Chapitre 79 - Sous le feu
L’un des employés d’Aucyne déboucha en trombe dans le hangar en hurlant :
— Ils arrivent !
En un instant, la panique s’empara de l’assistance. Tous les réfugiés coururent vers le vaisseau, même ceux qui pouvaient à peine marcher. Le petit garçon que Claire et Marc étaient en train de soigner se leva brusquement, renversant le pack médical, et s’enfuit à toutes jambes. D’autres tentèrent de se cacher derrière les caisses les plus proches, tandis que les employés d’Aucyne chargeaient en hâte les derniers containers. La porte par laquelle ils étaient arrivés avait été refermée et verrouillée, mais les sifflements et les détonations se rapprochaient de seconde en seconde.
Claire se retrouva, indécise, au milieu du hangar, avec les réfugiés paniqués qui la bousculaient de toute part dans leur empressement à rejoindre le cargo.
Elle est là, enfin, l’occasion que j’attends ! Je vais me rendre aux soldats !
On la tira brusquement en arrière.
— Vous voulez vous faire tuer, ou quoi ? cria Marc en l’entraînant vers le sas de la navette, où Camyl et Giles avaient déjà disparu.
— Lâche-moi ! s’exclama-t-elle, résistant de toutes ses forces.
Avec un bruit assourdissant, la porte fut soufflée par une violente explosion, qui les projeta tous à terre dans un déluge de débris. Derrière eux, les moteurs du cargo commencèrent à monter en puissance dans un grondement sourd. Les portes extérieures du hangar s’ouvraient lentement sur le ciel noir. C’est alors qu’une nuée de soldats, postés de l’autre côté, profita de ce nouvel accès pour s’introduire dans la place. Ils étaient pris en tenaille !
Une rafale de lasers croisés balaya la caverne, les manquant de peu. Les assistants d’Aucyne étaient armés et tentaient de protéger le chargement des dernières caisses, alors que les réfugiés les bousculaient dans leur hâte à se mettre à l’abri.
— Je me rends ! hurla-t-elle, tentant de se relever.
— Marc ! Qu’est-ce que tu fous ? cria Giles depuis la coupée du cargo. C’est trop dangereux !
Mais le jeune Wardom n’abandonna pas et commença à la tirer à reculons vers le sas. Elle entendit Giles jurer alors que des tirs s’écrasaient non loin d’eux, touchant une femme qui avait essayé de s’abriter derrière l’un des containers. Claire la vit tomber en arrière, l’air surpris.
Marc la lâcha soudain, et elle bascula en avant. Elle essayait de ramper pour s’éloigner quand on l’attrapa vigoureusement par les pieds : Giles était venu prêter main forte à son frère. Elle se débattit un instant, mais réalisa bientôt que les soldats tiraient sur tout ce qui bougeait. Elle comprit enfin qu’il était beaucoup trop dangereux de poursuivre son plan et se laissa entraîner par les deux frères dans le sas de la soute, qui se referma presqu’aussitôt derrière eux.
Instantanément, Giles la noya sous un torrent d’insultes. La plainte des moteurs vira à l’aigu alors que le cargo s’ébranlait sous le feu nourri des assaillants. Dans la soute bondée, les autres réfugiés les fixaient avec un effarement mêlé d’hébétude. Le déluge verbal s’interrompit d'un coup, quand le contrebandier s’aperçut que son frère se tenait l’épaule, raide de souffrance.
Camyl était déjà auprès de lui. Elle aida Marc à s’asseoir sur une caisse. La navette tanguait, les compensateurs ne suffisant pas à contrebalancer les manœuvres brutales du pilote. Étaient-ils pris en chasse par des vaisseaux de Kivilis ? Un blocus avait-il déjà été mis en place ? De l’endroit où ils se trouvaient, il était impossible de savoir ce qui se passait exactement.
- Tu ne perds rien pour attendre ! lui hurla Giles avant de rejoindre son frère à grandes enjambées.
Elle se retrouva seule au milieu du sas, hébétée et mal à l’aise. Jamais elle n’aurait voulu que quelqu’un soit blessé ! C’était Marc qui s’était accroché à elle, ce n’était pas sa faute ! Mais les soldats avaient fait irruption et arrosé le hangar d’un feu nourri sans la moindre sommation, sans chercher à savoir si des gens se rendaient, et ce, avant même que les employés d’Aucyne ne commencent à riposter.
Ce n’est pas ma faute !
Le vaisseau se cabra brusquement, et elle se raccrocha de justesse à une poutrelle. Les réfugiés crièrent. La terreur l’envahit de nouveau, comme lors de leur atterrissage en catastrophe… il y avait de cela seulement huit jours ? Pourtant, une éternité semblait s’être passée.
Elle serra le montant de toutes ses forces et ferma les yeux, redevenant un instant l’adolescente terrifiée qu’elle n’avait plus le droit d’être. Toutes les décisions qu’elle avait prises jusqu’à présent s’étaient révélées catastrophiques. Même si le jeune Wardom l'agaçait souvent prodigieusement, avec son air serein si peu de son âge, jamais elle n’aurait voulu qu’il soit blessé !
Pourquoi était-il resté près d’elle ? Il s’était pourtant rendu compte du danger, lui !
Puis toutes les choses se dédoublèrent, et ils passèrent la Limite.
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