Chapitre 68 - Crash

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 Quelqu’un approchait.

 Par réflexe, Claire se tendit. Une occasion de s’échapper, peut-être ? À peine cette pensée lui était-elle venue à l’esprit qu’elle la repoussa, amère. S’échapper, vraiment ! Avec un détenteur du poeïr à bord, capable d’anticiper ses actes, et un vaisseau selon toute évidence gravement endommagé…

 Le verrou cliqueta, et la porte s’ouvrit. C’était le Wardom, bien sûr.

— Qu’est-ce qu’il y a encore ? grogna-t-elle.

 Elle n’avait pas l’intention de le ménager, encore moins d’être polie. D’autant plus que ses nausées ne s’était pas arrangées depuis la bataille, et qu’elle souhaitait avant tout pouvoir s'apitoyer sur elle-même sans être dérangée.

 Pourtant, sa propre rudesse l’étonna. Elle ne l’avait pas prévue. Mais elle en avait assez d’être terrifiée – et ce combat invisible, et ses probables conséquences, l’avaient terrorisée plus qu’elle ne l’aurait cru possible !

 S’il avait été hésitant, cette entrée en matière lui épargna de se demander quelle attitude adopter.

— Pas grand-chose, répondit-il calmement, de ce calme serein qu’elle trouvait si horripilant chez quelqu’un à peine plus vieux qu’elle. Je venais juste vous dire de vous attacher. La sortie d’ultralux risque d’être rude.

— C’est-à-dire ?

— Trois moteurs en rideau, et le quatrième en surchauffe. On a dû couper les stabilisateurs et tous les systèmes auxiliaires.

 Malgré elle, elle blêmit. Elle savait qu’ils avaient subi de graves dommages, mais ignorait qu'ils en était à ce point. C’était un miracle qu’ils n’aient pas été volatilisés ! Et ce serait un miracle aussi s’ils arrivaient à se poser, où que ce soit. Sans systèmes auxiliaires, l’oxygène leur manquerait en quelques heures, guère plus, et sans stabilisateurs, ils allaient être secoués de toutes parts à la moindre tentative d’atterrissage. Ce qui n’allait sans doute pas arranger l’état général de la navette, qui pouvait fort bien se disloquer en quelques secondes ! Sans parler des G qu’ils allaient subir ! Pour ne pas laisser voir sa peur, elle éclata de colère.

— Si vous m’aviez laissée faire, on n’en serait pas là !

 L’autre haussa les épaules.

— Peut-être. Et peut-être serions-nous aussi actuellement dans une cellule de ce croiseur.

— Je vous jure que non !

 Pourquoi éprouvait-elle ainsi le besoin de se justifier ? Elle avait vite compris que sa première idée, avec ces fous furieux qui préféraient la mort que la capture, n’était pas viable. En revanche, avec le signal qui les désignait en mission pour Kivilis, rien de compromettant n’aurait été dévoilé. Et elle aurait bien trouvé une autre occasion pour s’enfuir !

— Où allons-nous atterrir ? reprit-elle.

 Comme il ne répondait pas tout de suite, elle ajouta, amère :

— Vous pouvez me le dire, ce n’est pas comme si je pouvais le répéter à quelqu’un !

 Qu’elle sache au moins où ils allaient s’écraser...

— Maytessy, indiqua-t-il finalement. La planète viable la plus proche qu’on puisse espérer atteindre avec ces avaries…

 Malgré toutes ses assommantes leçons avec Inause, elle n’avait jamais entendu parler de cet endroit. C’était sûrement une planète paumée avec une ville et trois colonies minuscules !

— Pourquoi vous n’essayez pas de vous poser sur une station spatiale ? Ça serait quand même moins risqué ! Et le lieu où on venait de s’arrêter ?

— Ce sont très probablement eux qui nous ont dénoncé, répliqua-t-il. Et il n’y a pas d’autre base suffisamment sûre à proximité, d’après Giles et Camyl.

 Elle haussa les sourcils.

Génial. Ça, ça veut dire que le signalement de l’appareil a dû être communiqué à tous les ports des environs ! Si seulement ils m’avaient laissée faire !

 Comme il ne partait pas, elle lui lança un « Quoi encore ?! » hargneux.

 Il était perdu dans ses pensées, et quelques secondes s’écoulèrent avant qu’il ne lui demande, songeur :

— Kivilis… Comment… comment pouvez-vous la servir avec tant de conviction ? Il y a tant de certitudes chez vous…

 Elle tressaillit. Elle devait mieux protéger son esprit !

 Une colère dont la force l’étonna balaya de nouveau ses sentiments. De quel droit ce type se mêlait-il de sa vie ?

De quel droit fouille-t-il dans ma tête ? Que je sois à sa merci, sa prisonnière, ça ne lui suffit pas ? Il estime devoir en plus me convaincre que c’est moi qui me trompe ? J'hallucine !

 En même temps, ce garçon l’effrayait. Il semblait tellement convaincu de la justesse de sa cause ! La propagande des Libertans s’avérait d’une efficacité terrifiante, puisque ces gens, apparemment normaux, étaient totalement opposés à Kivilis et à ce qu'elle représentait, au point de préférer mourir que se rendre ! Une opposition brute, fanatique et sans merci, qu'elle ne parvenait pas à comprendre.

— Sortez de ma tête ! éclata-t-elle. Fichez-moi le camp d’ici !

 La vague mentale de sa fureur frappa de plein fouet le terroriste, qui cilla et recula. Il parut sur le point d’ajouter quelque chose, puis se ravisa et sortit à la hâte.

 Elle sourit sombrement. Cela lui vaudrait probablement une belle migraine.

Tant pis pour lui ! Il me gonfle, lui, c’est pas possible !

 Mince victoire, certes. Mais, au point où elle en était, tout était bon à prendre. Malheureusement, quelques minutes plus tard, elle eut bien d’autres choses à penser.

 Sanglée sur sa couchette, secouée de toutes part dans un vaisseau qui menaçait de se disloquer et qui ne disposait plus que d’un moteur pour se freiner, elle éprouva une terreur au-delà de l’imaginable. Elle qui n’avait jamais prié se retrouva à supplier elle ne savait qui, ou quoi, pour qu’ils s’en sortent vivants. C’était bien plus atroce de se trouver là, sans savoir ni ce qui se passait ni où ils en étaient, que dans le poste de pilotage, où au moins elle aurait peut-être pu deviner si leur fin était dans les cinq prochaines secondes, ou dans les minutes suivantes !

 Puis les compensateurs rendirent l’âme à leur tour, et avec la perte de la gravité artificielle, la sensation de chute libre s’intensifia. Le cœur lui remonta dans la gorge.

 Elle n’avait aucune idée de leur progression dans l’atmosphère. Depuis combien de temps étaient-ils sortis de l’ultralux ? Dix minutes ? Moins ?

 Les compensateurs se remirent en marche, à moins que ce ne fût la gravité de la planète qui commençât à se faire sentir. Bien qu’attachée, elle se cognait contre les parois de la couchette. Des larmes de terreur coururent sur son visage. Jamais, même dans les pires moments de son entraînement, elle ne s’était sentie aussi impuissante !

 Pour échapper à la panique, elle se replia au fond d’elle-même, essayant de toucher ce noyau de calme qu’elle était censée trouver, là, en son for intérieur. Mais il n’y avait qu’angoisse et confusion ici aussi.

 À nouveau, la sensation qu’ils tombaient en chute libre. Elle se retrouva plaquée contre son harnais. Elle sentit la chaleur, due à la friction de l’air sur la coque, qui n'était plus compensée par les rafraîchisseurs hors d'usage. Puis les secousses furent telles qu’elle ne fut plus à même de rassembler clairement ses pensées. Jusqu’à la secousse finale qui la précipita dans l’inconscience.

 Au secours, Seigé ! Venez me chercher, je vous en prie ! Je suis à Maytessy !

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