Cheveux Frisés
CHEVEUX FRISES
Borgne et Tête d'Aigle dorment profondément. Le sommeil m'échappe : je pense à Fleur de Neige. Sans tristesse, bien au contraire. Je désire intensément l'avoir à mes côtés pour partager mon bonheur. Mais rien n'est parfait pas vrai ? Il faut savoir apprécier les bienfaits à notre portée et s'en contenter. Je me lève et m'éloigne dans le sous-bois. La lune est belle. Elle accroche sur les feuilles les scintillements de l'eau miroitante. J'aime m'imprégner des beautés du monde, me sentir un élément d'un tout harmonieux. J'aime ce silence apaisant. Il me réconforte et me rend meilleur. Du moins, j'en ai la profonde conviction. Je m'avance sur un monticule que limite un à-pic. Je m'adosse à un arbre très ancien. Je contemple la vue qui s'étend à mes pieds. La nuit est claire. Là-bas, au loin, commence la Grande Plaine. Je retrouve enfin l'intimité avec mon pays. Je me sens lié à lui autant qu'à Fleur de Neige. Il me nourrit, il me dispense généreusement ses dons, me donne du courage. C'est pourquoi je le respecte et l'aime. L'espoir d'une vie douce et tranquille renaît dans mon cœur quand je le parcours sans contrainte comme je le fais depuis cinq jours. Je me sens en sécurité à marcher dans les bois protecteurs. Je suis au mieux de moi-même quand, me dissimulant derrière un arbre ou un buisson, je reste à l'affût d'un lièvre que la flèche m'apportera au dîner. J'aime observer la biche quand elle promène son petit ou le cerf majestueux broutant l'herbe grasse. J'aime me promener à travers ce pays et m'y étendre, dans un vallon verdoyant, bercé par le doux murmure de la rivière limpide. Je me sens libre comme jamais je ne l'ai été. C'est pourquoi je suis heureux et je désire Fleur de Neige à mes côtés pour partager mes sensations. Le premier homme, quand il est venu à l'existence dans le monde nouvellement créé, a dû connaître le même bonheur que moi en ce moment. Je contemple la nuit si belle, si paisible et un chant me vient à l'esprit. Je l'entonne avec ferveur.
Il dit :
« Il était agréable à voir,
ce monde nouvellement créé.
Sur toute la longueur et la largeur
de la terre, notre grand-mère,
s'étendait le reflet vert de sa couverture
et les odeurs qui en montaient
étaient douces à respirer. »
Mon sommeil fut paisible et doux. Tête d'Aigle se réveille le premier. Après avoir mangé le reste de nos provisions et effacé toute trace de notre passage, nous levons le camp. Nous descendons vers la Grande Plaine. Nous marchons les uns derrière les autres. Borgne en tête. Nous restons silencieux. Un peu inquiets. Nous ne savons quel accueil nous sera réservé.
Le soleil a déjà dépassé le point le plus élevé de sa course céleste quand nous apercevons le Fort Lyon loin devant nous. Nous continuons. Soudain, trois cavaliers nous barrent le chemin. A notre vue, les uniformes bleus descendent de cheval et se mettent en position de tir. Mon cœur s'accélère dans ma poitrine. Borgne agite les mains en signe de paix et brandit la lettre de Chaudron Noir. Les uniformes bleus semblent hésiter. Ils pointent leurs armes sur nous et s'approchent prudemment, comme pour la chasse. Nous ne bougeons plus pour ne pas les effrayer alors qu'ils sont armés et pas nous. Deux d'entre eux nous tiennent au bout de leur fusil. Le troisième nous attache les mains dans le dos. Puis ils nous escortent jusqu'au fort.
Ils nous remettent entre les mains de leur chef. Celui-ci nous dévisage d'un œil méfiant. Il est jeune pour un chef. Mais je sais que chez les blancs, l'âge ne compte pas. Je le dévisage aussi. Ma curiosité semble le gêner. Alors je regarde ailleurs. Mais j'ai eu le temps de voir ses yeux bleus et ses cheveux frisés sous son grand chapeau. Il demande la raison de notre présence autour du fort. Nous sentons toujours la menace des trois fusils dans notre dos.
— Nous apportons un message de Chaudron Noir, chef des Cheyennes. Il désire que tu viennes à notre camp de Smoky Hill pour nous guider en toute sécurité jusqu'à la réserve. Il veut s'y rendre avec tout son peuple pour obéir à Grand Chef Evans.
Cheveux Frisés prend le message que lui tend Borgne et le lit. Il ne semble pas rassuré pour autant. Notre présence attise la curiosité des uniformes bleus car ils sortent de partout. Mais ils gardent leur distance. Ils ne sont pas très nombreux. Peut-être une centaine.
— Combien êtes-vous à Smoky Hill ? Demande Cheveux Frisés.
— Deux mille Cheyennes et Arapahos, répond Borgne. Et environ deux cents de nos amis Sioux qui sont venus nous rejoindre car ils étaient las d'être pourchassés par les soldats.
— Les deux femmes et les cinq enfants sont à Smoky Hill aussi ?
— Oui. Chaudron Noir est disposé à les libérer. En retour, il désire la protection des soldats pour se rendre dans la réserve.
Cheveux Frisés ne dit rien. Il réfléchit. Puis il ordonne de nous détacher et de nous enfermer.
Nous restons une nuit, une journée et une autre nuit prisonniers. Je suis sûr qu'ils viendront bientôt nous chercher pour nous tuer. Mais Borgne me fait taire. Il m'exhorte à faire confiance à Chaudron Noir.
— Il a mentionné les prisonniers dans sa lettre car il sait que les blancs voudront les libérer. Nous seuls pouvons conduire sains et saufs les uniformes bleus à Smoky Hill. Pour cette raison, ils ne nous tueront pas, m'explique Borgne.
Il a peut-être raison mais l'inquiétude reste tapie au fond de moi. Le grincement de la porte indique que l'on vient nous chercher. La lumière du jour nous aveugle. Puis nos yeux s'y habituent. Les uniformes bleus sont à cheval, en colonne de trois et armés. Trois chevaux nous attendent. On nous fait signe de les monter. Nous obéissons.
Cheveux Frisés crie un ordre et la troupe se met en marche. Deux uniformes bleus ouvrent les portes. Nous quittons Fort Lyon. Cheveux Frisés vient à notre hauteur et dit :
— J'ai décidé d'aller à Smoky Hill pour libérer les prisonniers blancs. Vous me servirez de guides et d'otages. Au moindre signe de traîtrise de la part de votre peuple, je vous ferai exécuter.
— Les Cheyennes ne manquent pas à leur parole, répond Borgne. S'ils étaient parjures, je ne me soucierais pas de mourir.
Cheveux Frisés ne trouvent rien à redire et nous continuons en silence.
Le soir, nous prenons notre premier repas depuis deux jours, entourés par dix uniformes bleus. Puis ils nous attachent les mains et les pieds pour la nuit.
Le lendemain, Cheveux Frisés vient demander si nous avons passé une bonne nuit. Nous répondons par l'affirmative.
— J'espère que vos captifs ont été traités aussi bien que vous l'avez été.
— Ils sont bien traités.
— Même les deux femmes ? Je prie le Tout Puissant que personne n'a abusé d'elle... dans votre intérêt.
— Nous avons nos femmes et nous les aimons. Aucun indien sensé n'irait commettre une telle folie. Il serait désapprouvé par tout le peuple qui demanderait aussitôt réparation. Elles n'ont rien à craindre de notre part.
Chaque jour nous parlons ainsi. Le troisième jour, Borgne lui explique combien notre mission est importante pour l'avenir de notre peuple car nous ne voulons pas combattre l'homme blanc mais vivre en paix avec lui. Le quatrième jour, nous discutons de façon plus détendue. Cheveux Frisés nous parle de ses parents, de sa femme. Elle doit lui manquer certainement.
— As-tu une femme Seqoya ?
— Oui. Elle s'appelle Fleur de Neige.
Je lui dis aussi comme j'ai hâte de la revoir pour la rassurer car elle n'aime pas que je parte pour une mission aussi périlleuse chez les blancs. Il me répond qu'il la comprend car sa femme éprouve les mêmes craintes quand il est en mission contre les indiens.
Le soir même, Wynkoop – Cheveux Frisés nous a appris son nom – renvoie les uniformes bleus qui nous surveillent. Nous n'avons plus nos membres attachés comme les nuits précédentes. Après tout, il y a aussi des blancs qui sont bons. Wynkoop Cheveux Frisés en fait partie.
Le cinquième jour, les uniformes bleus deviennent de plus en plus nerveux car nous approchons de notre camp. Nous les rassurons de notre mieux en jurant sur notre vie qu'il ne leur arrivera rien. Ils sont encore moins à l'aise quand nous apercevons plusieurs dizaines de guerriers, alignés comme pour un combat.
Borgne quitte notre groupe et rejoint Chaudron Noir. Ils échangent quelques paroles. Il revient peu après pour demander à Wynkoop Cheveux Frisés de faire reculer les soldats pour éviter les provocations des guerriers rendus nerveux par la mort d'Ours Chétif et les proclamations de Grand Chef Evans. Les uniformes bleus obéissent sans discuter, les armes chargées, prêts à tirer. Chaudron Noir et Wynkoop Cheveux Frisés s'avancent et conviennent tous deux d'un conseil pour le lendemain.
Le premier jour de la Lune Où le Cerf Gratte la Terre, Cheveux Frisés se présente au camp, accompagné par six de ses hommes. Chaudron Noir les attend ainsi que les chefs des principales tribus. Les indiens présents à ce conseil sont : Chaudron Noir, chef des Cheyennes, Grand Ours, frère d'Ours Chétif et chef des Guerriers Chiens, Petit Rapace, chef des Arapahos, Antilope Blanche de notre tribu, Néva, Bosse, Vieux Bison, Notanee et Mains Gauche de la tribu des Arapahos, Borgne et moi.
Nous nous asseyons en cercle sur des couvertures. Chaudron Noir souhaite la bienvenue aux uniformes bleus et les met à l'aise par quelques paroles bienveillantes. Puis Grand Ours prend la parole.
— Je suis Grand Ours, chef des Guerriers Chiens. J'ai signé le traité de Fort Laramie. Je me suis toujours efforcé de le respecter ainsi que mon frère Ours Chétif. Nous avons toujours essayé de vivre en paix avec les hommes blancs et jamais nous n'avons fait de tort à aucun blanc. Malgré tout, les soldats ont tué deux des nôtres à Verger Fremont ainsi que mon frère Ours Chétif et cela sans provocation de leur part et sans raison valable. Vous nous rendez responsables des troubles mais ce ne sont pas les indiens qui sont à blâmer. Les hommes blancs se comportent comme des renards et il est impossible de respecter la paix avec eux ; la seule chose qui reste à faire aux indiens est de combattre.
Ces paroles mettent mal à l'aise Wynkoop Cheveux Frisés et ses hommes. Chaudron Noir est impassible. Il ne montre pas ses sentiments. Un sourire semblable à celui d'Ours Chétif est sur son visage. Wynkoop Cheveux Frisés balance sa tête comme pour dire non.
— Grand Ours a parlé le langage de la vérité. Les choses sont comme il a dit. - C'est Petit Rapace – J'aimerais serrer la main aux hommes blancs, mais je crains qu'ils ne souhaitent pas faire la paix avec nous.
Wynkoop Cheveux Frisés est très mal à l'aise, comme s'il était assis sur un nid de serpents à sonnette. Borgne est furieux. Il demande la parole.
— Mes frères, j'ai honte d'entendre de tels propos. Avec Tête d'Aigle et Seqoya, nous avons traversé le feu pour rencontrer Grand Chef Wynkoop. Nous avons gagné son amitié parce que la paix était sur notre langue. J'ai pris l'engagement de faire entrer pacifiquement les Cheyennes et les Arapahos dans leur réserve. Grand Chef Wynkoop a accepté de venir dans un esprit de paix. Mais il n'entend que des paroles de ressentiments. J'ai donné comme gage ma parole et ma vie au grand chef militaire. Si mon peuple ne veut pas agir de bonne foi, je me joindrai aux hommes blancs et je combattrai à leurs côtés. Je sais que beaucoup de guerriers suivront mon exemple.
Le silence s'installe. J'observe chaque membre du conseil. Chacun observe son voisin. Puis Chaudron Noir demande à Wynkoop Cheveux Frisés s'il en est bien ainsi.
— Je ferai mon possible pour que les blancs laissent les indiens vivre leur vie paisiblement. Mais je ne suis pas un grand chef et je n'ai pas le pouvoir de décider pour tous les soldats. Je suis venu vous demander pacifiquement de libérer les captifs : deux femmes et cinq enfants et de les remettre sous ma garde. Je vous propose de choisir des représentants de votre peuple et de venir à Denver discuter avec le colonel Chivington et le colonel Evans. Je vous promets de vous accompagner pour vous soutenir dans vos efforts de paix avec les grands chefs militaires. Si vous êtes d'accord, faites le moi savoir.
Après de longues discussions, Chaudron Noir se lève et dit :
— Je suis heureux d'entendre le grand chef Wynkoop. Je ne veux pas lui avoir souhaité la bienvenue en vain. Il y a des mauvais blancs et de mauvais indiens. Les mauvais sujets des deux côtés ont provoqué des troubles. Quelques-uns de nos jeunes se sont joints à eux. Mon peuple m'est témoin. Je suis hostile à la guerre et j'ai fait tout ce qui était en mon pouvoir pour l'empêcher. Je crois néanmoins que ceux qui sont à blâmer, ce sont les hommes blancs. Ils ont commencé la guerre et forcé les indiens à se battre.
Pour montrer ma bonne foi, je libérerai les quatre enfants blancs qui sont chez moi. Les deux femmes et l'autre enfant sont dans un camp plus au nord. Un certain temps sera nécessaire pour négocier leur libération. Faites venir les enfants.
Les quatre garçons sortent du wigwam de Chaudron Noir. Un uniforme bleu se lève et va les rejoindre. Il se baisse pour être à leur hauteur, leur parle un instant et revient à sa place dans le cercle du conseil.
— Alors capitaine ? Ont-ils été bien traités ?
— Ha ça oui. Ils préfèrent rester avec les indiens que rentrer chez eux.
Wynkoop Cheveux Frisés remercie Chaudron Noir car il sait qu'il a pris soin lui-même des captifs. Un sourire étrange éclaire le visage de Chaudron Noir.
— J'accepte votre proposition de nous soutenir dans nos efforts de paix et de nous conduire à Denver. En attendant de trouver une solution avec Grand Chef Evans, je vous demande de nous permettre de rester à Smoky Hill où nous nous sentons en sécurité, à l'abri des mauvais blancs.
Wynkoop Cheveux Frisés donne son accord. Ainsi se termine le conseil.
Chaudron Noir a parlé avec sagesse. C'est pourquoi il a obtenu ce qu'il désirait : la protection des uniformes bleus pour rencontrer Grand Chef Evans et la sécurité de notre peuple à Smoky Hill où nous pouvons encore chasser sans être harcelé par les blancs.
La plupart des chefs sont partis sur un chariot pour rencontrer le Grand Chef Evans, protégés par Wynkoop Cheveux Frisés. Chaudron Noir a emporté le drapeau des Etats Unis qu'il a laissé flotter librement au bout de sa hampe. Seuls Petit Rapace et Main Gauche ont refusé parce qu'ils n'ont pas confiance dans les promesses de Grand Chef Evans et de Grand Chef Chivington et aussi pour empêcher les jeunes Arapahos de provoquer des troubles pour venger la mort d'Ours Chétif. Calot Militaire reste aussi pour veiller sur nous.
Quant à moi, je suis heureux. Je vais pouvoir enfin me consacrer à Fleur de Neige et vivre avec elle de beaux moments de rêve. Je passe beaucoup de temps avec elle. Les nuits sont déjà froides. Nous devons penser à constituer nos provisions d'hiver. Nous cueillons ensemble les fruits des bois généreux. Pendant qu'elle les prépare, je pêche. Les chaleurs de l'été ont tari la rivière. L'eau est peu profonde. Ma flèche ramène aisément les poissons que nous laissons sécher sur une pierre chaude pendant la journée. J'aime avant tout chasser. Je pars tôt le matin et je reviens le soir juste avant le coucher du soleil. Je ne veux pas m'éloigner et laisser ma Fleur de Neige seule deux jours de suite.
Quel bonheur de me retrouver dans la forêt, de repérer puis de suivre la trace du cerf ! Je joue avec lui. Je me dissimule à sa vue. Je m'enduis de l'herbe du chasseur pour qu'il ne sente pas ma présente. Je me déplace sur les ailes du vent pour qu'il ne m'entende pas. Je m'accroupis derrière un buisson, l'arc en position. Je le laisse brouter tranquillement pour le rassurer. Je bande lentement l'arc et vise à travers le feuillage. Je prends mon temps. Je lâche. La flèche jaillit du buisson et atteint son but. Je saigne l'animal aussitôt, le suspends à une branche basse et laisse le sang couler. C'est mon offrande à notre Mère la Terre. Je retourne tout fier au camp, heureux que l'on remarque ma prise.
Mais je ne trouve pas Fleur de Neige. J'apprends qu'elle a eu un malaise et qu’elle repose chez ses parents. Je suis un peu inquiet. J'ai aimé tous ces jours de bonheur que nous avons connus. Mais il ne fut pas complet car j'attends le retour de Chaudron Noir pour connaître les décisions prises à Denver et qui engagent l'avenir de notre tribu. Allons-nous enfin jouir de la paix et de lendemains rassurants ? Cette question occupe toujours une partie de mon esprit. L'avenir calme et tranquille que je désire n'a de sens que si je le partage avec Fleur de Neige. Je ne veux pas qu'il lui arrive malheur. C'est avec une appréhension au cœur que j'interroge ses parents. Ils voient mon visage assombri et rient. Cela me rassure. Ils ne me répondent pas mais disparaissent dans leur wigwam et ressortent avec ma bien-aimée.
— Elle va mieux maintenant, me dit sa mère.
Je la remercie et soutiens fleur de Neige. Nous rentrons chez nous. Je l'allonge sur la couche et m'agenouille près d'elle en lui prenant la main. Elle me fixe en silence. Un sourire s'épanouit sur son doux visage. Je murmure à son oreille :
— Repose-toi ma douce.
Mais elle se redresse, caresse ma joue, passe la main dans mes cheveux et m'annonce :
— Mon bien-aimé, j'attends un petit enfant depuis trois mois.
Je m'attends si peu à cette nouvelle et reste la bouche ouverte. Revenu de ma surprise, je la serre dans mes bras, très fort. Je m'étends tout contre elle. Je la câline tendrement, avec fougue et respect.
Vers le milieu de la lune de l'Herbe Sèche, Chaudron Noir et les autres chefs sont de retour. Le camp tout entier leur souhaite bruyamment la bienvenue. Nous nous attroupons autour de leur chariot. Nous ne leur donnons pas la possibilité de descendre car nous sommes nombreux à les entourer. Nous les abreuvons de questions, intarissables, comme les crues de la Lune des Belles Feuilles.
Chaudron Noir prend la parole et dit :
— Chef Wynkoop a tenu ses promesses. Il a été d'un grand secours pour nous permettre de rencontrer Grand Chef Evans et Grand Chef Chivington. Ils nous ont reproché des troubles que nous n'avons pas provoqués. Nous nous sommes expliqués à ce sujet. Nous n'avons pas pu les convaincre de notre bonne foi. Ils nous ont conseillés de nous soumettre aux autorités militaires en nous rendant à la réserve de Fort Lyon et d'aller trouver Chef Wynkoop quand nous serons prêts à obéir.
Aussi, je vous propose de lever le camp et de descendre à Sand Creek. La chasse y est mauvaise mais Chef Wynkoop a promis de distribuer des vivres si nous sommes en difficulté.
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