Une étoile dans la nuit

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  Ainsi, le 22 décembre, nous avons pris la route pour nous rendre en Maurienne dans un petit village où nous avions loué un chalet un peu isolé dans la montagne.

Je ne vous raconte pas, je suis débrouillarde mais je me rends compte qu’un homme c’est bien utile… au moins pour mettre des chaînes sur les roues de la voiture… à trois filles… novices nous avons un peu.. ( beaucoup ! ) galéré…

Fort heureusement, un papi de la vallée passait par là et s’est gentiment arrêté pour nous faire un cours pratique sur le bord de la route !

Nous l’avons chaleureusement remercié avant de nous remettre au chaud dans la voiture avec nos mains gelées par toutes ces manipulations inédites pour nous.

La chance pour nous, notre bon samaritain connaissait le hameau où nous devions nous rendre.

Ainsi, après quelques lacets, le chalet fit son apparition.

Une grande maison en bois, comme on peut en voir à la montagne, elle était magnifique.

Placé à mi-pente de la petite vallée, il ressortait bien au milieu de toute cette surface enneigée.

C’est dingue, mais ça faisait vraiment carte postale, un ciel de neige, une forêt aux arbres recouverts de cette délicate poudre blanche qui leur donne un aspect légèrement grisâtre comme s’ils avaient étaient peints.

Par-delà cette forêt, on pouvait voir en toile de fond, les pentes abruptes et rocheuses des montagnes ceinturant et veillant sur la vallée comme des géants assoupis.

Oui, nous nous trouvions comme face à une toile ou une photo. Seuls détails qui prouvaient que ce n’était pas le cas, les flocons qui tombaient par milliers en dansant, mais aussi la fumée qui sortait de la cheminée de notre maison.

En arrivant, nous avons été accueillies par les garçons, David, Manu et Stéphane qui avaient pris possession de la maison ce matin auprès du propriétaire.

Le feu crépitait déjà dans la cheminée, et par chance, les lieux étaient bien équipés, car ils avaient même trouvé de quoi mettre des décorations dans la maison. Même un sapin ! Artificiel ! Au milieu de cette montagne jonchée de pleins de ses congénères vivants… il était là, superbe, imposant, je ne sais quelle hauteur il faisait, mais pour l’étoile, nous allions être obligés de passer par la mezzanine.

Les décorations furent installées avant même que nos bagages ne soient défaits.

L’ambiance était joyeuse et bon enfant.

Les jours suivants qui précédaient le réveillon furent bien remplis entre les courses au village, les descentes en luge et la confection de bonhomme de neige entre deux batailles de boules.

Comme le temps passe vite quand on s’amuse bien ! Nous sommes nous donc vite retrouvés le 24...

Il avait neigé toute la journée, et avec le brouillard, nous nous sentions encore plus isolés du monde… moi qui aime bien Stephen King, je m’amusais à penser que tout ça, si cela devait durer dans le temps aurait pu tourner à Shining… mais non rassurez vous, nous nous sommes pas dans un remake du film de Kubrick ou une pâle copie du roman du maître de l’horreur.

Non, ici, c’était très bon enfant, j’en veux pour exemple tous les jeux faits dans la neige et même les parties de Uno endiablées le soir après le dîner…

bref, le soir de Nöel, habillés de la plus belle des manières selon les circonstances en pull et pantalon chaussettes, nous nous préparions à faire notre réveillon dans cette immense salle à manger réchauffée par le feu de cheminée.

Nous avons passé une forte agréable soirée, où nous avions bien mangé et bien bu.

Après quoi nous avons échangé nos différents cadeaux et on est tous bien tombés dans nos choix sans faire de doublettes ni d’impair.

J’ai eu droit entre autre à un bon bouquin, de beaux objets décoratifs, mais aussi un bon pour un massage bien-être dans un salon d’esthétique avec pour consigne de me détendre car on me sentait stressée… Difficile de cacher ces choses aux gens que l’on aime.

En fin de soirée, je suis sortie fumer une cigarette sous les étoiles. Dehors, c’était magnifique. Malgré le froid, il régnait une atmosphère apaisante et chaleureuse dans cette montagne, le temps était dégagé et je pouvais apercevoir plus bas dans la vallée les maisons et les hameaux illuminés par les décorations.

Ma cigarette écrasée, je n’ai pu m’empêcher de m’avancer sur le petit chemin qui menait vers la forêt, car la vue y était encore plus belle, ce n’était pas chose aisée car avec la neige qui était tombée je m’enfonçait presque jusqu’au genou. Mais vu que c’était un chemin que nous avions maintes fois empruntés ces derniers jours ce n’était pas non plus chose impossible que de s’y aventurer.

Arrivée au « belvédère » (excusez-moi du peu ! ) j’avais maintenant un œil sur le reste de la vallée et notamment sur le petit village en contrebas et la vue était effectivement à la hauteur de mes espérances. Le clocher dominait le tout, et les guirlandes apposées sur les arêtes de l’édifice donnait un air particulier, j’avais l’impression de regarder un de ces petits villages de Noël miniatures que l’on trouve dans les magasins, vous savez ces petits édifices avec des petites lumières et intégrés dans une petite scène de la vie hivernale, avec par exemple des enfants sur des patins à glace ou auprès d’un bonhomme de neige.

Cette nuit de Noël était silencieuse et les étoiles dans le ciel me rappelaient la petitesse de mon être.

Je me suis mise à penser à mes être chers et... à mon homme.

Mon homme ? Oui mon homme…. Ou plutôt l’homme de ma vie, l’homme que je n’ai pas su aimer correctement, j’avais gâché notre couple et lorsque je m’étais rendue compte de mes erreurs, il avait pris un autre chemin de vie et quand enfin les étoiles se sont alignées pour que nous puissions enfin nous retrouver, le destin s’est rappelé à nous, et le grand patron , s’il existe, l’a rappelé auprès de lui, il me l’a arraché des mains alors que j’allais enfin pouvoir le serrer contre ma poitrine.

Quand il a été hospitalisé, il devait savoir que c’était la fin, alors que, selon les médecins, il lui restait des chances de s’en sortir. Il est parti au bout de quelques semaines après avoir lutté douloureusement contre cette mauvaise infection, il a eu le temps de s’attacher au personnel du service de l’hôpital, je l’ai vu, eux aussi s’étaient attachés à lui. Dans son dernier courrier, qu’il avait rédigé comme un testament sentimental et un récit sur les dernières années de sa vie, il m’a fait part de tellement de sentiments et de ressentis, j’ai compris trop tard que c’était des adieux.

Le temps que je me retourne pour venir le voir, je n’ai trouvé à mon arrivée, que le personnel hospitalier attristé, et en particulier une infirmière très affectée, je me répète, mais je crois qu’elle l’avait aimé, vraiment, de tout son cœur, de tout son être...

Je n’ai pas assisté à ses funérailles, je n’étais que son ex, celle qui lui avait tant fait de tort, je ne suis venu le voir que quelques jours plus tard devant cette petite pierre de marbre où son nom est gravé à jamais.. difficile de s’y faire, de comprendre, d’accepter, d’intégrer que l’homme de sa vie est maintenant dans une petite urne, enfouie sous ces monceaux de fleurs plus belles les unes que les autres et que jamais plus, je ne verrai plantés dans mon regards ses beaux yeux noisettes.

Tout ce chemin parcouru, à comprendre que lui seul comptait, le destin nous avait rattrapés, je me voyais comme le lièvre de la fable qui a pris tout son temps pour arpenter le chemin pendant que cette tortue de vie est arrivée tranquillement à son terme…

Ce n’était donc plus des larmes de froid qui coulaient de mes yeux, c’était ma solitude, ma tristesse et mon désarroi qui se rappelaient à moi.

J’aurais tant aimé qu’il voit tout ça, avec moi, blottie dans ses bras… mais c’était chose impossible depuis maintenant deux ans.

Mes pensées furent interrompues par un cri, un cri d’animal apeuré ou perdu qui venait d’un peu plus loin sur le sentier de la forêt.

C’était quoi ? Chaton ? Chiot ? je n’arrivais pas à distinguer.

Je suis donc partie dans cette direction, le cri semblait se préciser au fur et à mesure de mon avancée. C’était comme une supplique désespérée, avec le froid qui régnait, l’animal allait y rester.

Je me dépêchais donc, en forçant le pas. Par chance, le sentier était un peu plus tassé à certains endroits ce qui me permettait de courir dans l’obscurité.

Le cri semblait tout proche quand la neige s’est dérobée sous mes pieds. j’ai fait une chute d’un ou deux mètres et suis partie en roulé-boulé. Ma tête a heurté une racine ou une pierre mais la douleur intense du choc n’a duré qu’une demi-seconde car je crois que j’ai perdu connaissance.

Je suis revenue à moi, j’étais sur le dos face à ce ciel étoilé, un point lumineux en particulier brillait dans le ciel. C’était vraiment intense, je plissai les yeux pour vérifier que ce l’était pas un avion ou ne je ne sais quoi d’autre encore d’artificiel mais non c’était bel est bien une étoile dans le ciel.

Je me suis redressée sur mes coudes et des craquements de bois résonnèrent un peu plus loin dans la forêt et semblaient se rapprocher. Incapable pour l’instant de bouger, je commençais sérieusement à flipper. Je ne sais quel animal sauvage vit dans ces contrées… un loup ? Un ours ? Non je ne pense pas... un lynx ? Je me suis refait toute l’imagerie des animaux de la forêt en passant en revue toutes les bestioles qui pouvaient venir me tracasser.

Je me faisais de plus en plus petite et c’est là que je l’ai aperçu. Il semblait sorti de nulle part : Eric.

Il était là, face à moi, habillé d’un simple pull avec une espèce de lumière qui l’entourait, comme une phosphorescence.

- Carole, redresse-toi.

- Eric ? Mais, mais qu’est ce que tu fais là ?

- Un vieil ami m’a dit que tu voulais me voir.

Comme de petits torrents cristallins, des larmes coulaient maintenant sur mes joues.

Il se rapprocha, et vint s’asseoir à côté de moi.

- Mais ce n’est pas possible !

- Le soir de Noël tout est presque possible.

Je parvins à m’asseoir moi aussi au côté de mon cher et tendre.

- Tu, tu m’as tellement manqué ! Tu es parti tellement vite…

- Oui je sais, mais tu sais je n’ai pas vraiment eu le choix…

- Eric... je, je n’y arrive plus sans toi, ma vie ne me sert plus à rien, je donnerais tout ce que j’ai pour être avec toi… et si ce n’est pas possible...que nous puissions échanger nos places.

- Tu le sais ce que ce n’est pas possible, j’ai fait mon temps ici bas, toi tu n’as pas fini ! Tu as encore tant de choses à faire, tant d’amour à donner, à vivre…

- Mais c’est toi que j’aime ! Tu es mon seul amour ! Si tu savais comme je m’en veux de m’être tant trompée ! Je m’en veux de t’en avoir voulu aussi, de ne pas avoir accepté que tu pouvais avoir une autre vie qu’avec moi...Tu me manques tellement, si tu sav-

- Carole ! Carole, je sais. Mais c’est comme ça c’est la vie. N’aie pas peur, tout va bien pour moi. Je suis bien entouré. J’ai même vu ton grand-père, tu diras à ta mémé qu’il est apaisé, il a laissé ses cauchemars ici-bas. Ne t’inquiète vraiment pas. Il est temps maintenant de toi aussi t’apaiser, ça va aller.

Au son de ses paroles, je me rendis compte qu’une chaleur me gagnait petit à petit…

Nous avons ainsi échangé pendant quelques minutes, ses paroles étaient rassurantes, et malgré tout j’ai beaucoup pleuré.

A un moment donné, il me dit simplement :

- Carole, il va falloir que je te laisse, le temps est venu.

Je savais que ce moment devait arriver tôt ou tard, malgré cette soudaine peur du vide qui m’étreignait, j’allais pouvoir le laisser partir en paix…

Il se leva donc et me fit un grand sourire.

Je lui dis : A bientôt, mon amour.

- Le plus tard possible.

Je voulais lui dire une nouvelle fois que je l’aimais mais il tourna les talons et partit entre les arbres.

- Eric, attends ! Eric !

Je tendis la main vers lui…. Mais il disparut dans l’obscurité.

Résignée, je me suis affaissée le dos dans la neige et j’ai fermé les yeux… peu de temps après, on me secoua légèrement par les épaules :

- Carole… CAROLE !

J’ouvris les yeux :

- Eric ?

- Ben non, c’est David !

- Qu’est ce que tu fais là ?

- Tu es sortie fumer une clope et je suis sorti peu de temps après toi, je ne t’ai pas trouvée, j’ai suivi tes pas dans la neige, je t’ai entendue crier, et je te retrouve là, avec une blessure au front. Viens relève-toi, tu dois avoir froid, on va rentrer. Tu peux marcher ?

- Oui oui, j’ai juste un peu mal à la tête, mais je n’ai pas froid du tout.

Et nous sommes rentrés au chalet. La tête de mes amis lorsqu’ils m’ont vue avec ma blessure et mes vêtements tout trempés !

Ils ont été aux petits soins avec moi le reste de la soirée, et je sais qu’Amélie m’a veillée une bonne partie de la nuit.

Le lendemain matin je me suis réveillée le cœur étrangement léger. Malgré l’insistance de mes amis, j’ai refusé d’aller chez le médecin au village ou à l’hôpital dans la vallée.

Le lendemain, nous avons rangé nos affaires et rendu le chalet avant de prendre la route. Par précaution j’ai laissé les deux filles conduire.

Arrivées dans la vallée, alors que nous étions arrêtées à un feu, je tournai machinalement la tête vers la droite et je vis un gendarme sur le côté en train de contrôler une voiture. Il tourna la tête vers moi. C’est là que je l’ai reconnu ! Gabriel ?! Amélie a redémarré au feu vert, et Gabriel m’a fait un grand sourire en me saluant de la main droite comme un militaire, et, en tournant, il a disparu de mon champ de vision, je retournai la tête en souriant, et cette chaleur si particulière me gagna à nouveau le cœur. C'est là que j'ai sentis quelque chose vibrer dans ma poche.

Je glisse ma main dans celle-ci, et en sortit un petit objet qui était très chaud : le médiator de Gabriel. Les ailes gravées dessus brillaient très fort.

Je refermai la main dessus en souriant.

Et nous sommes rentrées tranquillement chez nous.

Bien sûr la vie reprit son cours... mais de façon beaucoup, beaucoup plus légère, je me sentais, en effet soulagée d’un poids….Je me sentais, enfin, heureuse.

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