grotesques silhouettes.

La saison morte, enfin, s’était tue, après quasiment cinq longue lunes de tyrannie. L’Usurpatrice, défaite, s’était retirée par-delà les confins, non sans offrir à son héritière fleurie une solide balafre. Le Reine du Printemps, blessée par sa lutte sanguinaire, ne cessait d’exhaler un souffle froid et humide sur le bois. De ses plaies, longues à cicatriser, des bourrasques s’échappaient, vomissant leurs averses orageuses sur la flore détrempées jusqu’à l’âme. La seconde génération de bourgeons n’avait pas connu de meilleur sort que la première. Non pas gelés mais noyés furent les arbrisseaux, germes et tubercules.

Il était déjà tard quand Jilam arriva en ville ; la nuit bordait l’œil somnolent du crépuscule. Il s’arrêta devant la première lueur venue. Le bar n’avait rien à voir avec l’endroit où lui et son frère s’étaient amusés cette fois-là – cette unique fois –, celui-là entretenait un côté plus rustique, plus intime. Il écouta les musiciens jusqu’à la tombée du jour. Il n’était pas saoul, n’ayant bu qu’une cervoise, mais la fatigue l’enivra aussitôt retrouvée la lumière du jour.

Il marcha dès lors sans raison ni attention, dans l’air froid du matin, le long des sentiers du bois urbain, ombre parmi les badauds qui s’en allaient au turbin. Hère inconscient, il se retrouva face à une vision du passé. L’esprit las, il tendit le bras vers le battant en bois de chêne rouge, qui s’ouvrit sans effort, quelqu’un ayant oublié de verrouiller le loquet. L’immense cour offrait un triste spectacle de silence égaré. L’enfant qui n’en était plus un explora ce domaine autrefois sien, ses moindres recoins connus par cœur malgré la distance temporelle : l’atelier du jardinier, la pelouse, jadis entretenue avec soin, retournée désormais à la vie sauvage, la rangée de pêchés gardant le muret ouest, le potager en friche, vestiges d’un royaume auparavant florissant, le grand manoir et ses multiples annexes s’étirant autour du corps massif telles les pattes d’une araignée ; et la cabane aux foins, ce frêle abri isolé au cœur de la faune cruelle, aujourd’hui autel de recueillement pour l’adulte voûté par le poids des souvenirs d’enfance. À moins que ce ne fut l’enfant qui rêva d’avoir été grand...

Ses yeux flous balayèrent la cour et l’ombre écrasante du manoir. À tout moment, il s’attendait à entendre le vieux jardinier l’appeler ou voir surgir une horde de domestiques pressés par le fouet de leur impitoyable maître, écouter son nom avaler le silence : « Jilam ! Jilam ! » Non, partez ! Jilam n’existe pas. Ce que vous cherchez n’est que l’ombre d’une ombre. Oubliez-le ! Oubliez-moi ! Et son frère d’ouvrir la porte : « Débusqué le lièvre ! »

Ces souvenirs lui apparaissaient informes, illogiques. En étaient-ils seulement ? Toutes ces scènes avaient-elles eu lieu ? N’était-ce pas plutôt un affreux rêve formulé par son imagination débordante ? Jilam aurait aimé s’en persuader, tel le fanatique qui croit fermement à sa folie et ignore la vérité sous ses yeux. Mais les regrets démentaient son désir. L’ombre se rappelait. Oh oui ! Elle regrettait, ces moments passés, aujourd’hui évadés, dispersés en copaux par le vent oubli. Souffle vain. Lutter pour oublier ne servait à rien. Tôt ou tard, l’enfant dans le corps de l’adulte se rappelait, à l’image de ce nom qui chaque fois ressurgissait, porté par les cris inquiets. Nier était aussi inutile que les regrets qui nourrissent le regret.

Jilam s’allongea dans la cabane aux foins, à même la terre meuble car de foin il n’y avait plus trace sinon des brins épars abandonnés à leur sort, putréfiés. Le jeune homme s’endormit là, dans le froid et l’humidité. Il ne pensait plus, ne rêva de rien, si ce n’est de sommeil, un long et profond sommeil, guérisseur des regrets.

À son réveil, l’émoi, l’angoisse, la culpabilité, tout s’était envolé. Ne demeurait que l’envie de retrouver la chaleur du bois. Il quitta la cabane aux foins, non sans un dernier regard compatissant adressé aux fantômes, et traversa la cour silencieuse embrassée par un froid soleil d’après-midi. Il n’entra pas dans le manoir.

Dehors, son aspect débraillé d’homme des bois ne manqua pas d’attirer le courant des regards. Jilam désirait se fondre dans les ombres mais s’en abstint, conscient qu’elles ne lui offraient qu’un répit modeste. Il dépassa la place du marché, animée malgré la brise glaciale. Les gens semblaient croire qu’ignorer le temps le changerait. Ses pieds souffraient des pavés et se lamentaient en rêvant d’humus moelleux et de tapis de brindilles. Les odeurs aussi l’incommodaient : l’exhalaison des parfums surdosés, cocotte écœurante aux multiples couches, des fleurs de toutes saisons, macérées dans l’huile aromatique et le savon ; les défilés chaotiques de soie hybride aux teintes psychédéliques à vous arracher un mal de crâne rien qu’à regarder.

Dans une autre vie, l’adulte se souvenait, l’enfant aimait parcourir ce dédale bruyant et coloré dans lequel il se fondait naturellement. Héros enveloppé de sa cape invisible, il affrontait trolls, serpents de feu, vampires sanguinaires et autres incarnations maléfiques en compagnie de ses amies ombres. Le gamin d’autrefois chérissait ces moments de liberté loin du carcan de sa prison dorée. De temps à autre, un visage passait, souriant à ses frasques, un marchand de friandises lui faisait don d’un bonbon, et Tante Hortia qui ne cessait de courir après lui, trébuchant dans ses robes trop longues.

Désormais, tout ce qui l’entourait lui donnait la nausée. L’enfant qui avait grandi n’aspirait qu’au silence du bois, sa mélodie discrète, l’harmonie de ses infinités de voix immergées dans le torrent.

Jilam avait envie d’un bain. Il pressa le pas. À l’orée du bois, il lâcha un gros soupir, soulagé. Le musc et la moisissure ne tardèrent pas à chasser la puanteur de sueur et d’haleines rances. Une légère nappe brumeuse enveloppait le bois. Le jeune homme cligna des paupières. Il avait cru apercevoir une silhouette entre les arbres. Il approcha, doucement, de l’endroit, se frotta les yeux. Au travers du voile humide, la forme réapparut. Légèrement luminescente, elle disparut presqu’aussitôt. Jilam demeura immobile, patient dans l’espoir de son retour. Puis un tourbillon de brume le happa. Ses bras battirent l’air gelé condensé. Alors surgit un long serpent au corps d’aurore. La créature en suspens sinua à un cheveu de lui, lui frôlant les hanches. Une langue gelée lécha son bassin. Ses muscles se rigidifièrent. Le serpent s’envola en moins de deux souffles, avalé par la brume qui, en s’éparpillant de nouveau, ne laissa aucune trace du sillage évanescent.

Jilam resta coi. Est-ce que j’ai rêvé ? Il lui fallut un moment avant de juger que non. Alors du siphon de sa mémoire émergea en geyser le souvenir d’une conversation. De toutes les créatures du bois qu’il avait traqué et observé, le Chasseur en admirait une par-dessus tout. L’anguille de brume, il l’appelait. Sinuant à la frontière entre le monde des esprits et celui des vivants, elles étaient plus discrètes encore que les lapins-mousse. D’ordinaire, leur corps éthéré empêchait quiconque de les toucher, sauf durant les sept jours suivant la nouvelle lune, laps de temps où elles se matérialisaient. Manger une écaille d’anguille de brume vous rendait transparent au monde matériel pour un certain délai. C’est grâce à elle que le Chasseur et Niu avaient pu traverser un lac à pied lorsqu’il avait été enlevé par l’esprit de la nouvelle lune.

L’apparition fugace de l’anguille de brume l’avait happé, l’espace infime d’un micro-instant, hors de la réalité et de ses travers. « En voir une dans une vie c’est déjà s’estimer chanceux », lui avait confié le Chasseur, et c’était là les mots d’un immortel. Jilam, qui n’avait que quelques décennies devant lui, s’estimait actuellement la plus heureuse des créatures, car une anguille s’était glissée dans la serrure de son étroite vie. Cette vision ne le quitterait jamais. Elle serait l’ultime image qu’il contemplerait.

D’un pas leste, il continua sa route à travers les sentiers de chèvre sous l’œil attentif des esprits brumeux, une douce lueur fixée à ses pupilles. Son ventre l’obligea à s’arrêter devant un massif de sureaux noirs aux baies gorgées de jus. Il s’en remplit la panse jusqu’à gonfler tel un écureuil baudruche face à un renard à plumes. Rassasié, ne lui restait plus qu’une envie : se délasser dans une eau bien chaude.

Aux abords du Cœur-du-Bois, il s’arrêta devant la butte sacrée où les elfes célébraient leurs rituels. L’un d’eux dormait, étendu de tout son long dans l’herbe grasse à l’ombre des genêts de lune aux fleurs argentées, brillantes, seules à tenir tête aux pluies voraces. Jilam reconnut le chaman, Dayl. Sa traîne sale, aux couleurs ternies jusqu’au cœur du fil, moisie de champignons et détrempée, l’elfe cuvait au vu de la jarre de terre cuite qu’il tenait tel un doudou entre ses doigts. Une volée de longs cheveux crasseux et filasses s’élevait à chacun de ses ronflements de buffle malade. Jilam s’approcha, se pinça le nez à cause de la pestilence qu’il embaumait, hésita, puis lui décocha un coup de pied, léger, suivi d’un autre plus violent. Au bout du cinquième peton dans la bidoche, le chaman daigna enfin remuer.

─ Hein… Q-Queuoi… Qécéssé ?

D’un bras tremblant, il écarta la cascade de cheveux crotteux qui lui masquait la vue, découvrant sa gueule noire et des dents jaunes quasi brunes. Les yeux laiteux ne reconnurent pas l’époux de la sorcière. Dans le cas contraire, le chaman aurait détalé façon perdrix. Nellis lui faisait une peur plus que bleue, carrément mauve, et il craignait tout ce qui s’approchait d’elle.

─ Zé perdu l’clef d’bosquet, bredouilla-t-il en titubant.

Jilam s’écarta à cause de l’odeur. L’elfe ignora sa grimace écœurée.

Dayl, chaman de son état, prêtre du Cœur-du-Bois, gardien du Bosquet Sacré, oracle de la Lune et voix des esprits. Sa réputation n’était plus à refaire, rien ne pouvait la ressusciter des tréfonds de l’alcoolisme et de la bêtise congénitale. Il n’était pas une célébration – excepté les rituels d’inhumation car on ne badine pas avec la mort – où le chaman ne se présente pas saoul comme un groin de troll, incapable de réciter une litanie sans erreur à chaque vers. Tous les habitants du Cœur-du-Bois le détestaient, tant pour son odeur qui précédait son apparition, que pour l’antipathie naturelle qu’il dégageait. On l’évitait quand on pouvait, sinon on l’ignorait jusqu’à son départ. Les cérémonies qu’il dirigeait constituaient un calvaire sans nom. Par chance, le plus souvent, il arrivait en retard voire ne se montrait jamais, occupé à décuver, et son apprentie, Silène, le remplaçait. Mille fois plus capable que son maître celle-là, digne du titre de chaman que nul, hélas, n’avait le pouvoir de confisquer, étant transmis par les dieux seuls au moyen du rêve.

Dayl gigotait en tous sens alors qu’il fouillait ses amples robes décorées de vignes fanées. Un long collier aux diverses pierres colorées s’emmêlait autour de son goître.

─Z’l’aif’tu où sacreuh gland !

Sa danse ridicule s’acheva sur une splendide glissade sur l’herbe mouillée. Une chute misérable. Jilam aida le chaman à se relever.

─ M’rciami… Dituv’draispasm’der. Zé garé l’clef. Steplé…

Et le maudit dégobilla ses entrailles sur les bottes de Jilam qui n’eut pas le temps de s’écarter. Furieux, ce dernier l’envoya paître au sol. Il essuya ses pieds dans l’herbe, puis, maîtrisant son calme, lança au chaman à quatre pattes :

─ Je vais te la retrouver ta clef, et je te la ferai avaler, comme ça plus question de la perdre. Bon sang de troll ! Si on ouvrait les portes avec une amphore de liqueur, jamais tu ne l’aurais égarée.

Et il se détourna, insensible au baragouinage de gratitude de l’autre épave. Il chercha un bon moment avant qu’une idée saugrenue attire ses soupçons. Non, quand même pas. Et après avoir saccagé ses vêtements à fouiller le bosquet et ses alentours, il s’en retourna devant l’entrée de la maison du chaman où se trouvait une grosse pierre gravée de runes. Il la souleva. La clef était là, le narguant de son éclat larmoyant, petite chose sculptée dans le vif-argent. Je vais tuer ce chaman. De mes mains.

Ils se retrouvèrent ensemble à l’intérieur de la butte sacrée, sous le parterre de genêts de lune, dans la maison du chaman aux somptueuses racines sculptées et peintes de scènes mythiques ou coutumières du bois. Les traits las de Jilam flamboyaient au travers du masque de lumière confuse créé par les essaims de topaze, d’améthyste, d’ambre et autres pierres brutes incrustées dans le décorum mystique.

─Zavésôvémononeurnob’ami.

Aucune chance, il ne reste plus une miette à sauver, manqua de répondre Jilam. Le chaman confondit son renfrognement énervé avec de la sage modestie. D’un trot hasardeux, il se dirigea vers l’autel de quartz gris, puis disparut derrière la tenture de lierre fleuri menant à l’antichambre, lieu secret où nul, en principe, n’avait droit d’entrer hormis le chaman. Il en émergea peu apprès. Ses longues griffes terreuses agrippèrent le bras de Jilam et quelque chose glissa dans la paume de ce dernier qui manqua de défaillir au contact de l’haleine de charnier.

─Wot’récoponce, vec’tut’makra-hoc-tude.

Pour finir, il lui marmonna un truc en rapport avec la chaleur des esprits avant de lui souhaiter bon vent et de s’écrouler dans la foulée sur les tapis de nattes soigneusement entretenues. Jilam quitta avec une joie immense l’antre puant du bosquet du sacré fou. L’air frais nettoya ses poumons. Il détailla alors son présent. Deux graines campaient dans le creux de sa paume. D’infimes sillons blancs découpaient leur cosse sombre et effilée. À part ça, rien ne les différenciait de n’importe quelle autre graine. Nellis saura sûrement leur donner une histoire.

Le Seigneur du Zénith, bougon, boudait sous une belle nuée rosée quand Jilam atteignit les sources chaudes après une randonnée qui avait achevé de le purger de son énergie. La vapeur du grand bassin ceinturé de rochers aux opulentes robes de lichen multicolores dessinant de splendides motifs naturels se mélangeait aux langues de brume fraîche descendant des hauteurs ainsi qu’à l’écume explosive des cascades. Les chants d’oiseaux accompagnaient le tambour des multiples chutes d’eau aux chapeaux de craie, crachant leur litanie rageuse dans les vasques où l’eau de la rivière décantait de la boue et des minéraux arrachés au ventre de la montagne avant de s’écouler le long des rigoles de granit cristallin dans le grand bassin couvé par la chaleur du fleuve ardent des profondeurs.

Jilam se déshabilla sans cérémonie et entra dans les eaux opaques et vaporeuses. Leur souffle moite l’enveloppa dans une douce étreinte aux accents amoureux. Il soupira, un long et lent soupir, un soupir par lequel s’évacua le plomb de ses muscles. Son corps se fondit dans les bras du bassin. Les cascades lui susurraient des mots aux notes de sommeil, et ces mots, changés en murmures langoureux, envahirent son esprit qui à son tour se vida tel un tonneau trop plein. Le cœur de Jilam ralentit jusqu’à s’endormir, ses battements suspendus au flot d’air vaporeux. L’image de l’anguille de brume sinua au travers du vide cotonneux dans lequel flottait l’écho de son être.

La caresse froide du vent lui fit ouvrir les paupières. Quelqu’un d’autre se trouvait avec lui dans le bassin. Sa tête en halo ressemblait à une bouée sur la surface opaque. Il ne dit rien, elle non plus. Tous deux demeurèrent immobiles dans l’eau à se fixer sans un mot ni un soupir. Le jeune homme se rappela la raison de leur dispute. Des arguments, miettes désordonnées, crissaient à ses tympans bourdonnants.

Nellis autant que Jilam adoraient se baigner dans cette atmosphère brouillonne au réel abstrait, l’un et l’autre enveloppés d’une douce chaleur à respirer l’air frais, leurs pensées vagabondant au gré des migrations de nuages et d’oiseaux nomades ou bien occupées à détailler le tracé abstrait des tapisseries de lichen.

Une couronne d’écume ceignait la chevelure mouillée, gris poivré, de Nellis. Le souvenir de sa colère la rendait si belle. Comment est-il permis de naître sous un tel éclat ? Jilam ne pouvait se persuader que cette vision enchantée était sienne, comme un rêve que seul le rêveur possède, le secret qu’aucun ne partage sinon lui. Il dut s’abstenir d’aller vers elle, le désir fou de l’embrasser, de lui faire l’amour, là, dans les eaux chaudes, bouillonnantes sous la friction de son cœur éveillé par la fièvre qui l’embrasait. Il souhaitait qu’ils ne fassent qu’un sous les couvertures de brume et d’écume.

Le même désir flamboyait dans les pupilles d’or aux éclairs noirs. Les oreilles rougies de la pointe aux lobes, la sorcière luttait contre le diable vicieux qui manipulait la balance de ses émotions, la volonté écrasante d’arracher son amant aux eaux du bassin et de l’étreindre de toute sa force incontrôlée sur les rochers. La senteur du lichen l’enivrait, le parfum des vapeurs chargées de sels minéraux, le léger relent de soufre, la moiteur de la moisissure et la fragrance des boutons de fougères.

Qui craqua le premier ? Qui, aussitôt, réagit ? Qu’importe. Râles étranglés par le vrombissement des cascades, leurs esprits s’arrachèrent à leurs corps dévorés par l’extase et se mirent à dériver au gré des courants chauds ascendants, bercés violemment par les tourbillons, l’haleine ardente et les bouffées haletantes. Oui, ils s’envolèrent, deux oiseaux, deux plumes perchées sur les colonnes d’orage, deux étoiles amoureuses du soleil. Et puis le néant. Le vide reposant, nettoyé de toutes pensées, corruptrices ou bienfaitrices, la conscience et l’identité consumées par la lave, elle-même évaporée, plus d’air pour respirer, plus de poumons pour s’en rendre compte, plus de cœur pour battre le sang, non plus d’artères à nourrir, l’infini, l’éternel, le commencent et la fin, chacun condensé en un, la vie, synthèse pure de l’ignorance merveilleuse.

Je voudrais tant que tu m’aimes pour l’éternité.

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