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Ses yeux capturent les miens, reprenant aussitôt une teinte plus douce.

— Calme-toi, Meg… Viens contre moi. Pardonne-moi pour ce matin. Dave m’a tout raconté. Il voulait me protéger, mais il s’est trompé.

Je suis si bien, à l’abri dans l’enceinte de ses bras. Avec lui, je sais qu’il n’y aura aucun geste déplacé.

— Pourquoi tu baisses les yeux ? m’intime-t-il alors qu’il me relève le menton.

— J’ai honte que tu m’aies vu ainsi… murmuré-je si bas que je suis surprise qu’il m’ait entendu.

— Tu as tort, Meg. Tu n’as pas à être gênée. C’est à eux de l’être, pas à toi ! Et puis… Enfin, regarde-toi, tu es magnifique !

Oh, Sunny ! Si tu te voyais comme je te vois, tu comprendrais que je ne fais pas le poids…

— Ne te moque pas, à mon âge… balbutié-je entre les dents, presque embarrassée de cet aveu.

Hébété, il penche la tête pour la rapprocher de mon visage, me fixant, interrogateur.

— De quoi parles-tu ? Si à la trentaine tu te préoccupes déjà de ça, que diras-tu quand tu auras mon âge ?

S’il savait ! Pourquoi a-t-il fallu que nos routes se croisent dans cette fichue banque au lieu du supermarché du coin pendant ses courses ?

— Sunny, j’ai plus de quarante ans…

— C’est vrai ? souffle-t-il, telle une caresse. Eh bien, je préfère que tu sois un peu plus âgée, comme ça, je te sens encore plus proche de moi.

Outch ! En réalité, pour qu’il se sente plus proche de moi, il faudrait que… Oh là, là ! Je divague complètement ! Bien que l’idée d’un tel rapprochement entre nous ne me déplairait pas tant que ça…

Nous sommes toujours assis sur le sol, enlacés comme s’il craignait que je lui échappe. Cette scène, surprenante et improbable, demeure la chose la plus enivrante qu’il m’ait été donné de vivre. Et si l’on me posait la question, là, tout de suite, je dirais que je désire plus que tout qu’il reste ainsi, contre moi, pour l’éternité. Étrangement, mon cœur ne bat pas à un rythme effréné. Je me sens juste à ma place, près de lui. Mon corps le sait, mon esprit également, mais ma raison a décidé de foutre le merdier dans cette évidence.

Pour que le tableau soit parfait, il faudrait qu’il m’embrasse. Passionnément. Fougueusement. Aussi invraisemblable que ce soit, moi, Mégane Légiani, la femme la plus rationnelle que la terre a portée, je désire plus que tout au monde que l’homme qui m’a prise en otage se jette sur ma bouche affamée de la sienne. Poussée par la confiance qu’il m’inspire, je relève la tête, ancre mon regard dans le sien. Il me sourit. Mon cœur fond. J’ai chaud. J’ai froid. Mes pensées s’embrouillent. Alors, dans un instant de flottement, je réduis l’espace entre nous. Une chaleur intense se propage dans mon bas-ventre lorsque je colle mes lèvres aux siennes.

À ma grande surprise, il se redresse, se recule. Merde ! Qu’est-ce qui m’a pris ? Lui qui depuis le début de notre jeu garde de la distance, je viens de briser le charme. Embarrassée par mon audace, je m’empourpre et baisse les yeux, honteuse.

Comme je me sens stupide !

— Oh, Meg ! Excuse-moi, mais tu m’as pris de court. Je ne m’attendais pas à ce que tu m’embrasses. Ça fait si longtemps que je n’ai pas… se confie-t-il, un doigt passant langoureusement sur ma bouche entrouverte.

Cet Apollon veut me faire croire qu’il n’a pas une fille dans chaque port ?

En tout cas, son speech est efficace. Les jambes tremblantes, je ne bouge plus. Enfin, il s’approche lentement avant de déposer délicatement ses lèvres sur les miennes. Mon cœur s’emballe. Je ne me souviens pas avoir ressenti autant de douceur. Rapidement, sa langue vient à la rencontre de la mienne. Mes bras se jettent à son cou, laissant le blouson tomber sur le carrelage. Sa fragrance envahit ma bouche. Il a bon goût. Sa façon d’embrasser est torride, passionnée. Sans interrompre ce que nous partageons, il repositionne délicatement le cuir sur mes épaules. Comme il est prévenant. Je n’aurais jamais cru qu’autant de bienveillance puisse se dégager d’un homme si rustre aux premiers abords. Peu à peu, sa langue se fait plus douce, la caresse dans mes cheveux plus langoureuse, puis il met un terme à cette folle étreinte. Il semblerait qu’il n’aime pas presser les choses.

— Merci, susurre-t-il dans un souffle après s’être redressé.

Hein ?

— Merci ? m’étonné-je.

— Oui. Depuis le temps que j’en avais envie.

Qu’il est mignon… On dirait un gosse venant de se faire prendre la main dans le sac.

— Moi aussi, soufflé-je tout bas.

— Allez, déclare-t-il en se relevant, habille-toi où tu vas prendre froid. Je t’attends dehors.

Son regard, pourtant dur, me caresse un instant le visage. À peine est-il sorti que je réalise. Comment vais-je pouvoir continuer ma petite vie après avoir partagé « ça » avec lui ? Encore perturbée par ce baiser, j’enfile mes nouveaux vêtements. Ils me vont à la perfection. Il a l’œil ! Me détaillant brièvement dans la glace, je remets un peu d’ordre dans mes cheveux et ouvre la porte. Sunny se trouve un peu en retrait, adossé contre l’immense balustrade, le regard perdu dans le vide. Dès qu’il s’aperçoit de ma présence, il se redresse, s’approche de moi. Sa proximité déclenche tout un camaïeu de sensation dans mon corps déjà en manque de lui.

— Oh, Meg, comme ils te vont bien ! me complimente-t-il en m’étudiant à bonne distance.

— Oui, tu as le compas dans l’œil.

— Allez, viens, me propose-t-il, on retourne en bas. Y a trop de racailles ici.

Tu m’étonnes qu’il y a une sacrée faune dans le coin ! Enfin, pas maintenant, car pour être honnête, il n’y a pas âme qui vive ! À mon avis, ils doivent tous se planquer de peur de tomber sur Sunny. D’un signe de tête, j’approuve. Mon cœur manque de lâcher lorsqu’il me prend la main du bout des doigts. Cet effleurement m’apparaît si sensuel que je pense avoir rougi comme une adolescente. Une fois raccompagnée dans la chambre, je retire mes doigts entrelacés aux siens pour aller m’asseoir sur mon lit.

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