Chapitre 67- Combat spatial
Ils étaient partis depuis une vingtaine d’heures. Comme de bien entendu, les nausées de Claire avaient repris. Quelle ironie qu’elle s’avère avoir le mal de l’espace, elle, la petite Terrienne, première de sa planète à avoir jamais emprunté l'ultralux ! À croire qu’elle n’était pas faite pour les vastes étendues spatiales !
Ses geôliers étaient trois à bord : Giles, le pilote, Marc, son frère, le Wardom, et la jeune femme d’aspect si exotique qu’elle avait vue dans le hangar, qu’ils avaient appelée Camyl. À cause de cette femme, ils avaient dû faire une rapide escale peu de temps après leur départ, escale pendant laquelle la prisonnière était restée enfermée dans sa cabine aveugle, au cœur du vaisseau, sous bonne garde. Elle avait senti, tout du long, la présence vigilante du jeune Wardom dans le couloir : impossible de tenter quoi que ce soit ! Elle avait attendu, guettant la moindre faille, mais il n’avait pas baissé sa garde une seule minute.
Quelques heures plus tard, le cargo repartit. Il venait à peine de décoller que l’alarme retentit dans l’appareil :
— Un croiseur de Kivilis vient de sortir de l’ultralux ! lança la voix du pilote dans l’interphone du navire. Marc, ramène-toi !
Par réflexe, Claire jeta un œil vers l’écran d’observation.
Un croiseur de Kivilis ! Qu’est-ce qu’il vient faire ici ? Et si c’était l’occasion que j’attends ?
Malheureusement, le moniteur était toujours désactivé : les Libertans ne tenaient pas à ce qu’elle ait le moindre indice sur leur trajet. Elle ne réussit donc pas à identifier le vaisseau, qui représentait pourtant peut-être son unique chance de salut : si elle parvenait à lui transmettre l’un des codes d’urgence que Leftarm lui avait fait mémoriser, bien avant leur départ pour Carialis, le capitaine du croiseur ferait arraisonner la navette afin de délivrer un agent en danger.
Mais pour cela, il aurait fallu qu’elle ait accès au transpondeur du poste de pilotage.
Autant dire que cela ne risque pas d’arriver !
Pourtant, pour la première fois depuis leur départ, son geôlier venait de quitter son poste pour rejoindre les autres. Elle devait tenter le coup !
La porte de sa cabine était toujours solidement verrouillée. Par acquis de conscience, elle refit le tour de sa minuscule cabine, mais elle ne trouva rien. Aucun instrument qui aurait pu lui permettre de faire sauter le verrou magnétique, pas même le moindre bout de métal.
Les Libertans ont été négligents une fois, pas deux…
Avec le poeïr, peut-être ? Elle avait déjà essayé, peu de temps après leur départ, mais ses nausées l’avaient interrompue et elle avait dû renoncer pour se précipiter vers le cube sanitaire. Luxe étonnant, sa cabine était pourvue de ses propres commodités, ce qui était certainement l’une des raisons pour laquelle on la lui avait assignée…
Cette fois, se promit-elle, elle ne devait pas se laisser distraire ! Elle commença à plonger profondément en elle, essayant de ressentir les différents éléments de la serrure…
C'est alors que le vaisseau effectua une violente manœuvre, à peine compensée par les stabilisateurs. Elle sortit instantanément de sa transe.
À sa grande surprise, elle comprit que le cargo venait d’engager le combat. Chance ou malchance, ils encaissèrent rapidement un premier coup direct, qui résonna sur les boucliers, faisant trembler toute la structure. Elle fut jetée à terre. Que se passait-il ? Le navire trembla une seconde fois, et elle ne put plus nier l’évidence : le croiseur de Kivilis avait ouvert le feu sur eux !
Leur appareil, un cargo banalisé, n’aurait pourtant pas dû attirer l’œil des militaires de Kivilis. C’était une navette privée comme il y en avait tant, avec, Claire le supposait, tous les codes et les identifications réglementaires – volés, probablement.
Malgré les compensateurs d’accélération, elle sentit les manœuvres désespérées que faisait le pilote pour éviter les rafales.
Comment c’est possible ? Ils ont été démasqués ?
Le croiseur voulait-il simplement les arraisonner – ce qu’elle-même souhaitait ardemment encore quelques minutes plus tôt – ou les détruire sans autre forme de procès ?
S’ils continuent comme ça, on va se faire volatiliser ! Enfin, mince, ils se rendent bien compte qu’un cargo, même armé, n’est pas de taille face à un croiseur !
Elle aurait donné cher pour se trouver dans le poste de pilotage. Cette incertitude était encore plus terrifiante que tout le reste.
Elle enclencha l’interphone. Ce n’était pas un vaisseau pénitentiaire et même s’ils avaient condamné l’écran de la cabine, ils n’avaient rien pu faire pour le canal audio.
— Bon sang, qu’est-ce qu’il se passe ?
— Tu veux qu’on te fasse un dessin ? lança le pilote, la voix tendue. Maintenant, ferme-la !
— Vous n’arriverez jamais à passer !
— Dégage de la fréquence ! Marc, à 3 heures !
— Je l’ai, fit la voix calme de son geôlier.
Elle entendit les canons-lasers de la navette riposter. Comme il était peu probable que le Wardom se soit risqué à tirer directement sur le croiseur - ce qui aurait été totalement inutile - c’est donc que des chasseurs avaient été lancés à leurs trousses !
Bon sang, c’est du grand n’importe quoi ! On va y rester s'ils continuent comme ça !
Désormais, toute chance de persuader ceux en face de leur bonne foi avait disparu : une navette de cette classe n’était pas censée posséder d’armes ! Si, une minute auparavant, ceux du croiseur n’étaient pas sûrs de se trouver face à des pirates, ils devaient en être convaincus à l’heure qu’il était ! Et dans ce cas, ils ne feraient pas de quartier !
À moins que…
— Attendez ! dit-elle en réenclenchant le communicateur, sa décision prise. J’ai des codes qui nous permettront de passer !
— Mais bien sûr, ironisa Giles, alors que le vaisseau faisait une nouvelle embardée. Tu nous prends pour des idiots ?
— Mais c’est vrai ! (elle se raccrocha à sa couchette alors que le vaisseau tanguait de nouveau). Écoutez, ils seront obligés de nous laisser passer !
— On devrait peut-être l’écouter, indiqua la voix de la jeune femme qui les accompagnait. Les boucliers vont bientôt céder !
— C’est ça ! Pour qu’elle leur dise, salut les copains, je suis là, arrimez-moi ce vaisseau ?
Claire resta coite un instant. Évidemment, cela avait été sa première option, ce fameux code demandant qu’elle soit secourue. Mais ça, c’était avant que les hostilités ne commencent et qu’elle ne constate la détermination suicidaire des Libertans, qui semblaient, de toute évidence, préférer se battre jusqu’à la mort plutôt que se laisser capturer !
Or elle connaissait d’autres codes. Un, surtout, qui identifierait le cargo qui l’émettait comme un vaisseau sous couverture, et leur laisserait – en théorie – le champ libre.
Et là, c’est surtout ce que je veux, en fait… ne pas être atomisée dans les prochaines secondes !
— Je vous jure que non ! rétorqua-t-elle. Bon sang, on ne va pas résister longtemps s’ils continuent !
Une nouvelle embardée, puis une autre.
— Les boucliers ont lâché !
— Un coup à tribord !
La lumière papillota, s’éteignit, se ralluma. Les alarmes hurlèrent, et l’éclairage s’éteignit de nouveau, alors que Claire était violemment projetée contre sa couchette. Des ordres contradictoires furent hurlés par l’interphone. Puis la sensation, désormais familière, mais toujours aussi désagréable, de dédoublement de toutes choses.
Et soudain, le calme.
L’éclairage passa en mode survie.
— Ultralux, fit la voix de Giles. Rapport des avaries ?
Mais elle n’en sut pas plus, car il désactiva l’interphone des cabines. Elle n’avait cependant pas besoin de ça pour comprendre qu’ils avaient des problèmes. De gros problèmes.
Peut-être, après tout, cela valait-il mieux. Si un des systèmes de survie lâchait, ils seraient morts en quelques secondes, quelques minutes tout au plus. C’était sans doute préférable au fait de passer le reste de ses jours dans une geôle obscure des Libertans… mais cela n’en était pas réconfortant pour autant !
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