Le départ

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Il y a longtemps tu m’attires et me tends les bras. Tu as hanté mes rêves, es venu me chercher à l’aube. J’ai couru à ta rencontre. J’ai répondu présente. J’ai fait mes bagages, je les ai portés, déposés, empaquetés, emportés à nouveau. Malgré tout, aujourd’hui encore, mes mains tremblent en pensant à toi. Je ne t’ai jamais dit de me laisser tranquille alors tu continues de venir me cueillir, encore et toujours. La première fois, j’avançais vers toi avec un tel élan que mes pieds, sûrs de continuer leur route au dessus du sol, ont cru perdre les pédales lorsque la terre s’est dérobée sous les roues de l’avion. J’ai senti mon coeur se serrer en croisant les yeux humides de ma mère. Chaque fois, je ne peux pas m'empêcher de songer que c’est peut-être la dernière. Je me demande toujours si le chien aussi a compris. J’ai le cœur gros en regardant les arbres caresser l’air doux dans l’allée, en goûtant une dernière fraise du potager, en regardant mon père souffler sur la soupe, en sentant l’herbe tiède sous mes pieds nus, car là où je vais, il fait froid.

 Monsieur le départ, moi qui ai pourtant fait ta rencontre maintes fois, je n’ai jamais fini de t'apprivoiser. Tu es inlassablement mystérieux, séduisant et obscur, intransigeant. Tu exiges qu’on quitte ce qu’on connaît et ce(ux) qu’on aime, en acceptant de sauter pieds joints à l’aveuglette dans l’espace-temps.

 Au fond, tu n'es pas là par hasard. Tu nous donnes l’occasion de nous entraîner pour le grand jour, celui où tu lanceras le dernier appel et où nous n’aurons plus le choix. Peut-être notre âme quitte-elle cette terre de la même manière qu’on décolle dans un avion. À mesure que nous nous élevons dans les airs, nous voyons la vie se rétrécir, les maisons, les villes, les routes qui s’entrecroisent et prennent des directions différentes. À l’horizon, la plaie saignante du crépuscule diminue, elle aussi. Nous nous rapprochons du ciel infini et ne savons pas ce qui nous attend au bout. Il faut s’armer de confiance pour traverser la couche de nuages opaques, frontière qu’on ne dépasse qu’en choisissant de monter tout droit sans hésiter, léger, en lâchant le poids du passé.

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