Chapitre 4
Elle se tourna pour regarder son père. Elle ne s’était pas trompée, ses yeux étaient bien plus sombres qu’à l’habitude, mais pas une, mais deux rides avaient élu domicile sur son front.
Il leva la main pour faire taire Adam, mais Rosé prenait déjà la parole.
— C’est Adam, balança-t-elle sous le regard estomaqué de son frère, il m’a fait tomber avec son don.
— Quoi ? s’étrangla-t-il. Balance.
Rosé répondit à son regard rempli de rancune.
— Taisez-vous, s’énerva son père. Adam va je ne sais où, mais pas ici.
Ce dernier ne fit pas prier, il quitta le hall sans un regard au Kepler. Rosé fit un pas vers le grand escalier, mais Hector secoua la tête.
— Pas toi Rosélina.
Rosé avala difficilement sa salive, quand son père l’appelait par son nom entier, elle savait que la sentence allait être plus lourde.
Elle se tourna vers lui et força un autre sourire.
— Je veux te présenter Kaïs Lyose, dit-il d’une voix bien plus calme. Il se tourna vers Kaïs et lui sourit. Veux-tu pardonner ma fille, elle ne s’est jamais retrouvée devant une famille royale ou devant quelqu’un d’aussi important en dehors de son oncle.
Rosé parut étonnée et presque honteuse par cette révélation. Elle ne s’était même pas courbée pour saluer un membre de la famille royale, et il était trop tard pour se rattraper, il la trouverait bien plus étrange après ça. Elle se contenta de regarder de sa réaction. Ses lèvres d’un rose pâle s’étiraient d'un sourire resplendissant. Il semblait briller par sa simple présence, ce qui la surprit, puisque leur planète était connue pour n’avoir aucune source de lumière. Il desserra ses mains pâles et les tendit le long de son corps, Rosé pensait qu’il devait bien avoir un corps musclé sous son t-shirt noir.
Il finit par créer un contact entre eux. Ses pupilles noirs semblaient encore la détailler sous tous les angles.
Rosé finit par détourner les yeux, presque mal à l’aise.
— Ne vous en faites pas, finit-il par répondre d’une voix grave. Mon frère était aussi indiscipline.
Rosé écarquilla les yeux. Comment osait-il ? Elle fit un pas en avant sous les yeux surpris de son père et le regard ennuyé de Kaïs.
— Un problème, Rosélina? lui demanda Hector en serrant les dents.
Elle hocha doucement la tête ce qui provoqua un peu d’étonnement de la part du Kepler.
— Je voudrais me présenter, moi-même, fit-elle d’une voix étrangement calme.
Le Kepler haussa un sourcil amusé. Il se mit en face d’elle et lui tendit la main, elle posa aussitôt sa main chaude dans la sienne. Sa main était aussi rugueuse et chaude qu’elle l’avait imaginée.
— Je suis Rosélina Hamner, dit-elle d’une voix neutre. La fille d’Hector et d’Élia Hamner, renchérit-elle d’une voix qui lui était inconnue.
Il lui serra la main doucement et garda un sourire au coin.
— Kaïs Lyose, futur roi de Kepler, dit-il d’une voix égale à la sienne.
Rosé fut incapable de savoir pourquoi, mais elle ne voulait plus lui lâcher sa main qui semblait refroidir dans la sienne. Elle semblait presque raccrocher à une toute sensation inconnue, tout semblait tourné entre eux, comme s’ils avaient été happés dans une autre force gravitationnelle qui lui était inconnue.
Hector se racla la gorge. Kaïs fut le premier à cligner des yeux, il resta attaché à sa main et plissa les yeux à la recherche de quelque chose de rare ou une réponse à quelque chose qui cherchait depuis longtemps.
Rosé laissa ses doigts se dissoudre doucement de leur poigne. Une lueur joueuse semblait maintenant flotter dans les yeux noirs de Kaïs. Rosé découvrit avec stupéfaction des paillettes d’or flotter dans ses iris semblables aux ténèbres.
— Je vais vous laisser, articula doucement Kaïs. Mon père doit m’attendre. Je dois encore passer voir votre frère le roi.
Hector hocha la tête et déposa une tape affectueuse sur l’épaule de Kaïs. Rosé s’effaça pour laisser passer les deux hommes. Hector ouvrit la porte et laissa passer le prince.
— Partager ma sympathie avec votre femme.
— Bien sûr.
Kaïs hocha la tête et sortit de la maison, il lança un dernier regard à Rosé avant de quitter le porche pour retrouver les graviers de l’allée. Une voiture aux vitres teintées l’attendait.
Hector ferma doucement la porte et soupira.
— Vous êtes incorrigibles tous les deux.
— C’est la faute de Rosé.
Elle se tourna vers Adam, celui-ci entamait un paquet de chips avec un sourire aux lèvres.
— Je lui ai dit que vous étiez là, à la regarder nettoyer ce truc horrible avec son t-shirt sale, lança-t-il sous un ton moqueur. Tu aurais dû voir la tête de Kaïs ! s’exclama-t-il. On aurait dit un pauvre chiot mal traité.
— Ferme-la ! répondit Rosé en le maudissant mentalement.
Elle venait de se taper la honte devant le futur roi de Kepler.
Hector se tourna vers ses enfants. Aucune excuse ou geste ne pourrait laver son embarras qu’avaient causé ses enfants. Kaïs n’était pas du genre à se moquer, mais il savait bien qu’il devait trouver une bonne excuse ou faire un geste le plus rapidement possible. Il pouvait déjà entendre le rire de son frère lorsqu’il lui raconterait. Il secoua la tête et tenta de rattraper le fil de la discussion, mais Adam et Rosé étaient en train de se disputer.
— Tu bavais littéralement dessus, Rosé ! Tu aurais dû voir ta tête ! ria-t-il en se tenant le ventre. Oh, mais attends ! Tu peux !
Il lui lança son téléphone portable, la jeune fille le récupéra au vol. Elle ouvrit en grand la bouche.
Adam n’avait pas tort, elle dévorait le Kepler des yeux, et pas d’une façon des plus élégantes.
— Bordel. Est-c…
— Est-ce qu’un jour vous vous comporterez comme des adultes tous les deux ? hurla Hector.
Un long silence prit place dans le grand hall. Aucun n’osait parler ni même bouger. Lorsque Hector Hamner usait de sa voix, personne n’osait le contredire, pas même Adam, le fils qui lui donnait du fil à retordre. Il ferma les yeux.
— Aller préparer vos affaires, je vous rappelle que vous partez demain pour Europe.
Adam soupira et monta le grand escalier sans faire d’autres remarques qui agrandiraient la colère de son père. Evan descendait au même moment, il secoua la tête dans sa direction.
— Oh la ferme, Evan.
Rosé se tordit les doigts presque mal à l’aise et nerveuse de devoir faire apparaitre ce sujet sur la table, mais c’était plus fort qu’elle. Elle ne voulait pas faire partie de ce monde compliqué.
— Oncle Henri ne t’a toujours pas fait part de sa décision ? demanda-t-elle doucement.
Elle entendit au coin de la pièce Evan siffler et vit Dylan rebrousser chemin vers la cuisine. Elle se mordit doucement la lèvre inférieure et cessa de respirer. Son cœur battait à une vitesse folle alors que son père serra les dents. Elle savait que son père ne supportait pas le fait qu’elle ne veuille pas faire partie de leur vie au grand complet. Elle avait raté tellement de choses qu’il ne les comptait même plus, mais elle ne voulait pas de cette vie.
Hector prit une longue inspiration.
— Le sujet est clos, répondit-il en passant près d’elle pour retrouver son bureau.
Rosé le retint, malgré elle, par le bras.
— Pas pour moi, renchérit-elle, je ne veux pas y aller.
Elle pouvait sentir ses muscles se nouer sous sa poigne. Il fit demi-tour. Ses yeux renvoyaient de la tristesse et de colère.
Une couche d’humidité tombait dans le hall comme un cheveu dans la soupe.
— Tu n’as pas le choix, Roséanne. Tes frères, ta mère et moi-même sommes allés à Europe. C’est notre culture et notre vie d’y aller et de faire ton baptême lunaire. Tu dois le faire, c’est dans ton sang. Tu ne peux pas renier ta famille.
Sa voix avait été calme, mais ses mots avaient été durs. Rosé avait pu sentir les mots attaquer son cœur et tenter de le briser. Elle savait que son père était déçu d’elle, la façon qu’il avait de lui parler et même de la regarder laissait penser qu’il n’aimait pas ce qu’elle était devenue et que ses choix le décevaient bien plus qu’il ne le laissait penser et ça lui pesait sur les épaules. Elle n’était pas prête à quitter l’atmosphère de la Terre et rejoindre le satellite lunaire de Jupiter qui se trouvait à des kilomètres de la Terre. Elle avait peur, peur du vide qui l’entourait, de devoir sortir de son confort et rencontrer des extraterrestres vivants bien plus loin qu’elle ne le pensait. La peur la rongeait depuis qu’elle avait entamé ses vacances scolaires, elle avait essayé de convaincre son oncle, mais il lui répétait qu’il y réfléchirait. Ce qu’il voulait dire « démerde-toi avec tes parents. ».
Elle laissa échapper un soupir.
— Bien, je vais faire mes affaires, si c’est ce que tu veux.
Elle lâcha brutalement le bras de son père et monta le grand escalier en évitant Dylan qui avait assisté à la scène du début à la fin.
— Tout va bien aller, chuchota-t-il.
Mais Rosé ne l’écoutait plus, elle ne voulait plus écouter personne aujourd’hui comme personne ne voulait l’écouter. Elle passa les ranger de portes closes toutes peintes en blanc. Elle passa la chambre d’Adam qui avait surement réglé le son de sa musique à fond. Elle passa l’ancienne chambre d’Edward et finit par se trouver devant la sienne. Elle poussa la porte blanche du pied et rentra rapidement en claquant la porte.
La chambre était aussi grande que la maison lui permettait. Un grand lit trônait contre un mur sombre et un dressing immense se tenait à l’opposé. Une large fenêtre laissait entrer une brise étouffante. Rosé se débarrassa de ses chaussures et s’avança vers le dressing. Elle fouilla à l’intérieur et y récupéra un grand sac que Dylan lui avait donné. Il lui avait servi autant qu’il lui servirait. Elle l’ouvrit en grand et resta un instant à examiner le contenu. Qu’est-ce qu’elle devait mettre dedans ? Des vêtements, mais quel genre ? Elle finit par s’asseoir sur le bord de son lit en ne quittant pas le sac de sport bleu. Les paroles d’Edward lui revenaient en mémoire. Elle devait mettre ses vêtements qu’elle portait par habitude. Elle laissa échapper un soupir et monta le son de sa propre musique.
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